Mise à profit de la génétique

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 Cathy déambule dans le quartier chinois. Buck la suit de près, tête tombante, épaules lourdes.

 « Qu’est-ce qu’on va faire, mais qu’est-ce qu’on va faire ?

 — Nous devons trouver ce jumeau maléfique, dit Cathy. Une fois confronté à la police, ils seront obligés de relâcher le vrai Rick.

 — Mais comment capturer le Faux Rick ? dit Buck.

 — Même s’il semble avoir été programmé pour être méchant, ce clone n’en reste pas moins un second Rick. Je crois savoir comment le berner.

 — Avec un déguisement ? s’enthousiasme le shérif-adjoint.

 — Non, dit Cathy. Avec des nibards. »

 La jeune femme réfléchit pour mettre au point un plan. « Ce Rick-bis est un salaud : il doit sûrement se terrer quelque part de malfamé dans le quartier chinois. À nous de trouver où se rassemble la racaille de cet endroit. »

 Cathy approche un piéton du coin. « 你好, lui dit-elle. 哪里蠢蛋 ?

 — 跟着恶臭 », lui répond le passant.

 Il lui désigne une ruelle où des étalages exhibent des tas de choses étranges. « Merci », dit Cathy au piéton.

 Elle entraîne Buck dans la ruelle. « Ciel, quelle odeur répugnante ! s’écrie le shérif-adjoint.

 — Je ne te le fais pas dire. Ça me rappelle les skieurs de Mars qui rentrent au chalet. »

 Ils continuent à arpenter la rue marchande tout en respirant au minimum l’air putréfié. « Je crois que nous y sommes », dit Cathy au bout d’un certain temps, alors que la puanteur se fait moindre. Elle montre du doigt un bâtiment miteux, sur lequel est écrit : 妓女二手. « Pourrais-tu me dire ce que tu as en tête ? demande Buck. Quel est cet endroit ?

 — C’est… une maison close, répond Cathy.

 — Mince... soupire Buck. On va passer par derrière, alors ?

 — N'exagérons rien. Entrons.

 — Mais je croyais que c'était clos...

 — Ça ne m’étonne pas que les indications du passant nous aient conduites ici, dit-elle sans se soucier de Buck. Je lui ai demandé où était la vermine du coin.

 — Et que fait-on, maintenant ?

 — C'est simple comme bonjour : toi, tu vas jouer les maquereaux pendant que je séduis le Faux Rick.

 — Maquereau ? Avec le marché aux poissons à côté ?

 — Tu ne comprends jamais rien, pas vrai, Buck ?

 — Non, avoua le jeune homme à la dent jaune.

 — Ce n'est pas grave, rassure Cathy. Tu n'aurais qu'à dire que pour moi, c’est un ‘‘forfait spécial’’, et nous entraînerons le faux Rick dans un coin désert. Après, ce sera du gâteau. Dis, tu as encore ton six-coups laser ?

 — Bien sûr, mais… »

 Cathy s’est engouffrée dans le bâtiment. Elle s’enregistre dans un carnet dont l’étiquette indique : « Stock libre-service. » Elle arrache ensuite le col de sa chemise à carreaux — elle l'avait trouvée dans la penderie de Tempête — pour avoir un peu de décolleté. « J’ai l’air de quoi ? s’enquiert-elle auprès de Buck.

 — Une vraie Marie-salope ! dit-il.

 — C’est top. »

 Elle s’adosse à un mur et prend un regard séducteur. Buck essaie de ressembler à un maquereau du mieux qu’il peut : il fronce les sourcils et montre les dents, espèce de bichon qui surveille, comme un lion, son troupeau composé d'une seule femme.

 Le piège ne met guère longtemps à fonctionner. Le Faux Rick apparaît, et Cathy voit son regard avide se poser sur sa chemise déchirée — zoom avant sur les seins de l'actrice. « Hop, hop, hop, dit Buck alors que le clone approche de la jeune femme. Pour toi, ça va être le double, car…

 — Pour moi, coupe le Faux Rick avec un air terrible, ce sera moitié-prix. Tu n’as pas lu le panneau au-dessus de la porte ?

 — Je… Je ne parle pas le chinois, bégaie Buck en perdant son sang-froid.

 — Pff… Dites donc, elle est bien bonne, celle-là !

 — Ce n’est pas une blague, je suis…

 — Je parlais de la fille… Salut, lui dit le Faux Rick en jouant des sourcils.

 — Salut, dit à son tour Cathy. On va faire un tour ?

 — T’es folle ou quoi ? La police me recherche, je ne peux pas foutre un pied dehors !

 — Nous avons un très bon for…

 — Ta gueule, toi ! crache le Faux Rick sur Buck. Bon, je n’ai pas que ça à faire. On monte ?

 — Euh… Oui…

 — Tiens, face de pet », ajoute-t-il en jetant un billet au visage de Buck.

 Le clone maléfique empoigne Cathy et l’emmène en haut des escaliers. « T’es quoi, en libre-service ? », dit le Faux Rick, puis il entre dans la chambre réservée à cet effet. Cathy supplie Buck du regard, mais l’adjoint du shérif est comme tétanisé. « Zut, zut, zut ! dit-il. Tout est en train de foirer, et la voilà obligée de coucher avec ce salopard ! J'ai bien mon six-coups laser, mais avec toutes ces crapules, je n'ai aucune chance de l'emporter. »

 Le Faux Rick claque la porte de la chambre. « Tu sais que tu me plais, toi !

 — Viens là, grand fou ! Oh, que j’adore les voyous dans ton genre ! »

 Cathy joue le jeu en attendant de trouver un plan B. « Que faire ? Ce lâche de Buck est un incapable ! Même pas fichu de me sauver… »

 Le Faux Rick déboutonne son gilet.

 « Hum… pense Cathy — audiblement, avec de la reverb. Buck pourrait appeler la police, et leur révéler la position du double de Rick… Si tant est qu’il en soit capable. Et puis, une fois au poste, le Faux Rick n’aura qu’à plaider son innocence, tout en accusant le Vrai Rick. Mince, je n’y avais pas pensé… »

 Le malfrat retire la chemise de Cathy avec ses dents.

 « Je dois lui faire avouer ses méfaits, continue la jeune femme dans sa tête. Si la police entend une déclaration, elle sera contrainte de relâcher le Vrai Rick. Encore faut-il que ces aveux soient datés et localisés : cela prouvera qu’ils proviennent bien du Faux Rick. Mais comment faire pour les enregistrer ? »

 La jeune femme se gratte la tête. Tout à coup, son visage s’illumine.

 Le double du shérif enlève son pantalon. Cathy chuchote quelque chose, puis lui dit d’un ton détaché : « Dis… Raconte-moi combien tu es méchant.

 — Maintenant ?

 — Oui, maintenant, mon gros scélérat.

 — Euh… Ben, y a ce type prétendait que sa sauce était la meilleure. Moi, je trouvais qu’elle n’était pas terrible. Alors je lui ai cassé la gueule !

 — Oh, c’est tellement excitant ! Quand est-ce que cela s’est passé ?

 — Hier.

 — Va pour le datage, se dit Cathy. Oh, reprit-elle à voix haute, comme je suis contente d’être avec un malfaiteur, dans cette chambre libre-service de la maison close d’occasion du quartier chinois de Jupiter… »

 « Et va pour la localisation ! »

 Le Faux Rick enlève le reste de ses vêtements. « T’es du genre bavarde, toi.

 — C’est toi qui fais bouger mes lèvres, ma canaille. Prends-moi dans tes bras, Rick…

 — Eh, comment tu connais mon nom ? Je ne te l’ai jamais dit. »

 Cathy a un frisson. Elle se rend compte de son erreur. « C’est que… tous les journaux parlent de toi, tu sais !

 — Il n’y a pas de journaux sur Jupiter.

 — La radio… je voulais dire : la radio.

 — Mais qu’est-ce que tu racontes ? »

 Le Faux Rick se rhabille en vitesse. « Saleté, j’aurais dû m’en douter !

 — Je ne comprends pas…

 — T’es de la police, dit le double du shérif. Et ton collègue, avec sa dent pourrie, ça se voyait aussi !

 — Mais… »

 Cathy se ravise soudain. « Bravo, tu as découvert ma vraie identité. Maintenant, tu vas me faire le plaisir de lever les mains en l’air et de me suivre jusqu’au poste !

 — Va donc, eh patate ! »

 Le Faux Rick saute par la fenêtre : il y a deux cris. Le double est tombé sur quelqu’un.

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