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Qu’est-ce qu’elle foutait à courir comme ça ? Elle galopait, puis marchait pour reprendre son souffle, puis se remettait à trotter. Elle s’approchait du zoning industriel. Elle traversa la nationale toujours en courant, un camion klaxonna. L’obscurité tombait. Elle croisa plusieurs ouvriers africains sur de vieux vélos sans phare. Ils quittaient les tanneries, d’autres avaient déjà pris leur place pour l’horaire de nuit. Ils la regardèrent passer sans un mot.

Ah ça, Stefano était vivant ! Ah ça, Stefano allait bien ! Et elle devait faire quoi ? Se réjouir ? Ben oui ! Évidemment ! Stefano allait revenir ? Forcément. Eh ben non, trop facile, elle ne serait pas là. Plus là. Il pourrait courir – enfin c’était elle qui courrait. Mais merde, où était-il fourré ? Et quel rapport avec Alzone ?

Elle fit demi-tour. Marchant vite à présent, incapable d’encore galoper, elle passa devant les Africains qui réparaient un pneu crevé, leur lança un ciao pressé auquel ils répondirent tous.

Arrivée dans le courtil, elle fut rassurée de voir la voiture toujours garée là. L’autre type – l’acolyte pensa-t-elle, ou la colique – fumait adossé à la portière. Elle l’ignora, s’arrêta devant l’évier extérieur, s’inonda le visage d’eau, puis entra.

Ils étaient installés dans le garage, sur les chaises de jardin en plastique blanc. Martina se leva et approcha un siège à sa belle-sœur qui s’y laissa tomber. Et le Nonno lui servit un verre d’eau pétillante d’une bouteille de Ferrarelle fraîche posée sur la table. Mon Dieu, ça devait être grave.

Alzone regardait ses pieds.

Io attendit.

Alzone parla.

Ce soir-là, Stefano était prêt à se coucher lorsqu’il s’était rappelé avoir oublié de descendre les poubelles du plastique, on était mardi et elles encombraient la cuisine. Il était descendu. Sur le trottoir, il avait repéré quelques sacs bleus qui encombraient le passage et s’était avancé pour les redresser. La porte d’entrée avait claqué. Il n’avait pas ses clés… C’était le point de départ. Auquel Io ni personne n’avait jamais pensé !

Ainsi sont conçus les appartements bruxellois - pas de code comme à Paris - une clé pour le rez-de-chaussée, une seconde pour l’appartement. Stefano avait alors sonné à la porte. Plusieurs fois. Ni Io ni Isaac n’avaient entendu. Son gsm était resté en haut. Il était là en espadrilles, caleçon et T-shirt sur le trottoir. Comme un con. Il avait froid. Il était furieux.

Il avait marché jusqu’au café le plus proche pour appeler Io. Leur téléphone fixe était sur leur table de nuit, Io entendrait forcément. Il avait atteint un pub encore ouvert, le Jack’s Dream, un repère de fonctionnaires européens. Il était entré, s’était approché du barman pour demander de l’aide. Puis avait entendu hurler son prénom.

Alonzo ne cacha pas son sourire au souvenir de la vision de son ami d’adolescence en caleçon au comptoir d’un bar huppé.

Io avait du mal à se concentrer, mais elle entendait tout, ses oreilles sifflaient une fois encore. Alonzo lui parlait en français depuis le début. Le Nonno et Martina restaient néanmoins attentifs, ils avaient déjà entendu le récit, et acquiesçaient quand ils reconnaissaient un mot. Isaac était assis par terre contre les genoux de sa mère, personne ne l’avait chassé – c’est déjà ça, se dit Io. Elle devait se concentrer pour assimiler l’énormité du récit.

— Je l’ignorais ! répéta encore une fois Alzone.

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