Chapitre 2 - Empire d'Urmak

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Leur rencontre avait été courte, Vahan ne pouvait pas s’empêcher de se la remémorer. Il avait si peur d’oublier, qu’à force de se repasser les images il les transforme. Il ne connaissait pas la façon dont il aurait dû se comporter, ce qu’il aurait pu dire, ou pas. Ici il n’avait pas d’amis, il était condamné à ne parler qu’à ses précepteurs et ses maîtres d’armes.

Il vivait dans le mutisme le plus complet, on lui avait appris à démolir chaque émotion qui se présentait dans le fond de sa gorge. Si bien qu’il ne savait plus vraiment les distinguer. Malgré son jeune âge, il disposait d’une maturité impressionnante.

Ses journées rythmées par ses cours ne laissaient aucune place à l’hésitation. Le matin on lui enseignait l’Histoire, les mathématiques, les stratégies guerrières, la géopolitique et les langues du continent. L’après-midi était centré sur les armes, les tactiques de combat et l’apprentissage de ses aptitudes.

Il ne voyait que très rarement ses parents en dehors des repas du soir obligatoires. Depuis ses 6 ans, il se passait de nourrice et disposait d’une chambre seul.

Son père, Shakir, était l’empereur d’Urmak, faisant de lui le Prince de l’Empire d’Urmak. Cet Empire s’étendait de la forêt de Barball à l’est, jusqu’à la mer Aergean. Le massif Strn au Nord fermait ses frontières avec le Royaume des Brahis et le reste du continent. Le peuple de l’Empire était principalement formé d’hommes belliqueux et misogynes.

Depuis deux générations seulement cette sphère était dirigée par les Prynnseas, ils vivaient récemment dans une paix fragile avec celle de la cité d’Om. Ils avaient investi le Palais Incarnat et en avaient refait entièrement la décoration. Le sang des ennemis comme couleur, et le symbole de l’aqua regia, un triangle renversé accolé à un R, comme blason. Ce mélange alchimiste n’était autre qu’un puissant acide, pouvait liquéfier n’importe quel métal.

Quelques fois son père, Shakir, lui donnait des conseils aussi étranges qu’avisés. Il espérait que son fils s’en souviendrait lorsqu’il pourrait enfin accéder à la place d’empereur. Il lui disait qu’il fallait broyer l’ennemi dès l’œuf, ou encore qu’il ne s'autorisait à avoir confiance qu’en lui-même. Il avait la tête pleine de dictons, et de l’immense soif de pouvoir de la seule figure masculine qu’il lui était proposé.

Kalina l’avait illuminé. Rien n’était comparable à son sourire là où il vivait. Les rares moments qui se rapprochaient de ce sentiment de bien être se résumaient à ses escapades en solitaire pour déroger à ses leçons.

La nuit après leur rencontre il s’endormit en pensant à la chaleur de la main de Kalina.

La pièce se voila, il se trouva face à son maître d’armes, Dyvorn. Celui-ci le provoqua avec un bâton long, Vahan se prit d’une pulsion dévorante. Il savait qu’il devait répondre à sa défiance. Confiant, il esquiva les coups un à un, jusqu’à en recevoir un dans la cuisse et son revers sur la tempe.

Une lueur s’alluma dans son regard, il esquissa un sourire narquois, et fonça sur son adversaire comme un tigre en pleine chasse. Vahan se retrouva aplati contre terre, il lui sauta dessus, alors que ce dernier disparut. Il reconnut l’émotion, l'unique qu’on lui autorisait, la colère.

Il se releva et aperçut un miroir un peu plus loin. Il s’en approcha toujours les poings serrés. Ceux-ci se délièrent immédiatement à la vue de la silhouette qu'il lui reflétait.

Elle apparu, elle respirait, et le regardait. Kalina se tenait là. Le temps semblait élastique, comme si elle subsistait à jamais quelque part dans ses songes. Sa colère se dissipa instantanément pour laisser place à une sensation d’apaisement.

Le réveil fut brutal pour Vahan, la douceur de son rêve s’envolait à mesure qu’il ouvrait ses paupières. Il était resté là, les yeux grands ouverts face au plafond. Toute cette tendre énergie se volatilisait peu à peu, l’angoisse rugissante de son existence le gagnait à mesure. Cette boule dans son ventre se raviva alors, et elle demeurerait là toute la journée.

Pour Kalina aussi la sortie de la nuit se révéla assez brumeuse. Elle avait pour habitude de très peu rêver, d’ailleurs elle demandait régulièrement pourquoi aux gardiens. Pourquoi suis-je incapable de me souvenir de mes songes ?

“ Tu sais, tu rêves, comme nous tous, et même une grande partie de la nuit. Simplement ton esprit n’est pas préparé à s’en souvenir. Tu dois être plus à l’écoute de toi même et ne pas te focaliser sur la journée que tu t’apprêtes à passer, mais bien sûr l’instant présent.”

Ce matin-là au contraire elle se souvenait très clairement de son rêve, tout était limpide. Elle riait aux éclats avec Uly. Et soudain tout devint complètement noir et Uly disparut. Étrangement elle n’était pas effrayée, elle savait que la situation la mènerait quelque part. Cela lui avait semblé durer une éternité à travers laquelle ses pensées s’étaient dirigées vers cette rencontre.

“ Vahan… souffla-t-elle à demi-mot. “

Son cœur se mit à taper un peu plus fort, comme à bout de souffle, fermant alors les yeux pour essayer de se détendre. Une technique qu’elle utilisait souvent pour s’apaiser, se concentrer ou simplement passer à autre chose, comme si elle pouvait clore un chapitre pour aller au suivant.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux à nouveau, il restait là face à elle. Mais pas aussi clairement que s’il était vraiment présent. Cette vision se flouta, brumeuse et sombre. Son visage pâle disparaissait à mesure qu’elle le parcourrait du regard. Ses yeux noirs brillaient d’une lueur étrange. Il avait la même expression que plus tôt dans la journée, un mélange d’amertume et de stoïcisme. Elle avait l’impression de le comprendre parfaitement et à la fois il lui semblait totalement inconnu. Elle s’apprêtait à toucher ce reflet, quand elle ouvrit les yeux, encore.

Elle se réveilla avec son odeur et cette sensation de lui tenir la main. Kalina souriait. La lumière traversait sa chambre par des nuances rosées. Chaque matin elle s'émerveillait face à ce splendide spectacle. Elle ne fermait jamais ses rideaux, il passait à travers la planète Sunya. C’était un globe pas tout à fait opaque qui sur le même axe qu’un des deux soleils transformait les rayons en un milliard de teintes de rouge, orange et rose.

Elle adorait voir ça, cela ne durait que très peu de temps, mais suffisamment pour qu’elle s'émerveille chaque jour.

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