Chapitre 2 : Le chant du vent

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Ils entrent dans le vaste réfectoire. Composée de plusieurs étages en balcon, cette partie du bâtiment est la plus grande et peut accueillir les quelque trois-mille élèves de l'école en même temps. De fins escaliers en colimaçons et des passerelles permettent d'accéder aux différents niveaux. L'endroit est en permanence bondé, perdant sa fonction première de réfectoire. De nombreux élèves y étudient, s'y entraînent ou y passent du bon temps, transformant les lieux en théâtre de joyeuses conversations, de colères ou de peines.

Erine et ses amis gagnent non sans mal, à cause de la foule, leur table habituelle au premier niveau. La jeune fille s'accoude contre la rambarde au bout de la table, appréciant regarder ce qu'il se passe en dessous. Leurs plats leur sont servis par des machines automatiques qui se baladent dans les plafonds grâce à une ingénieuse mécanique. 

En attendant que le robot arrive avec leurs assiettes, le groupe discute des prochains jours où ils rentreront chez eux. Leur programme est déjà tout établi. Le lendemain, après les cours, ils sauteront dans le train qui les ramènera en ville. Le soir, ils devront assister à la première représentation du nouveau spectacle de l'opéra dont la mère d'Erine, grande danseuse, est la chorégraphe et metteuse en scène. La jeune femme se rendra au spectacle accompagnée de Loan et Sehan. Leurs mères sont amies de très longues dates et évoluent ensemble à l'opéra depuis leur adolescence. 

Erine a conscience que pour les frères Harmin, passer ces quelques jours relèvent plus de la corvée qu'autre chose. Leur père est un politicien affirmé et leur mère, une parfaite épouse qui sait très bien dissimuler les aspects négatifs de leur famille derrière une panoplie de bijoux, de sourires et de réceptions grandioses où, avec ses deux fils, elle donne l'exemple de la tribu idéale. Ce qui n'est malheureusement pas leur cas. Loan, l'aîné, a de nombreux différends avec son père, ce qui génère des tensions. Des discordes auxquelles son petit frère, Sehan, essaye de ne pas prendre part. Cependant plus il grandit, moins il parvient, lui aussi, à être en accord avec son paternel. Un sujet sur lequel les frères Harmin s'expriment peu et dont seule Erine a réellement connaissance. 

Quand le robot leur apporte leurs repas, ils échangent sur les prochains examens. Les élèves de l'école sont régulièrement évalués sur la maîtrise de leurs dons et sur toutes les notions apprises chaque jour dans leurs différents cours. 

Une fois toutes les assiettes réceptionnées, Loan débarque. Il a remis son uniforme et semble plutôt nerveux. Erine s'attarde un instant sur l'apparence du jeune homme. Cette tenue lui va si bien, il est fait pour la porter. Elle se demande s'il aura tout aussi fière allure lorsqu'il revêtira, dans quelques années, la très convoitée tunique des soldats de la Ligue. Le jeune homme pique une pomme sur le plateau de son frère et croque sauvagement dedans. 

— Calme-toi ! s'écrie Sehan. Qu'est-ce qu'il t'arrive encore ?

— Je suis convoqué sur le champ chez le directeur avec d'autres élèves de ma classe, les informe-t-il, la bouche pleine. Je dois me dépêcher, je n'ai pas le temps de manger. 

Il avale une gorgée d'eau.

— Je ne sais pas ce qu'il nous veut, mais je pense que c'est important. Quand le secrétaire est venu nous prévenir, il avait l'air soucieux. 

Il pose le trognon de pomme sur la table.

— J'y vais, bonne nuit les petits, ne vous couchez pas tard.

Puis, il repart comme une flèche à travers les tables pour disparaître derrière les grandes portes de la salle.

— Quelqu'un a compris ce qu'il vient de nous dire ? demande Miolaine.

— D'après-moi, il se passe des choses inhabituelles et les chefs ont besoin d'eux, suggère doucement Déanna.

— On dirait que tu nous racontes une vieille histoire d'horreur, intervient Sehan, ils veulent peut-être simplement leur parler des examens.

— À l'heure du dîner ! s'exclame Erine. Non, la classe de Loan est l'élite de l'école.

— Vous êtes incroyables ! Un peu de neige avant l'heure et tout le monde panique, s’emporte Miolaine.

Ses amis la regardent sans voix. Elle, d'ordinaire si calme, vient d'hausser le ton et de parler d'une façon qui ne lui ressemble pas. Après quelques dixièmes de secondes, elle se détend. 

— Excusez-moi, mais je trouve que toute cette histoire est exagérée. 

— Pas moi, continue Erine alors qu'elle la fusille du regard, ce qu'il se passe n'est pas normal, les professeurs sont inquiets. Pas seulement à cause du dérèglement climatique. Je pense qu'autre chose se trame dans l'école, j'ai entendu des professeurs en parler plus tôt dans la journée.

Miolaine lève les yeux au plafond. 

— Je n'ai pas tout entendu, mais ils ont effectivement parlé des plus grands et surtout de notre sécurité ! 

Plus tôt dans la journée, Erine a surpris plusieurs professeurs à la sortie de l'infirmerie. Cet endroit de l'internat est réservé aux élèves et, s'étonnant de les trouver là, elle les a suivis un court instant. Ils ont parlé des perturbations climatiques et des dangers qu'elles peuvent engendrer. Erine n’a capté que des bouts de phrases et a cessé d'écouter lorsqu'ils ont évoqué un possible renvoi des élèves dans leurs familles. Ignorant de quoi il en retourne, elle s'est convaincue avoir mal entendu. L'école est réputée pour être l'endroit le plus sécurisé de l'Enceinte et l'idée qu'elle puisse y être en danger la met très mal à l'aise. 

— Je pense qu'il est inutile de nous inquiéter, intervient Déanna, ils nous informeront. 

Erine soupire et sans que personne n’ajoute rien, se remet à manger en silence, la tête baissée sur son assiette.

Malgré l'inquiétude soulevée par ces échanges, une fois le repas terminé, la bonne humeur revient au sein de leur petit groupe. Ils quittent le réfectoire pour se rendre dans la salle commune. Là, ils s'installent sur les fauteuils près de la cheminée. 

La salle commune est un lieu accueillant et réconfortant. Plusieurs cheminées chauffent la salle et des groupes d'élèves s'agglutinent autour. Depuis toujours, Erine et ses amis ont leur place attribuée près de l'un des foyers. L'école compte de nombreuses pièces partagées où les groupes d'élèves élisent domicile. Depuis son poste habituel sur le coussin le plus à gauche du vieux canapé en velours rouge cramoisi, la jeune femme peut à la fois profiter de la douce chaleur qui émane de l'âtre et avoir une vue d'ensemble sur le reste du salon où se réunissent chaque soir les mêmes visages.

Erine étend ses jambes de sorte que ses pieds reposent juste devant les flammes. Elle aime sentir le contact du feu près de sa peau. La chaleur l'apaise et la revigore. Le feu est l'élément qu'elle maîtrise le mieux. Quand elle n'a rien dans les mains, il lui arrive souvent d'y créer une flamme et de jouer avec. Ce qui est le cas à l'instant. Perdue dans ses pensées, elle manque de brûler le pull de Anaiel qui la ramène à la réalité en écrasant une boule d'eau dans sa main. Le contact chaud-froid fait sursauter la jeune femme. De la vapeur chaude se mélange aux parfums ambiants l'espace d’un court instant. Debout, Erine décide de retourner à sa chambre. 

Arrivée au premier escalier, elle croise Loan, avançant le regard dans le vide.  Erine  jette un œil à sa montre : cela fait bientôt deux heures qu'il est parti pour le bureau de la direction. La réunion a été bien longue. Erine interpelle son ami qui s'arrête brusquement et, la reconnaissant, il sourit. Elle fixe quelques secondes son visage parfait. Son sourire à la fois charmeur et doux ne cache pas très bien l’air soucieux qu'il essaye de refouler à cet instant. Elle lit dans ses yeux que ce que le directeur leur a dit n'annonce rien de bon. Erine s'avance vers lui et son expression d'inquiétude disparaît. Elle allait lui poser des questions sur cette réunion, mais il la coupe dans son élan :

— Tu montes te coucher ?

La curiosité d’Erine n’étant un secret pour personne, il a anticipé la question, trouvant un rapide moyen d'éviter le sujet. Erine n'insiste pas, elle sait qu'il ne parlera pas. Le fait qu'il choisisse de ne pas lui raconter ce qui s'est dit durant la réunion fait grandir le sentiment d'insécurité qu'elle ressent déjà depuis quelques jours. 

Le jeune homme passe son bras autour des épaules de son amie et l'entraîne dans l'escalier. Ils montent doucement. Loan est presque comme un grand frère pour Erine, leurs mères sont amies et ils se connaissent depuis toujours. Ils passent devant l'entrée du dortoir des garçons où Loan ne s'arrête pas et raccompagne son amie jusqu'au dernier niveau. Ils se font dévisager à plusieurs reprises lorsqu'ils croisent des groupes de filles. Erine adore se pavaner au bras de Loan qui est beau, grand, intelligent et doué. En apparence, il a toutes les qualités, et se promener avec lui procure à la jeune fille le sentiment d'être admirée et de susciter la jalousie. C'est toujours valorisant d'être avec un étudiant de l’élite et ça l'est encore plus avec Loan. Le directeur de l'école lui accorde une attention toute particulière qui lui promet une bonne place dans la Ligue après ses études. Erine l'entend rire quand plusieurs filles de dernière année la fusillent du regard. Elle lui assène un coup d'épaule. 

— Profites-en ! Un jour, nous quitterons l'école et toute cette notoriété nous quittera avec elle. 

— Ta notoriété ! le reprend elle. C'est toi que les autres élèves adulent. 

— C'est un reproche ? se renfrogne-t-il. 

— Non ! s'écrie Erine. Mais tu ne peux pas nier que tu bénéficies d'un statut privilégié. 

— Et toi, tu sais très bien que d'une je n'en abuse pas et que de deux, ça t'a servie de nombreuses fois. 

Loan et Erine entretiennent une relation qu'eux seuls sont capables de comprendre. Elle sait que le jeune homme l’a toujours considéré avec beaucoup d'amour et de tendresse. Les frères Harmin et Erine Hanz évoluent ensemble telle une véritable tribu. 

Loan dépose un tendre baiser sur le front de son amie et elle s'engage dans le couloir pour gagner sa chambre. 

En entrant, des sons inhabituels attirent l'attention d'Erine. Quelque chose comme le hurlement du vent et un écoulement d'eau. Cependant, la fenêtre est close et le temps est calme ce soir-là. Son regard finit par être attiré par une grosse bille qui roule et s'agite sur le bureau. L'une des sphères élémentaires. La plupart des élèves de l'école possédent de grosses perles en verre où se trouvent emprisonnés les éléments sous forme de gouttes d'eau, de motte de terre ou de particules d’air. La dernière, celle de l’air, n’est que rarement utile, car cet élément est présent quasiment partout. Ces billes sont une manière pour ceux qui ne peuvent créer les éléments, de les avoir toujours auprès d’eux. Seuls les Contrôleurs Absolus et Innés, auxquels appartiennent Erine, Miolaine ou encore les frères Harmin, ont l'habilité de les concevoir sans qu’ils ne soient présents. En revanche, Anaiel et Déanna détiennent chacune une perle qui leur correspond pour parer à l’absence des éléments. N’en ayant pas besoin entre les murs de Laorelon, elles ont l’habitude de les laisser dans leur chambre.  Seule une sphère de feu manque, ici, à l’appel.  

Erine s'approche et se saisit de la sphère de l'air avant qu'elle ne tombe du bureau. Cet élément est quasiment invisible à l'œil nu et ce n'en est pas un qu'Erine maîtrise particulièrement bien. Cependant, elle entend le vent hurler à l'intérieur du verre. Elle attrape les trois autres billes, les particules de terre et les gouttes d'eau s'agitent également dans tous les sens. Comme tous les éléments à l'extérieur, ceux des sphères sont mouvants, mais jamais au point de les faire bouger. 

Les quatre sphères élémentaires en main, Erine redescend rapidement vers la salle commune. 

— Regardez ! s'exclame-t-elle en débarquant en trombe pour les poser sur la table basse au centre de ses amis. 

Tout le monde la dévisage. Avant de s'asseoir, elle cherche d'autres sphères que des élèves auraient pu apporter dans la pièce. Cependant, elle n'en voit aucune. 

Anaiel se saisit de celle renfermant l'air. Elle se met à l’observer longuement et son regard se perd dans la contemplation des minuscules bourrasques. 

— Vous sentez le vent ? dit-elle alors, sans cesser de fixer la sphère. 

D'un vif geste de la main, Déanna tape sur la perle qui roule aux pieds de son amie. La petite blonde revient subitement à elle. Tous les autres la dévisagent. 

— Vous n'avez rien senti ? s'étonne-t-elle alors. 

Dubitative, Erine lui confirme qu'elle est la seule à avoir perçu cette sensation. 

— C'était comme si une tempête s'était engouffrée dans la pièce. 

Elle se retourne et regarde les autres élèves présents dans la salle. Tous agissent parfaitement normalement. 

— Comme si le vent s'était échappé de sa cage de verre ! 

Erine fait « non » de la tête. Les autres éléments ont cessé de s'agiter dans leur sphère et seul le vent continue de hurler. 

— Je ne suis pas folle, vous percevez bien une anomalie ? s'enquiert Anaiel sur un ton plus inquiet. 

— Oui, on entend le vent hurler, c'est tout ! répond Sehan. Mais on ne sent rien. 

Un à un, ils inspectent la sphère de l'air et se concentrent sur les sensations qu'elle leur procure, mais tous ne perçoivent que le fin sifflement du vent.

Afin de comparer, Sehan fait un rapide aller-retour jusqu'à sa chambre pour revenir avec les billes qu'il garde avec ses deux autres colocataires. Alors qu’il affirme ne sentir aucune anomalie, il tend celle du vent à Anaiel. La petite blonde la serre entre ses doigts et ferme les yeux un instant. 

— Je ne ressens rien, conclut-elle après quelques secondes. 

Erine lui donne alors sa propre sphère. Son amie braque ses yeux dessus et un fin sourire vient fendre son visage. 

— C'est aussi doux que la brise matinale au début du printemps, énonce-t-elle. 

Plus les secondes passent, plus elle paraît hypnotisée par le pouvoir du vent, alors que les autres ne perçoivent rien. 

Sorti de nulle part, Loan arrache précipitamment la petite boule de verre des mains de Anaiel. Tout doucement, elle relève la tête vers lui. Elle semble perdue. Tous ses amis braquent leurs yeux sur elle et en lui saisissant les mains, Erine constate qu'elles sont gelées. Cédant alors à l'inquiétude, le souffle de la jeune fille s'emballe et ses doigts se serrent fort autour de ceux de son amie. L'aîné du groupe se saisit de la sphère pour l'inspecter. 

— Qu'est-ce que vous étiez en train de faire ? questionne-t-il d'une voix sévère. 

Erine a l'impression d'avoir été prise sur le fait d’une grosse bêtise. 

— Après t'avoir laissé, j'ai trouvé les perles élémentaires « animées » dans notre chambre, raconte Erine. Je n'avais jamais vu cela, je les ai prises et je suis descendue. Pendant quelques minutes, l'eau, la terre et l'air se sont agités, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que le vent. Anaiel a réagi d'une étonnante façon devant celle de l'air. Nous avons testé avec une autre pour comparer les réactions.

— Ne recommencez pas, jamais ! ordonne-t-il, sec.

Son ton glace le sang d'Erine. Loan peut et sait se montrer autoritaire quand il s'agit de leur faire respecter certaines règles, mais là, le sentiment qui prédomine dans son regard est l'inquiétude. La jeune femme perçoit en lui une peur irrationnelle qu'elle ne peut expliquer. 

Reprenant un visage plus avenant, il questionne Anaiel du regard, assurément curieux de connaître les effets précis que le vent a eu sur elle.

— En regardant la sphère de l'air, je sentais le vent m'entourer, dit-elle, encore tremblante. Un vent doux, une brise chaude, réconfortante. 

Erine la voit fermer les yeux et sourire au souvenir de cette sensation.

— Lorsque tu as repris la sphère et rompu le charme, j'ai eu l'impression de revenir de loin, comme d'un profond sommeil. L'espace d'un instant, j'ai ressenti le vide et le froid, comme si on avait coupé tous les liens avec ce monde. 

— Coupé tous les liens avec les autres éléments, marmonne Loan. 

Il se frotte les yeux et regarde de part et d'autre de la salle commune quelques instants. Il est encore tôt et elle est remplie. D'autres sphères d'éléments sont posées ici et là. Certains élèves s'en servent de billes ou de pions pour leurs jeux de société. Erine rive ses yeux sur son ami, inquiète. Un sentiment qu’il doit percevoir puisqu’il tourne la tête vers elle. 

— Tu sais quelque chose qu'on ne sait pas, n'est-ce pas ? finit par demander Erine, n'en pouvant plus d'attendre. 

— À vrai dire, je n'en sais pas beaucoup, seulement que plusieurs cas de dérèglement des sphères, des éléments, ont été rapportés ces derniers jours. Des dérèglements qui affectent les Contrôleurs. 

— De quelles manières cela les affecte-t-il ? 

— Au même titre que les éléments se dérèglent, les pouvoirs des Contrôleurs aussi. Nous vivons en symbiose avec nos dons, le fait qu'ils soient mis à mal affecte tout notre système et nous affaiblit. 

— La réunion avec le directeur, c'était à ce sujet ? 

Loan acquiesce, certainement pas autorisé à leur parler de cet échange. La direction doit redouter un mouvement de panique si les élèves apprennent ce qu'il se passe. 

— L'administration attend de nous, les élèves de dernière année, que nous veillons sur vous plus que d'ordinaire et que nous agissions en cas de soucis. 

— Quels soucis ? 

— Au cas où un élève tombe « malade », nous devons être capables de l'aider rapidement. 

Erine sait qu'il choisit ses mots avec une grande prudence. Il ne leur dit pas tout. Il ne leur dira pas tout. 

— Il y a déjà eu des victimes, c’est ça  ? 

— Plusieurs élèves ont déjà été conduits à l'hôpital, répond-il sans même essayer de mentir. 

Erine sent une sensation désagréable la parcourir. Elle zieute vers ses amis,  ils n'osent pas regarder Anaiel. Qu'aurait-il bien pu se passer si Loan n'était pas arrivé à temps ? L'école de la Ligue est réputée pour être l'endroit le plus sécurisé au monde. Les jeunes Contrôleurs y grandissent choyés par l'organisation. Ils représentent tous l'avenir de leurs semblables. Jamais aucun mal n'en a transpercé les murs. 

Loan se saisit des différentes perles élémentaires et les aligne sur la table basse. Elles ont toutes retrouvé un comportement normal. Erine, Miolaine, Anaiel et Déanna, ont un mouvement de recul. Elles n'osent plus regarder les sphères. Loan prit la sphère du feu. 

— Sachez que les Contrôleurs qui ont la maîtrise du feu sont immunisés, les informe-t-il. Anaiel, Déanna, c'est donc à vous de faire le plus attention. 

Elles acquiescent d'un vif mouvement de tête. 

— Les chercheurs ne savent pas expliquer ce dérèglement, ni pourquoi l'élément du feu est épargné. Tout ce que l'on sait, c'est que les sphères de feu sont les seules à n'avoir présenté aucune anomalie et que toutes les personnes qui ont été touchées par la maladie n'en avaient pas la maîtrise. 

— Et le dérèglement climatique, il est lié à ça lui aussi ? demande Erine alors que la question lui brûlait les lèvres depuis le début. 

— Probablement, se contente-t-il de répondre. 

— Et toi qui te moquais de nous parce qu'on s'inquiétait de voir de la neige avant l'heure ! reproche Sehan à Miolaine. 

Cette dernière ne lui répond pas et roule des yeux en soufflant. 

— Que devons-nous faire maintenant ? s'enquiert Anaiel. 

— Faites attention, ne vous approchez pas trop près des sphères lorsqu'elles sont en mouvement et s'il vous plaît, gardez pour vous ce que je viens de vous dire. 

— On ne peut pas prévenir nos amis qu'ils sont en danger ? s'indigne Erine. 

— Erine, lorsque tout le monde saura, l'ambiance ici changera du tout au tout. Tous les élèves vont être paniqués et paranoïaques. Accordez- nous les quelques jours de calme qu'il nous reste. 

C'est à ce moment-là qu'Erine comprend que la situation est grave. Elle sent un poids se faire de plus en plus lourd sur sa poitrine. Le bruit d'une sphère qui roule à quelques mètres d'elle lui parvient. Du coin de l'œil, elle observe les deux garçons qui s'en servent de billes pour dégommer des quilles sur un plateau de jeu. Elle les connaît vaguement, tous deux ne maîtrisent que l'eau. Comment peut-elle cautionner de les laisser s'amuser avec les perles élémentaires, sachant qu'elles pourraient les envoyer tout droit à l'hôpital ?

Loan invite tout le petit groupe à rejoindre leur chambre respective. Montant l'escalier, Erine ne peut s'empêcher d'arrêter son regard sur chaque ramassé d'élèves qu'ils croisent. Les sphères élémentaires sont partout. 

— Le risque vient-il seulement des éléments retenus dans les perles ou de tous les éléments ? questionne-t-elle Loan. 

— Pour l'instant, seulement des sphères. Nous supposons que le fait d'être enfermées rend les forces naturelles plus agressives. 

— Nous supposons... répéte-t-elle, déçue de constater que les autorités semblent dépassées. Et que se passera-t-il quand les éléments extérieurs, partout autour de nous, deviendront fous, eux aussi ? 

Loan fuit alors le regard de son amie, elle sait qu'il préfère de pas lui répondre que de lui dire un mensonge. Elle aurait tant voulu qu'il lui tape joyeusement dans le dos en disant que l'état avait la situation sous contrôle. 

Sur le palier du troisième étage où se trouvent les chambres des garçons, Loan demande à récupérer la sphère de vent : 

— Confisquée ! 

C'est presque à contre cœur que Anaiel lui remet la perle élémentaire. Erine note les quelques secondes qu'elle met avant de la déposer dans le creux de la main du jeune homme. Aussitôt l'objet abandonné, elle tourne les talons et reprend la direction de sa chambre, suivie de près par Miolaine et Déanna, sous le regard lourd d’Erine. 

— Doit-on s'inquiéter pour elle ? s'enquiert Erine. 

— Pas pour le moment, la rassure Loan. 

Elle profite de cet instant où le palier est vide pour venir se lover dans les bras réconfortants de son ami d'enfance. 

— Merci d'être arrivé à temps, murmure-t-elle avec douceur. Comment se fait-il que tu sois redescendu ? 

— Un pressentiment, répond-il simplement.

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