Retrouvailles

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À mi-hauteur de la tour d'or et de saphir, le balcon surplombe le grand parc émeraude du cercle extérieur. L'étendue verte illuminée par les puissants éclairages d'appoints s'étend jusqu'à la bordure parfaite du dôme. Au-delà, à travers le mille-feuille de diamant et de matériaux composites, les roches ôcres prennent le relais et occupent l'espace jusqu'à l'horizon fracturé par le mont Elysium. La femme aux yeux iridescents regarde l'invité franchissant le seuil de son bureau. Chassant ses souvenirs, elle l'accueille : « Bonjour Thibault. Je n'aurais pas pensé que tu serais venu. »

L'homme s'approche d'un pas maladroit sur le sol de marbre bleuté, peu habitué à la faible gravité de la planète rouge. S'accoudant à la balustrade dorée, son regard plonge dans le feuillage scintillant des arbres. Après quelques secondes de silence, il répond enfin : « Le monde change, les gens aussi. Bonjour à toi Méride, ou faut-il aussi que je t'appelle “Pulsar” ? »

Quelques échos de son dernier sarcasme rebondissent au milieu du silence. Sèchement, la femme reprend et lui demande combien de temps il compte rester dans les majestueuses colonies. L'humain lui répond qu'il est ici pour une mission diplomatique qui risque d'être longue.

La femme, aux yeux d'opale, continue l'interrogatoire de son ex-mari en essayant de savoir si leur fils est aussi ici. Froid comme la pierre, Thibault lui explique qu'il a du le laisser en bas, mais comme pour éviter de se faire lapider par la femme des colonies, il se justifie en expliquant qu'il l'a confié à Joseline Fipilli.

Pulsar répète le nom en l'articulant exagérément et ses paroles résonnent dans la pierre quelque temps. Feignant d'avoir décroché de la conversation, le diplomate réagit tardivement et se contente de lui indiquer qu'elle s'en occupe bien.

Les yeux lui jettent un regard d’obscidienne : comment peut-il continuer à éloigner son propre fils maintenant qu'il se trouve lui-même hors de la Terre ? Il lui avait déjà pris l'enfant lors de leur séparation, prétextant devant les tribunaux que sa mission auprès des colonies n'était pas compatible avec les intérêts de l'enfant. Et maintenant, il le confie à une femme qu'il ne connaît presque pas !

Monsieur Thibault Verner pouvait bien avoir d'innombrables alliés sur la planète bleue, mais ici, dans les colonies, ce n’est qu’un grain de sable isolé. S'il le faut, elle fera de son séjour dans les colonies un véritable enfer. Car le bel homme a un certain nombre de cadavres dans ses placards si on use de la métaphore et s'il ne prend pas garde, sa réputation s'en trouvera définitivement rayée.

D'une poussée sur la balustrade d'or, l'homme se redresse comme pour retrouver son assurance. Il improvise maladroitement une réponse et demande à Méride de ne pas être ridicule. Le voyage depuis la Terre demande beaucoup d'argent et si l'Europe et les colonies n'avaient pas payé le voyage, lui-même n'aurait pas pu être là.

L’argument pécuniaire n’a de sens aux yeux de Pulsar. Mais avec la longue tradition terrienne, le diplomate a pris l'habitude de tout rapporter aux prix, aux coûts, à l'argent. C'est un aspect qu’elle trouve détestable chez son ex-mari. Il devra s'y faire, dans les colonies, les Solaires apportent beaucoup moins d'importance aux devises, aux métaux précieux et autres pierres scintillantes.

« Qu'as-tu fais pour venir ici ? En temps normal, tu n'aurais jamais fait le voyage. Tu fuis quelque chose là-bas ? Je connais bien tes petites affaires habituelles… Cette fois, les choses t'ont dépassé ? »

L’attaque aiguisé comme une lame d'obsidienne laisse Verner interdit quelques instants. Cette fois-ci, la confrontation sera violente et, ici, il lui faudra faire des concessions ou son confort personnel volera en éclats. Méride a toujours été meilleure que lui dans ce domaine et même si elle manque généralement d'ambition, elle risque de l'emporter.

Feignant de se rendre, non sans une pointe de colère, le diplomate termine : « Très bien, je vais voir ce que je peux faire… » avant de franchir à nouveau le seuil doré.

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