Voici comment la fille de la chevrière devint une femme.

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Les pas d’Ambrosia la menèrent, tout naturellement, dans la vallée où elle était née. Elle y arriva à la tombée du jour. L’ubac était désert, la cabane et la chèvrerie vides. Elle vit sur l’adret, à côté du village, un feu autour duquel les habitants faisaient grand tapage, ils fêtaient Ostara.

Pour la première fois, elle franchit le pont.

Ses loups — je les désignerai ainsi dorénavant, car ils en avaient l’aspect.

Ses loups, disais-je, l’accompagnèrent, puisqu’en cette heure que l’on nomme “entre chien et loup” on ne peut distinguer les uns des autres. Ils se couchèrent à quelques foulées de la bruyante assemblée.

Lorsqu’Ambrosia rejoignit la frairie, tous les regards s’attardèrent sur sa silhouette gracile aux courbes harmonieuses. Nul ne reconnut la fille de la chevrière en cette magnifique jouvencelle dont le visage d’une symétrie parfaite était encadré par une abondante chevelure, tombant sur ses épaules nues en cascade de boucles d’un roux flamboyant. Les garçons étaient hypnotisés par ses grands yeux verts et ses lèvres gourmandes ; les filles la jalousaient déjà ; les hommes matures détaillaient, sans vergogne, les formes que sa légère robe sans manches mettait en valeur sans les mouler ; leurs femmes les tançaient.

Ceux-là mêmes qui l’avaient lapidée des années plus tôt se pressèrent pour l’accueillir. Les garçons pour la courtiser ; les filles, hé bien, parce que pour avoir un cavalier, il fallait être auprès de ceux-ci. Tous la questionnèrent : comment t’appelles-tu ? D’où viens-tu ? Quand es-tu arrivée ? Où sont tes parents ? Où vas-tu loger ? Restes-tu longtemps ici ?

À celles qui souhaitaient qu’elle déguerpisse au plus vite comme à ceux qui espéraient qu’elle s’attarde, sans la moindre hésitation, elle répondait avec le sourire. Depuis des années, la sorcière l’avait préparée à son retour dans le monde des humains ; lui forgeant un passé dans des lieux suffisamment lointains, pour qu’aucun n’y connaisse quiconque.

La nuit était noire, mais douce. Des musiciens entamèrent les deux temps d’un branle entraînant, nombreux furent ceux qui l’invitèrent à rejoindre l’anneau intérieur, celui des femmes. Elle accepta volontiers.

Chaque homme, de sa main droite, prenait la main gauche de celle qui lui faisait face, tous deux exécutaient un double branle, puis il parcourait le cercle extérieur dans un sens et elle la ronde intérieure dans l’autre, jusqu’à former un nouveau couple.

Quel que soit son âge, celui qui tenait la main d’Ambrosia tardait à reprendre la rotation, irritant celui qui le suivait et celle qu’il devait atteindre, jusqu’au moment où l’un bouscula celui qui s’éternisait ; pour remettre de l’ordre, le magistrat menaça d’exclure l’étrangère, ce qui se révéla efficace.

Entre les danses, chacun s’empressait de la complimenter, de lui offrir à boire ou de lui proposer un siège. Mais, comme le temps passait, l’aréopage de ses soupirants diminuait. Les plus futés avaient vite compris que le plus beau, le plus charmeur, celui dont toutes rêvaient, serait celui qui séduirait la superbe inconnue, aussi avaient-ils tourné leurs attentions vers les autres. Ce fut ensuite à ceux qui avaient une dulcinée de retourner vers celle-ci.

Puis, lorsque l’on entendit les trois temps d’une saltarelle, le don Juan du village prit d’autorité la main d’Ambrosia et l’emmena sur la terre battue. Face à face, les mains dans les mains, leurs bras levés formant les pans d’une toiture, ils dansèrent longuement. Il s’appelait Ioánnis, était beau, séduisant, attentionné et la faisait rire.

Si vous l’ignorez, sachez que la saltarelle se danse en sautillant. Au rythme de ses pas, la robe d’Ambrosia frottait ses mamelons, érigés, ils pointaient fièrement sous le tissu, attisant le désir d’Ioánnis qui en faisait de même.

Lorsque la musique cessa, Ioánnis grisé par les effluves d’Ambrosia, la serra contre lui, la baisa à pleine bouche et l’entraîna à l’écart. À savoir au bord du torrent, à l’aval du village, loin du feu et des lampions. La nuit était douce, il la fit asseoir sur l’herbe. Il lui susurra des mots tendres, lui murmura des mots coquins, d’un baiser, il la coucha sur le dos, s’allongea sur le côté.

Ioánnis était câlin, délicat, attentionné, prévenant. Il ne la pressa pas, la charma, lui baisa les yeux, les mains, le cou, la nuque et mille fois la bouche avant d’ôter sa robe. La vue de son buisson ardent l’enflamma, mais il réfréna son enthousiasme, la caressant, il la couvrit de baisers avant de la pénétrer.

Il commença doucement, de plus en plus profondément, il sentit l’hymen, quêta l’approbation d’Ambrosia, elle la lui donna d’un battement de cils. Alors, il la déflora, puis s’activa plus énergiquement.

La douleur fut négligeable, son désir l’annihila. Ambrosia aimait les sensations qu’il lui procurait, bientôt elle ne fut plus que l’étroite gaine graissée, dans laquelle le poignard d’Ioánnis allait et venait, son mouvement du bassin martelait sa vulve, encore, encore, et encore. Bras tendus, il fixait ses yeux et sa bouche entrouverte, accélérait pour la faire haleter, ralentissait pour qu’elle se cambre.

C’était plaisant, mais du plaisant au plaisir, il y a du chemin. Non, des chemins. Certains délicieux et directs, d’autres plus compliqués, sinueux, voire douloureux, sans parler des plus nombreux qui n’arrivent jamais au but.

Ainsi, de peur qu’il lui échappe, quand les dizaines de milliers de terminaisons nerveuses de ses labia, de son vagin et de son organe érectile exacerbées l’exigèrent, elle planta ses ongles dans les fesses d’Ioánnis et l’immobilisa fiché en elle. Son mont de vénus pressé contre le pelvis du garçon, roulant des hanches, elle frappait frénétiquement le fond de son con contre le gland d’Ioánnis tandis que celui de son clitoris gorgé de sang s’évadait de son prépuce. Elle eut un orgasme inouï !

Un de ceux que les plus présomptueux des hommes sont persuadés de toujours procurer aux femmes. Qu’elles en aient eu un, qu’elles l’aient simulé, voire qu’elles ne s’en soient pas donné la peine.

Les influx nerveux partis de ses zones érogènes stimulèrent une sécrétion de dopamine qui satura son cerveau, comme dans une explosion le plaisir  l’envahit, anéantissant toute autre sensation, elle jouit longuement, intensément.

Dans un spasme, les muscles de son périnée se contractèrent, emprisonnant en elle la verge d’Ioánnis. Fut-ce l’orgasme qui provoqua ce spasme ? Je ne saurais me prononcer.

Yeux grands ouverts, Ambrosia regardait le visage d’Ioánnis. Elle vit un sourire s’y esquisser, y lut la stupeur, la rage, une folie meurtrière, mais en pleine extase, ces informations furent balayées par les vagues de plaisir qui se succédaient.

Les mains d’Ioánnis se refermèrent sur sa gorge et il serra en éructant :

« Mais ! Mais ! Oui ! Tu es la fille de la chevrière ! Maudite sorcière, je vais te tuer ! »

Peut-être est-ce cet étranglement, qui n’avait rien d’érotique, qui déclencha le spasme ?

Il essaya de se retirer d’elle, mais son pubis resta soudé au vagin de la fille de la chevrière. Sa tentative infructueuse décupla sa fureur. Était-il foncièrement mauvais ? Je n’en sais rien, mais la toute-puissance que lui conférait le pouvoir de donner la mort le fit jouir à son tour. Il répandit sa semence en elle en resserrant son étreinte autour de son cou.

La vie de la fille de la chevrière aurait pu s’arrêter là, ainsi que son histoire, mais il n’en fut rien.

* Note de l’éditeur : C’est ce qu’est censé représenter l’image de couverture, d’après le titre du JPG.

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