Celle qui refusa d'oublier

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Si Glenn ne l’avait pas retenue à cet instant, Luna Lund se serait jetée entre les trois et aurait encaissé tous les coups. Son aspiration brûlée une fois son regard posé sur Lila. Mouillée de la tête aux pieds, ses vêtements rubéfiés, ses yeux exprimèrent vide et néant, comme si ses pleurs de tout à l’heure n’avaient jamais eu lieu. Son corps se mouvait au rythme de la cadence de Ciara et Corry. Un fouet en métal à la main, la Foscor ne se gênait pas à le manier avec force et rage, tandis que le blond essayait de l’embûcher en déviant son attention sur lui.

Corry lança des coups de lames calculés, étudiant au passage la souplesse et les sens aiguisés de elle. Malgré leur travail d’équipe, Lila réussit à parer la plupart de leurs attaques, alors que d’autres l’égratignèrent et déchirèrent sa tenue.

  • Fais chier ! s’offusqua Ciara en n’atteignant pas son adversaire.
  • Tu manies mal ton arme, commenta elle après une énième esquive, ta maîtrise est loin d’égaler celle de Fiona.
  • Comment oses-tu ternir son nom !
  • De nous deux, c’est bien toi qui ne lui fais aucun hommage avec cette médiocrité.
  • Garde ton calme, Ciara, s’interposa Corry, elle veut seulement te provoquer.
  • Et elle le fait si bien !

Sa rage se dissipa au rythme de sa course et ses pieds s’élancèrent droit vers Lila qui ne bougea pas. Cette dernière s’abaissa à la dernière minute avant de rouler sur la terre pour éviter le coup de Corry. Une fois relevée, elle n’eut pas le temps de souffler qu’une lame égratigna sa joue droite. S’enchaînèrent alors un combat acharné, dominé par Ciara et l’espion de l’empereur.

  • Ça suffit, je vous en prie ! S’écria Luna en se débattant de l’emprise de son camarade.

De l’autre côté et malgré ses supplices incessants, personne ne l’écouta, elles firent l’effet inverse ; les coups de Ciara devinrent plus violents, Corry plus rapide et Lila plus affutée. Cette dernière jeta la culpabilité dans un coin de sa tête et sortit ses sabres de leur fourreau. Reprenant légèrement son souffle, tout comme ses adversaires d’ailleurs, la cheffe de clan suait à grosses gouttes, respirant avec difficulté. Quant à Corry, bien que son visage n’exprimât aucune fatigue, ses jambes un peu fléchies laissaient deviner son éreintement. Lila en profita.

Son regard fixé sur Ciara, elle s’élança vers le blond, un hoquet de surprise le prit avant de parer la pointe de son sabre par son couteau. Elle l’attrapa par le col, feint un coup de poing et lui asséna un croc-en-jambe. Corry tomba à terre, le souffle coupé par sa chute. Sans crier gare, Lila se projeta contre Ciara qui n’eut pas le temps de préparer son fouet. La Foscor esquiva de justesse le sabre de son adversaire, jeta son arme et tordit son bras par sa jambe. Lila gémit de douleur et attaqua de sa main libre jusqu’à ce que Ciara heurte sa jambe bandée d’un coup sec.

Le résultat fut immédiat ; elle tomba à terre, perdant toute puissance alors que sa voix s’éleva avec souffrance. Par reflexe, elle s’éloigna de quelques sauts et la douleur à sa jambe la déséquilibra. Lila retomba en se tordant de douleur, un filet de sang tâcha le bandage blanc usé.

  • Corry, non ! surgit Luna en s’interposant devant le blond, prêt à lui enfoncer un poignard dans le crâne.
  • Me défier signifie défier l’empereur.
  • Bouge de là, Luna ! C’est un ordre !
  • N’y comptez même pas ! Je suis sûre que sa majesté n’a pas commandé sa mort.
  • Ta naïveté me surprendra toujours, commenta Ciara en s’approchant dangereusement. Réveille-toi ! Cette garce n’est plus ce qu’elle était, c’est une traitre qui mérite de pourrir six pieds sous terre !
  • Si Nolan t’entend, il annulera votre engagement en un claquement de doigts.
  • Si Nolan sait ce que sa cousine s’apprêtait à faire, il l’aurait fouettée jusqu’à la mort.

Les deux femmes se jaugèrent, aucune ne baissa les yeux, guidées par l’orgueil. Un mouvement derrière l’investigatrice et Corry n’hésita pas à se jeter vers Lila. D’un pas rapide, Luna s’interposa une nouvelle fois, prête à encaisser le coup. Il ne s’arrêta pas pour autant et ne s’arrêterait pas depuis son dévouement à sa seigneurie Amaël de Val, quelques années auparavant.

  • Corry ! Alerta Ciara, la peur de retrouver la jeune femme blessée tirailla son âme.

Tout se déroula si vite que personne ne réussit à expliquer ce qui vint de se passer. Du sang égouttait le long du couteau, tâchant au passage les vêtements de ceux qui étaient proches. Un sourire vainqueur étiré sur ses lèvres, la fierté brillant au fond de yeux, Corry retira son arme de l’épaule de la Glasmartre, sans prêter attention aux sanglots de Luna, couchée à terre et accrochée à la jambe droite de Lila. Cette dernière, à peine debout et les deux mains en sang devant son visage, fixa Corry sans un mot.

La lueur de son regard disparut peu à peu tandis que son corps se vida lentement. Ses mains précédemment empalées et sa blessure de sa jambe gauche rouverte, le sang glissa le long de sa peau endolorie. Le monde se brouilla autour de Lila et eut du mal à discerner les pleures de Luna, de la voix de Glenn à proximité ou les pas rapides de Corry dans sa direction. Le poing atteignit à peine ses mèches ébène qu’elle tomba raide sur le sol.

  • Lila, Lila, Lila ! appela Luna en tentant de reprendre son souffle, ses touchés sur sa peau se faisant de plus en plus douloureux.
  • Pousse-toi, ordonna Corry d’une voix hautain.
  • Je t’emmerde, souffla-t-elle sans même lui jeter un regard.
  • Luna ! rappela à l’ordre Ciara, elle doit payer ses péchés. Elle a tué l’ancien chef Glasmartre au nom du Val !
  • Luna, pousse-toi, ajouta doucement Glenn en la retirant du corps de elle.

La jeune femme se débattit une nouvelle fois, en vain. Corry s’approcha de Lila, sa main tendue vers son cou avant qu’une main ne le retienne fermement.

  • Ose la souiller et tu verras ta main rouler sous tes pieds, menaça Nolan dont la froideur de sa voix n’exprimait que colère.
  • Eloigne-toi, Glasmartre.
  • Il suffit, Corry.

Enora n’élevait jamais la voix, même pour vider sa mauvaise humeur. Son calme perçant suffisait à donner des sueurs froides à ses compagnons. Tel fut le cas de Corry Arthus ; bien qu’il fasse partie de la sixième garde, aucun soldat n’était plus respecté que ceux de la première. Brave et autoritaire, l’audace de les confronter n’existait chez personne. En voyant l’état de Lila, Enora se mordit la lèvre inférieure et détourna le regard vers le reste du groupe.

  • Sa majesté demande à ce qu’on la lui ramène en vie. Vous n’y êtes pas allés de main morte à ce que je vois.
  • Sa majesté se ferait une joie de la voir mourir à ses pieds. Vous vous rendez compte que vous êtes en train de protéger une criminelle ? Le massacre qu’elle a causé ne compte pas pour toi ?
  • Les affaires de ma famille ne concernent aucunement ton intérêt, ni de personne. Du reste, c’est à l’empereur de prendre une décision, répondit simplement Nolan en soulevant sa cousine.
  • Imbéciles que vous êtes ! rugit l’espion.

Corry disposa.

  • Nolan… hésita Ciara
  • Pas maintenant, dit-il sans la regarder et se tourna vers Enora. Que souhaite sa majesté ?
  • Emmène-là au département Medicus et quand elle se rétablira, elle aura sa sentence.
  • A quoi bon la soigner, alors ?
  • Ne remets pas en question les ordres de sa majesté, supplia presque Enora en soufflant.

Sans un mot, Nolan abdiqua, seule l’amélioration de l’état de Lila brouilla son esprit.

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