Explosion

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Nous partons cet après midi. J’ai pourtant tellement de choses à faire. Je dois absolument voir Hélios, parler à Cassie, m’expliquer avec Côme, planifier avec Doc et dire au revoir à Namid. Je suis tellement malade à l’idée de me disputer a nouveau avec celui qui fut mon meilleur ami que je décide de commencer par là.

Aujourd’hui c’est son jour de repos. Je passe devant le réfectoire bondé sans m’arrêter. Côme ne mange pas à la même heure que les travailleurs. Du haut du balcon des annonces je balaye du regard les silhouettes bavardant dans l’entrée. Je n’ai pas besoin de m’éterniser ici, je le connais par cœur et même de loin je peux affirmer qu’il n’est pas là. Les couloirs raisonnent du chahut des enfants et le concert de leurs petits pieds sur la pierre provoque moi un sentiment étrange. Je m’arrête devant la porte close de sa chambre. Je pose mon poing contre le bois déformé et craquelé par l’humidité. Elle retombe contre mon coté. Je reste à observer la porte en me rongeant les doigts jusqu’au sang. Je tourne la tête de part et d’autre. Je suis seule dans ce couloir et pourtant je me sens observée, peut être est-ce le poids de ma culpabilité qui m’épie, caché derrière les parois de mon esprit. Une voix dans ma tête me hurle de fuir pendant que mon cœur me susurre que je dois tout faire pour, préserver cette amitié. La porte s’ouvre en coup de vent et Côme me regarde étonné, ne s’attendant pas à me trouver devant sa porte. Puis je le sens se fermer, bientôt aussi impénétrable qu’un coffre fort de banque. Je tends la main vers lui mais un mouvement de sa part me décourage.

– Côme…

– Qu’est-ce que tu veux ?!

– Je veux que tout redevienne comme avant, je veux que tu me pardonnes, je veux que tu essayes de me comprendre.

Un éclat de rire moqueur s’échappe de ses lèvres, blessant mon âme plus profondément encore.

– Que je te comprenne ? Séléné regarde toi ! Tu renies ta famille et tes valeurs pour un homme que tu as abandonné.

– Je ne l’ai pas abandonné je l’ai préservé…

Je ne suis moi même pas convaincue de ce que je dis, comment est-ce que je pourrais le convaincre lui ?

– Tu es un de mes meilleurs amis Côme, je ne veux pas te quitter sur une dispute.

– Dans ce cas je crois qu’il ne te reste plus qu’à rester ici remplir ton rôle de leader.

Je suis partagée entre exaspération et lassitude. Je voudrais tellement qu’il me comprenne. Cassie, elle, m’a compris.

– C’est tout ce que tu avais à me dire ? Parce que je suis assez pressé que tu partes pour tout te dire.

Je tourne le dos et commence à m’éloigner puis me retourne un instant.

– J’espère qu’à mon retour tu auras compris ce que j’ai essayée de te dire aujourd’hui.

Je tourne au coin du couloir, perturbée. Lorsque je me suis retournée j’ai eu le temps d’apercevoir sur son visage une peine encore plus grande que la colère qui le ronge. Se pourrait il qu’au fond de lui il regrette autant que moi cette situation impossible. J’aimerais croire que lui aussi attache un prix à notre amitié. La bile emplie ma bouche, je la ravale, amère. J’ai besoin de courir, j’ai besoin de hurler, besoin de crier à la face du monde combien je souffre.

Dehors la lumière aveuglante éclabousse mon visage. Je commence à presser le pas pour mettre le plus de distance possible entre les grottes et moi. Bientôt je me mets à courir. Les poings serrés, la mâchoire crispée, mes jambes commencent à envoyer des signaux d’alertes a mon cerveau. Je les ignore royalement et accélère encore un peu plus. J’ai beau courir je ne sens même plus le contacte de mes pieds avec le sol. Je m’arrête à l’ombre d’un arbre, un des seuls survivant dans cette terre désolée. Avec un cris de rage mon poing vient de s’abattre sur l’écorce en un craquement sinistre. Mais au second contacte je n’ai rien sentis, alors je frappe avec une force redoublée, m’acharnant sur le bois sec. Je sens d’avantage mes larmes sur me joues que le contact meurtrissant du tronc contre la jointure de mes doigts. J’ai tellement mal au dedans de moi que même la douleur physique ne parvient pas à la soulager. Je frappe et frappe encore sans regarder, paupières fermées, ne laissant s’échapper que des larmes brulantes.

Des mains me saisissent par les poignets, je me débats et cherche à atteindre cet obstacle se dressant entre moi et l’exutoire. Ma vision est brouillée par les larmes mais je dirige mes coups. Mon poing rencontre une surface mole et j’entends un grognement. Pourtant les mains ne me lâchent pas, au contraire elles se fonts plus ferme.

– Séléné.

J’entends la voix, mais elle est loin, tellement loin, comme au beau milieu d’un océan.

– Regarde-moi.

– Nooonn.

Je me dégage, hurle et cherche à atteindre cet ennemi invisible, ce fantôme. Je me frappe la tête pour faire sortir cette voix.

– Calme-toi je t’en supplie.

Je tombe à genoux sur le sol, me bouchant les oreilles. Je me balance frénétiquement d’avant en arrière pour me calmer, essayer de retrouver ma raison. Cette dernière semble vouloir me fuir à tout prix. Pourtant je sens un souffle dans mon cou et une voix qui murmure que je suis en sécurité, que rien ne pourra plus jamais m’arriver et que je ne crains plus rien.

Peu à peu je sens mon cœur se calmer, avec lui le bercement apaisant. Mon corps est bientôt secoué de frissons incontrôlables, contre coup des émotions fortes dont j’ai été la victime. Finalement je laisse la voix sortie de nulle part achever complètement de me calmer. Mes muscles se détendent pour devenir un tas de chair vidée d’énergie. Pour finir je respire d’un coup, comme si je n’avais pas respirée depuis trop longtemps, en apnée. Je garde les yeux fermés et reste pliée en deux sur le sol. Je suis épuisée, aussi je me laisse soulever de terre sans protester, comme dans un monde parallèle. Les pas me bercent, la chaleur du soleil à raison de moi et je m’écroule dans les bras de Morphée.

Mes paupières sont lourdes. Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à les ouvrir ? La pièce dans laquelle je me trouve est baignée dans le silence le plus total, si bien que je me demande si je ne suis pas enterrée. Pourtant la respiration d’une autre personne me parviens de loin. Mais mes yeux refusent de s’ouvrir. Je patiente, je n’ai guère le choix. Mes mains sont douloureuses. J’ai beau essayer de me souvenir mais la mémoire me fait cruellement défaut. Il y avait du soleil, cet arbre et puis il y avait cette voix qui me parlait, que disait elle déjà ? Impossible de m’en souvenir. Dans ma tête c’est comme si quelqu’un avait éteint la lumière pendant le tournage d’un film. J’ai parlé à Côme, puis mon cœur s’est serré de douleur, tout s’arrête là, immergé dans le noir.

Une main vient se poser sur mon avant bras.

– Est-ce que tu m’entends ?

Derrière mes paupières closes mes yeux bougent comme des fous, pourtant elles restent celées.

– Donne toi encore un peu de temps, ton corps a subi un choque assez violent. Ca va aller tu verras.

Je suis encore dans une brume épaisse et pourtant je reconnais la voix de Doc. Ca me gène que ce soit lui. Cela fais trois fois en si peu de temps qu’il vole à mon secours. Pourquoi est t’il toujours dans les parages à ce moment là ? J’aimerais que ce soit n’importe qui sauf lui. Je suis à Ayden, pour ma vie entière et même dans la mort je ne veux pas être à quelqu’un d’autre. Je ne veux vivre que pour voir son sourire, que pour sentir sa main sur mon épaule pour me rassurer. J’ai besoin de lui dire que je l’aime, mais est-ce que je l’aime vraiment ? Si je suis prête à traverser la colère d’une rébellion entière c’est que je l’aime non ?

– Tu as trouvé ton frère, je suppose que tu sais beaucoup de choses maintenant. Tu dois comprendre beaucoup de choses sur tes origines autrement tu n’aurais jamais compris que la petite tête blonde était ton demis frère.

Je l’entends pousser un soupire, de lassitude, d’épuisement, ou peut être les deux. Je veux qu’il m’en dise d’avantage, je veux savoir, je veux que mes doutes soient confirmés.

– Je n’ai pas eu le plaisir de connaître ta mère, cependant j’ai lue sont dossier. Elle était atteinte de l’ichtyose, une maladie très rare qui touche la peau. Mais je suppose que tu sais déjà tout ça. Comment est-ce que tu l’as appris ? Qu’est ce que tu as du ressentir ? Tu as du me maudire, pour ton père.

Non, il est vrai que je n’ai même pas pensé à le maudire pour m’avoir caché cela.

– Si tu avais vue son visage quand je lui ais dis qui tu étais. Ce n’était pas le visage d’un condamné, ni même celui d’un homme malade. Non c’était le visage d’un homme heureux. Un homme a qui l’on accordait ce qu’il avait toujours désiré du plus profond de lui. Lorsque tu l’as accompagné dans son dernier repos, tu n’as pas compris ses mots. Tu ne pouvais pas les comprendre.

Je remue en moi le souvenir de cet homme, avachi sur le siège. Ses mots, ceux qu’il a dit alors que ma main était dans la sienne.

– Tu es revenue, tu es revenue me voir.

A l’époque je croyais qu’il me parlait en tant qu’allier, voir peut être en tant qu’amie d’un jour. J’étais loin de me douter qu’il me parlait en tant que père abandonné.

Doc reprends après un silence propice à la réflexion.

– Tu sais ce que je lui ais dis ? Que je t’avais sauvé complètement par hasard. Pas vraiment par hasard mais disons que je ne savais pas du tout qui tu étais. Lorsque j’ai pris mes fonctions à la tête de l’institue j’ai commencé à ouvrir tout les vieux dossiers. Puis j’ai ouvert celui de ta mère. Il n’y avait pas grand chose d’écris à l’intérieur. Pourtant dans une dizaine de lignes à peine j’ai été atteint en plein cœur. La date de naissance, tes singularités…

Je lui en suis reconnaissante, au fond de moi je suis touchée. Il aurait pu dire ma maladie, mes anomalies ou que sais-je encore. Mais non, il parle de singularités.

– J’ai tout de suite su que c’était toi. Je ne l’ai su que très peu de temps avant la phase terminal de…peut importe.

Il n’ose pas dire son nom. Il connaît son nom, il connais les noms de chaque Exclus. Pourtant la pluparts on décidée à leur retour à la libertés de se choisir un nom par eux même. Un nom qu’ils déciderons, parce qu’il y a au moins ça qu’ils peuvent décider.

– Je n’aurais pas voulue que les choses se passent autrement. Si tu n’avais pas été là pour te battre, je l’aurais endormie sans que tu ne sache jamais qui il était, et lui sans savoir qu’il avait tenu la main de sa fille. J’ai tellement réfléchis à ce que je devais faire, puis j’ai décidé de ne rien dire. J’avais tors, et je suis heureux que tu ai changé le cours de cette histoire.

Je sens les larmes dévaler mes yeux, bien que les paupières soient closes.

– Parfois j’essaie d’imaginer ce qui se serait passé si je n’avais pas fais toutes ces erreurs. Est-ce que j’en serais la aujourd’hui ? Qu’est-ce que je serais devenu face a cette foule en furie si dans ton cœur tu ne m’avais pas déjà pardonné ? J’ai été fou, parfois stupide et parfois inconscient. Pourtant certains souvenirs illuminent mon esprit parfois.

J’aimerais que le silence nous enveloppe, pour que les non-dits gardent leur statut de non-dits. Je sais ce qu’il pense et je ne veux pas y penser, pas même un instant de peur que toutes mes certitudes s’envolent. Doc est un mystère. Il a été mon sauveur puis mon bourreau, je l’ai haïe au plus profonds de moi, il est devenu un collaborateur puis un ennemi à éliminer, pour devenir un être sans défenses, un écorché vif, un homme que je ne regarde que du coin de l’œil. Le Doc d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui que j’ai connu à l’institut. Cependant il reste toujours un mystère.

J’entrouvre les yeux, je suis à nouveau maitresse de moi même. Les paupières plissées à cause de l’agression de la lumière sur ma rétine. Je me redresse dans mon lit et tourne mon regard vers cet homme que j’ai tant détesté.

Sa voix n’est pas du tout à l’image de ce que je peux voir à cet instant. Un ton calme et serein, bien que teinté de remords. Pourtant ses yeux sont gonflés et la muqueuse rosie par le sel de ses larmes. Il détourne le regard lorsque le mien le rencontre. Il se lève lentement de sa chaise, comme si ce simple geste quotidien lui arrachait toute son énergie.

– Je vais appeler l’unité de soin.

Je regarde son dos alors qu’il quitte l’infirmerie. Il ouvre la porte, s’arrête et fait mine de se retourner. Il renonce et franchis le seuil pour disparaître dans le couloir.

Qui es tu Doc pour me protéger de la sorte ? Qui es tu pour être toujours là lorsque je suis seule ? Pour être toujours là lorsque j’ai besoin d’aide ?

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