Perles Manquantes

de Image de profil de William MilorisWilliam Miloris

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Nous marchions à travers bois où les cimes se perdent dans le ciel.

Nos pas crépissaient sur les aiguilles de pins décuplant ainsi leurs arômes si enivrants.

Cela me rappelle mon enfance.

Mon père avançait lentement, la tête baissée, les bras le long du corps tel un automate à qui on aurait coupé les fils. Son visage était marqué et deux rides profondes sillonnaient son front tout en fixant le sol sans relâche ,comme si, il aurait perdu je ne sais quoi.

Je me rappelle de mon père et comme il a vieilli.

Intrigué, un écureuil à la queue flamboyante s'arrêta pour nous laisser passer. Les rayons du soleil se faufilaient entre les feuillages laissant perlés sur le chemin des larmes de peintures entre l'oranger et le grisâtre.

Tout d'un coup mon père resta immobile, son ombre glissa sur le lac, immense, magnifique.

Et comme avant, sur l'eau, la barque était là.

Je descendis la première. Je me retournais vers lui afin qu'il me suive et je crus voir qu'il esquissait un sourire, ou était-ce le soleil qui jouait avec moi.

Comme il a vieilli mon père.

Une fois près de moi, il me prit dans ses bras, telle une plume, et me déposa sur la barque. Il monta à son tour, j'eus peur qu'il ne trébuche mais il tint bon. Il s'asseya près de moi et commença à ramer. Malgré son âge, ses gestes étaient surs et réguliers. Le ciel était d'un bleu intense et son reflet se posait sur l'eau comme on dresse une nappe de noces pour ses convives.

Je restais silencieuse, laissant la beauté de cet endroit m'éblouir.

Une fois au milieu, il cessa de ramer et la barque choisit son chemin.

Lui, restait à contempler l'horizon obstinément tel une coque vide.

A quoi pensait-il donc ?

Si toutefois en avait-t-il encore la faculté. Il paraissait si triste, un désert de mélancolie avait desséché son coeur. Lui que j'avais connu si heureux pourtant.

Comme il avait vieilli mon père.

Il posa les yeux sur moi, son regard si intense, des yeux noirs tels la nuit quand elle recouvre le monde. La barque pivota à l'inverse d'une montre, entrainé par le doux courant. Au loin j'entendis le chant mélodieux des criquets qui m'appelaient, on aurait dis des sirènes qui hurlaient mon nom.

Un peu effrayée, je posais ma main noueuse sur la sienne.

Comme elle avait vieilli ma main de jeune fille !!

Mon coeur s'accéléra sans prévenir, je le fixais troublée. Je vis des larmes couler sur ses joues creuses, d'un revers de main je les balaya. L'image de mon père s'était volatilisé.

Et les perles manquantes s'enfilèrent dans mon esprit.

"Je me souviens..." Soufflais-je.

En face de moi se tenait mon mari et c'est sur ce lac qu'il avait demandé ma main il y a tant d'années de cela...

Les souvenirs innondaient mon cerveau, je me rappelle à présent, la maladie, cette sangsue a collé ses ventouses sur moi, elle porte même un nom : Alzheimer.

Une immondice qui vous prive de votre sève, de tous ce qui fait de votre histoire.

Une voleuse perfide et cruelle.

Alors sans hésitation je me blottis, pour sentir sa peau, son odeur sur moi.

Jusqu'à en crever.

Nous sommes restés l'un contre l'autre, nos mains entrelacées.

Laissant nos coeurs emprisonnés le temps.

Tragédie
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Poème Libre suite et finChapitre11 messages | 4 ans
PERLES MANQUANTESChapitre33 messages | 4 ans
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