Je suis enfermé

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Je suis enfermé dans une pièce ronde et les murs s’agitent autour de moi. Je suis enfermé dans l’obscurité et j’entends des rires et des applaudissements au-dehors. Je sens qu’on appelle, qu’on se réjouit de mon sort. Depuis combien de temps suis-je ici ? Il me semble ne connaître que des endroits exigus et inconfortables. Je me souviens de l’odeur et de la promiscuité avec d’autres, quels autres ? Quelqu’un a t-il jamais partagé mon sort ? Aussi loin que puisse remonter ma mémoire, je ne le crois pas.

Parfois j’ai l’impression d’être né hier, d’être arrivé à la conscience en l’état. J’ai de temps à autre des flashs, bien sûr, et il me semble que le sol bouge, que le ciel s’illumine, à moins que cela ne soit l’inverse. Il est vrai que j’ai du mal à me rendre compte. Et dans ces brefs instants, j’entrevois un visage familier qui me rappelle mon enfance, à la campagne je crois, bien loin d’ici. Mon passé m’apparaît alors déformé, je suis minuscule, tout me semble démesuré, un œil me fixe et pleure, un œil blanc et rouge.

Je frissonne et me frotte énergiquement le visage. C’est un tic qui me vient souvent, je ne peux le contenir, tout comme mes larmes. J’entends tout, mes oreilles me paraissent immenses et douloureuses à cause du brouhaha qui règne à l’extérieur. Les cris, les tambours, les hourras me sont insupportables, mais ne sont-ils pas le fruit de mon imagination, de mon esprit malade ? Je me sens malade. Malade, faible et amoindri. Je ne peux plus me tenir sur mes jambes et adopte une position inconfortable, ventre à terre, tel un sphinx avachi. Les battements de mon cœur se répercutent dans toute la pièce, résonnent contre les parois de ma prison feutrée. Il me semble qu’un autre monde est là, tout proche, à l’extérieur, au-delà de ces barrières de carton-pâte.

Mais déjà je suis malmené, le sol se dérobe, le tonnerre s’abat au-dessus de moi, un impact assourdissant plusieurs fois répété, j'entends une voie caverneuse, un éclair jaillit, mes yeux sont de feu et, dans une sorte de stupeur mystique, je vois approcher une main immaculée, gigantesque, qui se saisit de moi et me brandit tel un trophée dans la lumière aveuglante ! Une foule tapageuse crie son admiration en battant des mains. Il y a des enfants et leurs parents. Leurs visages rougeauds expriment la joie, l’excitation, la perplexité, la peur. Je frisonne et mes jambes pédalent dans le vide, instinctivement. À ma grande surprise, je reçois une caresse avant d’être remisé plus bas.

Des barreaux de fer chromés découpent mon horizon. Je suis dans la lumière à présent et je ne suis plus seul. De part et d’autre de ma cage, d’autres cages et des compagnons allongés sur un lit de sciure qui recouvre un sol de plastique. Entre la grande roue et les granulés, me fixent des yeux rougis et coulent les larmes sur leurs robes blanches souillées.

S. D.

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