Tu m'oublieras.

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Il allait mourir, et la personne qui comptait le plus pour lui ne le saurait même pas.

Le cœur battant de travers, Andreï ferma les yeux et tenta de maîtriser son souffle, les jambes tremblantes. Bon sang, pourquoi avait-il voulu reprendre ce boulot de merde ?

Il réprima un sanglot abrupt et crispa les poings avec le peu d'énergie qui lui restait, sa blessure lui embrasait le corps de douleur.

Mickaël...

Il était encore là-bas, à Londres, avec leur nouvelle vie et son cercle d’amis. Que faisait-il maintenant ?

Il devait être assis en train de boire un énième café malgré l’heure tardive, afin de pouvoir finir la lecture du roman qu’il avait acheté voilà un moment. Ou alors peut-être faisait-il la tournée des bars, accompagné ou non… Un petit sourire aux lèvres, et l’attendant toujours, fidèle au poste comme à son habitude. Patient. Amoureux.

Et dire que lui ne rentrerait jamais...

Sa phalange frôla une marque d’ongle qui datait d’à peine deux jours, et une première larme brûlante s'écrasa sur sa joue.

Mickaël.

Il porta sa chair à ses lèvres, y retraçant doucement le creux le long de sa paume sans pouvoir empêcher d’autres gouttes de couler. Il y avait perdu son odeur la veille, son doux parfum de lessive et de musc si caractéristique, et sa griffure était déjà en train de s’effacer.

Bientôt, ce serait ses souvenirs qui partiraient à leur tour.

Il n’avait jamais cru ni en l'âme ni à Dieu ni à l’au-delà, mais à présent, il regrettait amèrement que cela ne soit pas le cas. Au moins, il aurait pu se bercer de douces illusions de retrouvailles, un jour, pour toujours...

Au lieu de quoi, il allait le perdre.

Le perdre lui et sa chaleur, ses sourires, sa fossette, ses boucles, son regard et ses blagues. Le perdre lui et sa taille fine, sa voix douce, son amour et sa vie omniprésente, sa présence qui lui avait donné une raison de continuer malgré tout.

Le perdre, et ne plus jamais le retrouver.

D’autres sillons de chaleur traversèrent son visage, et il s’efforça de respirer plus calmement. Un moment. Encore un moment pour pouvoir se rappeler de lui, par pitié...

On avait dit maintes fois que c'est la mort qui donne un sens à la vie, mais putain, qu'est-ce que c'est faux.

Il allait disparaître et le rendre malheureux. Il allait disparaître, et la seule chose qui soulagerait son compagnon du deuil serait son oubli.

Parce qu’on finit toujours par oublier.

Comme à présent, avec à son instar ses empreintes sur son corps ; son odeur commencerait par partir de leur logis. Puis cela serait les petites traces mouchetant sa peau ; enfin une expression, un regard, un rire, un moment qui deviendrait flou ...

Tous ces souvenirs, toutes ces marques, ces preuves désespérées d’une existence s’évanouiraient un jour avec le temps… Il disparaîtrait à nouveau, et cette fois pour de bon.

Comme s'il n'avait jamais vécu.

Mickaël.

"J'espère seulement qu’alors, tu pourras vraiment être heureux."

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