Chapitre 13 : L'incendie

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Un peu plus tard cette nuit-là,

-S-

Voilà quelques minutes qu'ils couraient sous une pluie de cendre. L'aura qui luisait à peine quelques minutes auparavant, éclairait maintenant chaque immeuble d'une teinte de feu. Mira, devant, courait à toutes allures faisant fi du professeur qui peinait à la suivre. C'était un homme de livre, pas un sportif, de plus, comme elle savait par où passer pour gagner du temps, ils traversaient des ruelles sinueuses et mal éclairées.

Il fallait grimper sur des caisses, se faufiler au travers de maisons de fortunes faites de tonneaux, de planches et de draps. Simbad remarquait à leur passage les regards des malheureux qui habitaient les lieux, mais également une petite fille qui fouillait, sans se soucier des évènements, les poubelles du quartier en quête de nourriture.

Une allée plus loin, ils arrivèrent face au porche du Musée. La place, qui était en général noire de monde, était actuellement complètement vide. Le bâtiment central avait une aile complètement rongé par les flammes. La danse du brasier, magnifique et terrifiante à la fois, les arrêta à l'entrée de la cour captivé, des flammèches et autres bouts de cendres pleuvant comme des milliers de comètes dans un ciel rougeoyant.

Comme l'avait pensé le professeur, ils étaient les premiers sur place. Seuls quelques civils, qui habitaient les immeubles avoisinants, se trouvaient aux fenêtres, éberlués par l'enfer qui s'emparait du toit et des étages supérieurs du musée.

- Ils regardent tous sans rien faire, remarqua-t-il.

Mira s'avança la première dans la grande place, loin des regards des riverains. L'air était lourd et chaud, les murs du musée agissant comme une cage. Simbad la rejoignit près de la fontaine.

-Que fait-on maintenant, demanda le professeur paniqué, l'entrée est complètement prise par les flammes.

Mais la voleuse ne répondit rien, son regard porté vers l'entrée de la cour.

- Mira ?

- Simbad... Regarde ! lâcha-t-elle effrayée en pointant la ruelle sombre d'où ils arrivaient.

Lorsqu'il tourna son regard, son sang se glaça. Deux yeux rouges, luisant et malveillant, les fixaient dans l'obscurité.

- C'est le monstre dont les journaux parlent, laissa-t-elle échapper en reculant d'un pas.

- Ce ne sont que des sornettes ! Cette bête n'existe pas ! répondit le professeur obnubilait par ce qui arrivait sur eux.

-Et ça alors ! Des yeux rouges comme les témoignages ! Tu vas pas me dire que je suis la seule à les voir...

L'elfe ne répondit rien, la peur s'emparant petit à petit ses pensées. Ces histoires ne pouvaient pas être vraies, l'Académie n'avait jamais créé de créatures étranges. Mais ce regard, cet être dans la pénombre transpirait l'éther et ça, Simbad en était convaincu.

- Alors qu'est ce qu'on fait ! Reprit-elle en lui tapant l'épaule.

Simbad ne put répondre à cette question, pourtant la chose semblait se rapprocher. Reprenant ses esprits, il tourna la tête cherchant une échappatoire. C'est alors qu'il vit apparaitre deux autres yeux d'une autre ruelle.

- Il y a un autre Mira, déclara le professeur en reculant d'un pas. On est pris entre le feu et ces choses.

Le feu du brasier éclairait une grande partie de la cour, dévoilant la silhouette de leur assaillant. Leur morphologie ressemblait à s'y méprendre à un humain mais, tel des pantins désarticulés, ils planaient au dessus du sol tenu au dos par un fil invisible. Le professeur croyait vivre un de ses cauchemars, ou voir un monstre onirique sortie d'un conte pour enfant.

Mira dégaina son pistolet et sorti sa dague.

- Que fait-on ? Ils ont pas l'air pacifique ! dit-elle en reculant encore d'un pas.

Simbad visualisait dans sa tête les chimères que les journaux avaient enluminées en première page, ainsi que les traits caractéristiques qui les accompagnaient : tout correspondait.

- Simbad !!! cria la voleuse en poussant le professeur au sol.

Un énorme bloc de granit arriva à vive allure dans leur direction. Mira eut juste le temps de bousculer l'elfe, lui évitant de justesse le projectile. Le rocher taillé, qui vint s'exploser quelques mètres derrière eux, n'était autre qu'un des énormes bancs de pierre du musée.

- Ressaisis toi bon sang ! hurla t'elle en se relevant. Ils ne rigolent pas !

- Je... désolé ... fit Simbad en saisissant le danger de la situation.

Le bloc était d'une taille considérable, peu d'éthérien aurait pu le projeter. Mais comme le disait Mira, l'heure n'était plus à l'analyse, ils devaient agir. Simbad attrapa l'un de ses bracelets puis forma, dans une facilité déconcertante, un pic de métal qu'il projeta en direction du monstre jeteur de banc. La bête reçut le trait dans le buste sans broncher, ce qui effraya le professeur.

- C'était censé le tuer ? Demanda Mira.

- Là était mon intention en effet... répondit-il l'air désabusé.

- C'est un échec...

- De toutes évidences, admit amèrement le professeur. Occupez-vous de son ami Mira !

Elle hocha la tête puis se tourna vers l'autre créature qui planait doucement vers eux.

Des cris s'élevèrent peu à peu des maisons voisines, il s'agissait des riverains, alors réveillés par les craquements incessants et les gerbes de flammes, qui s'apercevaient de la présence du cauchemar qui passait le porche de pierre.

Ignorant la réaction de la foule, Mira mit en joue le pantin aux yeux rouges. Mais ce dernier levait déjà nonchalamment son bras dans sa direction. N'ayant pas le temps de presser la détente, elle fut projetée violemment à quelques mètres par une masse d'eau en provenance de la fontaine.

De son côté, Simbad s'était lancé dans un duel d'éther comme jamais il avait vécu auparavant. Son adversaire usait d'éther pour déplacer des blocs de pierre massif, mais aussi à sa grande surprise, des poutres incandescentes qui tombaient du musée. Profitant des débris métalliques qui lui était accessible, il put se défendre et dévier ou détruire les différents projectiles qui fusaient vers lui. Par moment, il répliquait à l'aide de ses bracelets, mais rien n'y faisait, il avait beau lacérer ou même transpercer la créature, c'était insuffisant pour l'arrêter. Elle gagnait du terrain, pas à pas, mètre par mètre à mesure que les attaques allaient et venaient. La situation devenait désespérée car lui et Mira se retrouvait pris au piège entre les flammes et une puissance éthérienne inconcevable pour un être vivant.

Il devait agir, mais une détonation et un cri dans son dos, vinrent le couper dans sa réflexion. Se retournant, il vit Mira au sol, l'autre abomination juste au dessus d'elle, les yeux rouges la fixant impassiblement avant de se pencher !

Les mots de Grundal résonnèrent dans sa tête : « protège la ! ». Un bref regard sur son poignet lui montra son dernier bracelet.

Pris par sa promesse et faisant fi de son propre assaillant, il détacha sa dernière munition, qu'il forma en une petite balle. Concentré, son aura fit tournoyer le projectile à grande vitesse autour de lui, tel un électron. Puis d'un geste, il expulsa la bille de métal avec une telle rapidité et une telle force qu'elle traversa la tête de la créature de part en part, sans qu'elle puisse faire le moindre mouvement.

Simbad ne put s'empêcher de lâcher un petit rire de satisfaction ! Une vingtaine de mètres les séparaient, le tir était magistral et le coup fut fatal car la bête tomba au sol agonisant, poussant des cris strident. Son corps gesticulait dans tous les sens comme si elle était sous l'emprise de forts spasmes, avant de s'arrêter brusquement. L'être expira son dernier souffle, la rougeur de ses yeux disparaissant peu à peu à mesure que son sang coulait sur les pavés.

Mira regarda son assaillant, puis se tourna vers le professeur.

- SIM... ! Cria Mira les yeux écarquillés.

D'un coup sec, Simbad fut percuté en plein dans le flanc par un banc de pierre, l'autre créature ayant profité de ce laps de temps pour projeter un nouveau roc.

Il tomba sur les pavés trempés, complètement sonné par le choc. Les flammes au dessus de lui, dansait et la colonne de feu montait de plus en plus haut dans le ciel. Ses oreilles sifflaient, mais il voyait clairement la créature reprendre sa route vers lui, les yeux vides, les bras ballants.

Eclairé par les flammes, il put constater chaque détail du monstre. Cela ressemblait à un humain mais sa peau était de charbon. Dans un ultime Il voulut faire quelque chose mais son bras droit ne semblait plus répondre à ses ordres. C'est à ce moment qu'une voix retentit.

- EN JOUE !

A ces mots, Simbad tourna sa tête vers Mira qui s'était recroquevillée contre le bord de la fontaine ses mains plaquée sur ses oreilles.

- FEU !

Une salve traversa la place, criblant de balle le monstre encore debout. Le nombre de projectiles qui l'atteignit ne le laissa pas indifférent, car le fil qui semblait le tenir au dessus du sol semblait l'avoir lâché. Un genou à terre, il analysa le nombre de perforation que présentait sa poitrine, puis fou de rage et hurlant, le monstre fonça à quatre pattes vers eux pour engager le combat.

Impassible et dans une discipline exemplaire, la première ligne de fantassins se mit à genou découvrant une deuxième rangée prête à tirer. L'officier réitéra son ordre de tirer, déclenchant ainsi une nouvelle salve.

La créature reçu de plein fouet l'assaut des balles, coupant net sa charge. Ses bras lui faisant défaut, elle tomba sur le sol succombant dans des cris comme son acolyte. Le regiment attendit la fin des gémissements et des spasmes avant de se disperser. Quelques gardes s'approchèrent des cadavres, les fusils braqués sur la menace. En même temps, ils firent rentrer la brigade anti-feu, accompagné d'une équipe de médecins.

Mira accouru auprès de Simbad pour l'aider à se redresser.

- Est-ce que ça va ? Demanda-t-elle affolée.

- Oui, répondit-il entre deux toussements. Nom d'un chien, cette chose ne m'a pas raté... je crois qu'elle m'a cassé le bra...Aah !

En effet, lorsque Mira essaya de le manipuler, cela semblait plutôt douloureux. Le professeur laissa couler une petite larme de souffrance.

- Tu peux être heureux de t'en être sorti, dit-elle avec un léger rire nerveux. Aller lève-toi vite, il faut qu'on parte !

La jeune fille regardait nerveusement autour d'elle pendant qu'elle tentait de le soulever.

- Aaah mon épaule ! Je ne peux pas Mira... déclara douloureusement le professeur. Laissez-moi deux minutes.

Un médecin s'approcha d'eux en courant, la valise de secours en main. Ils étaient facilement reconnaissables par leur blouse blanche et leur logo en forme de serpent rouge .

- Tout va bien monsieur, vous êtes blessé ? Demanda-t-il.

Il n'eut pas à attendre de réponse car le regard de Simbad était suffisamment évocateur du problème.

- Très bien, nous allons regarder cela. Mademoiselle, aidez-moi à retirer son manteau... Délicatement de préférence.

Pendant que le médecin s'affairait aux premiers soins, le reste des gardes créèrent un périmètre de sécurité autour des monstres, fermant également les accès à la cour intérieur. Un drap fut alors placé sur les créatures afin d'en cacher la nature aux citoyens qui assistaient de loin à la scène. L'action était cependant inutile car tous avaient pu voir que les témoignages étaient vraies.

Simbad fixa longuement la main charbonnée qui dépassait du tissus, perturbé par ce qu'il venait de vivre. Tout était vraie, la magie, des monstres aux yeux rouges, ect... Mais ils ressemblaient à des humains, et leur contrôle de l'éther était parfaite.

Les services anti-feu criait dans tous les sens demandant de l'aide, car l'incendie devenait incontrôlable. Certains d'entre eux rentrèrent dans l'établissement afin de sauver le plus de choses possibles. Une chaine s'était formée près d'une fenêtre pour faire sortir des œuvres, pendant que des voitures remplies d'eau défilaient pour aider les quelques pompiers éthériens à contenir l'incendie dans les secteurs du musée en prise aux flammes.

Ethna franchit les portiques de sécurité, accompagnée d'autres dirigeants de la police. Elle regardait furieuse l'ampleur des dégâts qui s'étendaient devant eux. Les officiers partaient un à un, à mesure qu'elle donnait des ordres.

Simbad la suivait des yeux jusqu'au moment où son regard croisa le sien. Là, un long frisson parcourra son dos.

- C'est vous qui avez fait ça, avouez ! hurla-t-elle en s'approchant des deux.

- Balivernes, assura Simbad, nous étions dans les quartiers quand l'explosion a eu lieu... Nous sommes venus porter notre aide quand ces choses sont...

- Sortis ? En même temps que vous ? Un alibi bien pratique vous en conviendrez ! Mais vous avez été pris sur le lieu du crime ! Officiers, fouillez-moi ces individus !

- Vous n'avez pas le droit ! Vous n'avez aucune preuve contre nous, plaida Mira furieuse, tout en se laissant fouiller.

Ethna se tourna vers Mira, l'air dédaigneux.

- Au contraire ma petite ! J'en ai le droit et cela rien que par l'apparente nature de ton équipement. A commencer par cette arme à feu que tu portes, dit-elle en pointant le six-coup que Grundal lui a donné plus tôt dans la soirée. Je parie que tu n'as pas de permis de port d'armes !

Mira avait le regard défiant, elle était piégée. Vu le nombre de personnes autour d'elle, il lui était impossible de s'échapper, surtout que des renforts continuaient d'affluer.

- Et non bien entendu, reprit Ethna, comment une bâtarde dans ton genre pourrait se payer un permis... Passez les chaines à ces gens et qu'ils aillent au cachot !

- Maréchale, si je puis me permettre, interpela le médecin, avec tout l'honneur que je vous dois, ce monsieur n'est pas transportable ! Il aurait besoin de soins...

La maréchale analysa la blessure puis pouffa un grand coup.

- Il n'a rien docteur, cautérisez juste la plaie et mettez-lui une écharpe ! Puis il partira avec sa compagne. Ils auront tout le temps de récupérer à l'ombre du poste.

Son ton sarcastique rendait Mira furieuse, à tel point qu'elle bouillonnait de l'intérieur. Mais elle ne pouvait rien faire au milieu de cette foule. Le médecin désemparé s'exécuta sans remettre en cause l'ordre de son supérieur.

- Je contacterai un médecin de garde pour qu'il passe dans votre cellule, marmonna le docteur avec un léger sourire. Par chance, cela ne semble pas cassé... Mais il faudrait faire une analyse plus poussée au calme.

- Merci docteur, répondit le professeur.

Simbad était épuisé par le combat qu'il venait de mener, ainsi que par sa blessure. Sa tête le tournait, il n'était pas en mesure de se défendre. Deux soldats l'aidèrent à se lever, puis ils l'emmenèrent suivie de son amie. Il avait, de l'intérieur de la cariole, une vue impressionnante sur l'enfer qui s'emparait des toits du musée. Qu'allait devenir la totalité des œuvres qui s'y trouvaient... et la momie d'Asuna... Tout était à l'intérieur aux prises des flammes.

Les silhouettes des différents acteurs allaient et venaient, laissant entrevoir des tableaux, des vasques et bien d'autres objets de valeur. La brigade anti-feu se battait tant bien que mal contre l'incendie devant les yeux désabusés des citoyens.

Quand la carriole se mit en route, Simbad vit une silhouette immobile, sous la pluie de braise au milieu de la place. Le monde autour courait sans lui prêter attention, mais elle était là, stoïc, face aux évènements. Il la fixa longuement, la tête posée contre le bois de la voiture, avec l'intime conviction que cette personne les regardait quitter les lieux.

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