Tagada-Tsoin-Tsoin

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 Le vieux Patmore fait balancer son rocking-chair en scrutant l’horizon. Il attend le retour de Rick. Celui-ci apparait au loin. Il chevauche le plus rapide de tous les chevaux martiens. Derrière lui, la jeune Cathy, ses mèches épousant les courbes du vent. Tous deux distancent Buck, qui les suit à pied.

 « Père ! s’écrie Cathy en apercevant le vieillard. » Elle saute du cheval tout en élégance et vient embrasser le vieux Patmore. « Vous restez pour manger ? dit le vacher en s’adressant au shérif.

 — Et dormir, si possible, dit Rick en jetant un coup d’œil éclair à Cathy. Mon acolyte viendra plus tard, ajoute-t-il. Les écuries lui suffiront.

 — Très bien, je dois avoir un box de libre. »

 Le vieux conduit sa fille et le shérif à l’intérieur du ranch.

 « J’ai fait du ragoût, dit Patmore. Vous aimez le lait d'escargot ? »

 Ils s’installent à table et mangent allègrement. Les santiags de Rick viennent remonter le long des cuisses de la jeune femme, qui lui adresse un sourire complice.

 Le repas fini, Patmore guide Rick jusqu’à sa chambre. Une fois le vieux enfermé dans la sienne, le shérif se lève de son lit et traverse le couloir à pas de loup. Cathy l’attendait. Les deux amants s'embrassent fougeusement et...

 Fondu au noir.

 Zéphistos donne l’ordre d’amarrer les galères et de stopper l’acropole.

 — Nous y sommes, dit-il à son contre-maître. Cette bonne pomme de Mars s’offre à nous, et nous allons la cueillir !

 Antalapédipos opine du chef. Après un moment : « Êtes-vous sûr d’y trouver ce que vous recherchez ? Est-ce la bonne planète ?

 — Douterais-tu de ton seigneur ? » dit Zéphistos avec des yeux inquisiteurs.

 Le contre-maître se tait.

 Une embarcation a été apprêtée. Zéphistos y entre puis envoie ses galères à la surface de Mars.

 Cinq minutes plus tard, l’exécrable Grec pose le pied sur la Terre Rouge. « Ha, ha ! Enfin à moi, cette grosse sucette. Et par Zeus, je la lécherai comme personne d'autre ! »

 « Bien, maintenant, à moi le calcium, dit Zéphistos. Sans lui, les dieux seuls savent ce que je deviendrais ! »

 Il se met à marcher dans la plaine martienne, et psalmodie comme pour un public invisible :

 « Il y a quelques mois, j’entendis parler de cette planète recelant de calcium. J’envoyai donc un de mes esclaves inspecter les lieux, et prévenir ses habitants de notre visite avant de se tuer lui-même. J’aime l’art du spectacle, Antalapédipos. Tout devait être parfait pour mon arrivée sur Mars. Et m’y voilà aujourd’hui, prêt à faire le plein ! Peut-être même y prendre des vacances, mon misérable Antalapédipos… Te rends-tu compte : j'aurai enfin assez de calcium pour exécuter mon plan ! La Confrérie sera fière de moi. Quel dommage que tous ces habitants doivent mourir. Que veux-tu : c’est cela, la démocratie. On ne peut tolérer les métèques. »

 Un vacarme assourdissant réveille Rick. À côté de lui, Cathy remue. « Qu’est-ce donc ?

 — Je n’en ai aucune idée… les vaches, peut-être. »

 Non, ce ne sont pas les vaches.

 Ce sont les sbires de Zéphistos.

 Rick regarde par la fenêtre et voit deux galères se poser lourdement près du ranch. Il saisit aussitôt son revolver laser, enfile ses santiags et son gilet et sort de la maison de Patmore.

 Des rampes s’allongent depuis les vaisseaux. En quelques instants elles sont remplies de formations de roboplites. Les machines tueuses pointent leurs lances d’argent dans les airs tout en descendant lentement de leurs embarcations. Elles portent des cuirasses en cuivre qui étincellent à la lumière des galères.

 « Qu’est-ce que c’est que ces sottises ? »

 Rick sort du ranch et se met à couvert derrière un rocher. Cathy s’est pelotonnée juste derrière lui. Quant au vieux Patmore, il n’a probablement pas entendu le raffut des galères.

 Les roboplites lancent un scan de la zone. « Ils sont trop nombreux, dit doucement Rick. Si on arrive à se faufiler jusqu’aux écuries, Tempête pourrait nous sortir de ce pétrin.

 — Tempête ? répéte Cathy.

 — Oui, Tempête, mon cheval.

 — Je veux dire… vous vous appelez déjà « Rick Storm. » Ce n’est pas un peu trop de nommer son cheval « Tempête » ?

 — Il s’appelait déjà comme ça quand… Zut, on est obligé d’avoir cette conversation maintenant ? »

 Rick marche accroupit de rochers en rochers, évitant la lumière des scans.

 « S’ils me repèrent, je suis fichu ! Dieu sait quelles sont leurs intentions… »

 Cathy le suit de près en relevant les pans de sa nuisette. Derrière les rochers, il y a au moins trois cent roboplites. « Tempête… » murmure-t-elle encore, ne pouvant pas concevoir qu’on puisse nommer un cheval après soi-même. « C’est presque une forme d’égocentrisme, chuchote-t-elle entre deux cailloux.

 — Mais vous allez me lâcher avec ça !

 — J’aurais dû m’en rendre compte plus tôt : il n’y a que vous-même qui compte. Ça se voyait, tout à l’heure.

 — Saperlipopette, vous dépassez les bornes ! »

 Rick se rend compte qu’il a parlé à voix haute. Les roboplites frétillent. Leurs scans se dirigent vers les deux fugitifs.

 « Ὦ ἀνοήτοι (o anoêtoi) ! » disent en coeur les voix métalliques des automates. « Ils viennent de nous traiter d’imbéciles !

 — Taisez-vous, Cathy, et courrez ! »

 Les roboplites commencent à les poursuivre. Rick et Cathy détalent en direction des écuries. Le shérif ouvre les larges portes à bout de souffle et cherche son cheval du regard. « Tempête ! Où es-tu, Tempête ?

 — Vous savez, ça donne vraiment l’impression que vous vous parlez à vous-même.

 — Tempête ! » répéte Rick en haletant.

 Un hennissement retentit à l’extérieur des écuries. « Il est dehors ! crie Rick. Mais qu’est-ce qu’il fait dehors ? Enfin ! Cathy, dépêchez-vous, bon sang de bonsoir ! »

 Les roboplites ont encerclé le bâtiment. Il n’y a plus aucune issue. « Nous sommes perdus ! dit Cathy désespérément.

 — Vous n’avez encore rien vu… »

 Rick dégaine un autre pistolet de son holster. « Qu’est-ce que c’est ? s’écrie la jeune fille. Ils sont au moins dix-mille, nous ne pouvons rien contre eux, Rick ! »

 Le shérif pointe le canon du pistolet vers le toit de l’écurie. « Tempête, appelle-t-il aussitôt, protocole Tonnerre !

 On entend Tempête rugir au dehors, suivi de claquements d’acier. Rick presse la gâchette de son pistolet, d’où s’éjecte un grappin ! « Pas si bête, reconnait Cathy.

 — Taisez-vous un peu et accrochez-vous à moi. »

 Cathy agrippe le bras de Rick. Le grappin a traversé le toit miteux des écuries pour se planter deux mètres plus hauts. La corde se rétracte violemment, et ils se retrouvent propulsés en hauteur à une vitesse prodigieuse. « Attention la tête », dit Rick alors qu’ils s’apprêtent à briser les bardeaux de bois.

 Leurs crânes transpercent le toit pour se retrouver au-dessus des écuries. En levant la tête, Cathy croit à une hallucination. « Ce ne serait pas… Pégase ?

 — Non, c’est Tempête. J’ai activé la commande de vol. »

 En effet, le cheval alezan s’est muni de deux grandes ailes brillantes qui font du sur-place.

 Le grappin amène Rick jusqu’à la selle et le shérif prend place sur Tempête. Cathy se hisse derrière-lui. « C’est bien joli, mais vous n’aviez pas un partenaire ?

 — Mince ! Où est donc passé Buck ?

 — Je suis là, dit une voix faible. »

 Buck est installé tout à l’arrière du cheval — Tempête est le plus long de tous les chevaux martiens. Ni Cathy ni Rick n’ont remarqué sa présence. « J’ai entendu du bruit, alors j’ai sellé Tempête. C’est pratique, de dormir dans les écuries…

 — Bon Buck ! Tes dents sont peut-être pourries, mais au moins tu as de la jugeote ! »

 Et Rick tend sa main au shérif-adjoint, qui la serre vigoureusement.

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