Prologue -

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Hellooo <3 En attendant la sortie officielle du tome 1 (prévue au 14 ou au 15 octobre, je vous tiendrai au courant), j'ai commencé à écrire la suite !! J'avais de bonnes idées pour ce prologue SAUF QUE bien sûr, ça part sur un truc de 10 000 pages alors que j'en prévoyais moitié moins, mais bon, tant pis xD

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Lyon,

Cinq ans plus tôt

Tic. Tic. Tic.

Le menton dans la paume, avachie sur sa chaise dans une posture d’une rare élégance, Cornélia marquait le rythme d’une musique imaginaire en faisant cliqueter son stylo quatre couleurs.

Tic tic. Tic. Tic tic. Tic.

Elle surveillait d’un œil morne la pendule fixée au mur, au-dessus du tableau noir. Les aiguilles prenaient leur temps. Quarante-sept seulement ? Pfff… Ça fait au moins mille ans qu’on a passé la demie…

Derrière elle, deux de ses camarades bavardaient à voix basse. Elle regarda les gribouillis en forme de chats qui décoraient son classeur, puis releva les yeux sur le ballet de M. Couderc, le plus célèbre professeur du collège, qui parlait fort et virevoltait devant son tableau en multipliant les coups de craie agressifs. Celui-là, c’était un survolté. On l’aimait ou on le détestait. Blanche l’aurait adoré.

Tic tic. Tic tic…

D’un coup, elle se figea. Une pointe acérée venait de se planter dans son dos, juste sous son omoplate. Ce n’était presque rien. Une morsure minuscule, un petit rostre de métal aussi léger que celui d’un insecte.

Tic, couina son stylo qu’elle venait d’activer nerveusement.

– Hé, le squelette, glissa une voix lourde derrière sa nuque. Tu veux pas ranger ton putain de quatre-couleurs ? Ça me déconcentre.

La pointe de métal s’enfonça encore et encore, au point que Cornélia, raide comme une planche sur sa chaise, se demanda s’il s’agissait du compas habituel ou si son harceleur avait investi dans une aiguille à coudre, pour changer. Elle se mordit la langue jusqu’au sang. Quelque chose de froid se noua en elle, au fond de ses tripes. Elle connaissait bien ce nœud. Elle le sentait chaque fois que cette maudite pointe d’acier lui laissait une nouvelle marque.

Elle ne réagit pas, changée en statue, espérant que l'autre se lasse. Mais ce genre de garçons ne se lassait pas. Jamais.

– Bouge, le monstre, souffla-t-il. Tu sens rien ou quoi ?

Quand la douleur devint insoutenable, Cornélia feula à voix très basse, sans quitter le tableau des yeux.

– Laisse-moi tranquille.

La raclure qui se tenait assise derrière elle se contenta de rire.

– Sinon quoi ? Tu vas faire quoi, la planche ? Tu vas…

Cornélia n’entendit jamais la suite, car à ce moment-là, M. Couderc croisa son regard de bête traquée. D’un coup d’œil, il remarqua la raideur tout sauf naturelle de l’adolescente, puis l’abruti qui se penchait dans son dos.

On pouvait dire beaucoup de choses de M. Couderc. Dans le collège, les rumeurs ne tarissaient pas : il se montrait un peu efféminé, parlait fort, avait un certain goût pour les cravates bleu électrique absolument hors normes, et vouvoyait bizarrement ses élèves tout en distribuant des heures de colle à tour de bras. Il se moquait bien des bruits de couloir et, là où Cornélia essayait de passer inaperçue comme une petite souris – compliqué, étant donné qu’elle atteignait déjà presque un mètre quatre-vingts – lui ne se souciait pas d’attirer les regards. Mais ce n’était pas tout. Cet homme additionnait à tout cela la droiture et la verve des mousquetaires de Dumas.

– Monsieur Roussel, je vois que mon cours vous passionne à un point que je trouve réellement admirable.

Un silence parfait envahit la salle, lourd comme une flaque de plomb, et on entendit soudain la mouche désorientée qui bourdonnait contre les carreaux du fond. Un instant plus tard, le professeur se trouvait au niveau de Cornélia – qui regardait toujours droit devant – et se penchait d’un air faussement indulgent vers son voisin de derrière.

– Voulez-vous bien retirer ce compas du dos de mademoiselle Echo ? Ou serait-ce trop compliqué pour vous ? (L’abruti bredouilla quelque chose d’incompréhensible.) Merci, vous êtes bien aimable.

Un bruit sourd retentit, faisant sursauter la moitié de la classe ; sans avoir besoin de se retourner, Cornélia comprit que le prof venait de voler l’arme du crime et de la planter violemment dans la table du garçon. Sans doute assez près de ses mains, vu le petit cri terrorisé qui lui avait échappé.

– Monsieur Roussel, dit l’homme d’une voix mielleuse, si je vous retrouve une fois encore en train de faire des trous dans l’un de vos petits camarades, on découvrira votre cadavre dans la Saône, transpercé de centaines de petits compas comme celui-ci, un sort très enviable à n’en point douter. Me fais-je bien comprendre ?

Cornélia écarquilla les yeux. Elle n’avait jamais entendu une telle colère couver dans la voix de M. Couderc. Dans son classement personnel, le petit homme mince et élégant fut propulsé au grade de héros.

Loïc Roussel se racla la gorge et le professeur, prenant cela pour un oui, reprit :

– Trois heures de retenue cette semaine, deux la semaine prochaine, et si je revois un compas sur votre table dans mon cours, je vous le fais manger. Gardez-le pour vos heures de mathématiques, où il vous sera bien plus utile.

Cornélia n’en avait jamais tant demandé, même dans ses rêves les plus fous.

Monsieur, faites-moi penser à vous demander en mariage un de ces jours.

Le professeur se redressa et Cornélia craignit qu’en rejoignant le tableau, il ne lui adresse un regard de compassion, ou pire, de pitié ; mais il n’en fit rien. Il ne lui jeta pas un coup d’œil et reprit son cours, très droit, le visage de marbre. Cet homme était la perfection incarnée.

Par habitude, les yeux de l’adolescente fusèrent directement vers la pendule. Cinquante-deux. Plus que huit minutes et elle serait enfin libre.

Blanche devait être déjà sortie. Cornélia se pencha vers la fenêtre, juste à sa gauche, et glissa un œil vers l’allée et le parking du collège. En général, sa petite sœur l’attendait de ce côté-là, à côté du rosier qui avait l’air ébouriffé, et…

Le sang de Cornélia gela dans ses veines.

Blanche était là, comme tous les mardis, mais elle n’était pas seule. Une meute de cinq garçons l’avaient acculée contre le rosier.

Après le froid, Cornélia eut soudain très chaud ; sa cervelle patina un instant, luttant pour reprendre le contrôle, comme une roue enlisée dans la neige.

Non !

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