Chapitre 11 : La poissonnerie

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Rue du Maréchal Ferrand

Plus tard le même jour,

-M-

- Êtes-vous certain que c'est ici ? demanda Simbad. J'émets quelques doutes sur la véracité de vos indications...

- C'est la seule poissonnerie du quartier, répondit fermement le nain.

- J'ai honte de l'admettre mais il a raison Grundal, l'écriteau tombe en ruine et regarde l'état de ces poissons ! affirma Mira en posant ses mains contre la vitrine.

Ce qu'elle voyait à l'intérieur n'avait rien d'accueillant. Les poissons sur les présentoirs étaient à moitié dévorés par des larves et une épaisse couche de poussière recouvrait l'entièreté du mobilier ainsi que les couteaux placardés sur le mur du fond. L'odeur qui se dégageait du commerce était pestilentielle, même de l'extérieur. Mira, habituée pourtant à vivre dans le Terrier, eut un haut le cœur. Toutes les lampes étaient éteintes et une petite pancarte à l'entrée indiquait que l'établissement était fermé. Tout portait à croire que plus personne ne résidait ici. Grundal fit tourner la poignée, ouvrant légèrement la porte.

- Écoutez, si vous voulez rester dehors c'est comme vous voulez ! cracha le nain en entrant.

Le son d'une clochette retentit accompagné de relents plus intenses de pourriture. Simbad plaqua immédiatement sa manche contre son nez scrutant la réaction de Mira, mais la belle, le front plissé, commençait doucement à s'acclimater. lls se regardèrent puis emboitèrent le pas du détective.

- Vous n'avez pas lu la pancarte ? cria sèchement une voix derrière l'étal. La boutique est fermée !

Ils découvrirent un gobelin les cheveux grisonnants, les traits fatigués. Un carton dans les mains, il faisait des va-et vient entre l'étal et l'arrière-boutique, attrapant des affaires au hasard. Surprise de ne pas l'avoir vu de l'extérieur, Mira remarqua que les mains du poissonnier tremblaient à chacun de ses gestes, manquant par moment de faire tomber des outils. Les cernes qu'il arborait, le regard fuyant dans toutes les directions, montraient également un manque cruel de sommeil. Le pauvre était terrorisé par quelque chose.

- A la vue de votre étal, vous vous doutez bien que nous ne venons pas pour vous acheter du poisson, déclara calmement Grundal en retirant son chapeau.

A ces mots, le gobelin se raidit, posa le carton qu'il portait sur la table, puis fixa tour à tour le nain puis ses deux acolytes derrière lui.

- Vous allez quelque part ? Reprit le nain en désignant des cartons posés devant l'arrière-boutique.

Il était clair que son étal recouvert de quelques pièces moisissant depuis quelques jours ne pouvait tromper personne. Grundal avait du voir, tout comme elle, la peur dans les yeux du gobelin.

- Vous êtes là pour l'argent c'est ça ? cracha le poissonnier. Je vous ai dit que je passerai ce soir pour payer ma dette.

- Je vous rassure monsieur, fit le professeur, nous ne sommes pas là pour votre argent.

- Pour qui travaillez-vous alors ? Rétorqua le poissonnier.

- Écoutez, nous sommes juste venus vous poser quelques questions, continua Simbad. Nous vous promettons que nous ne vous voulons aucun mal.

- Que voulez-vous savoir ? Répondit précipitamment le poissonnier.

- Serait-il possible d'aller dans un lieu plus propice à la discussion ? Demanda Grundal. Quelque part moins visible de la rue ?

Le gobelin jeta un bref coup d'œil en direction de la porte derrière lui, avant de se tourner à nouveau vers ses visiteurs.

- O...oui. Suivez-moi ! répondit-il hésitant.

Poussant la porte du fond, ils quittèrent la boutique pour arriver dans la partie habitable du bâtiment. Le vestibule, devant lequel ils passèrent, était rempli de paquets et donnait accès à un escalier et une salle à manger. Le poissonnier montra cette dernière de la main puis entra suivit des deux garçons. Mira resta sur le palier à les regarder prendre place autour de la table, les bras croisés.

- Écoutez monsieur, nous aimerions entrer en contact avec un agent de Big B ! Commença Simbad.

- Comment saurais-je où les trouver ? Je n'ai aucun rapport avec eux ! Répondit le commerçant.

- Mais bien sûr, lâcha le nain en croisant les bras. Vous ne leur deviez pas quelques Republicans.

Le gobelin rougit.

- Je dois l'argent oui, mais à mon beau-frère, bafouilla-t-il. Je dois passer le voir ce soir.

- Votre beau-frère a des sbires pour récolter ses dettes en pleines journées ? Demanda Simbad.

- J'aurai des problèmes si je parle.

- Et vous en aurez si vous ne parlez pas, répondit sèchement le nain en posant les mains sur la table. Que dirait la garde si elle apprenait que vous avez fricoté avec la pègre ?

- Vous n'avez aucune preuve ! se défendit le poissonnier

- Vous pensez bien que si nous sommes venus vous voir, c'est que nous en avons ! Ajouta Grundal.

- Je ne sais pas...

Le poissonnier, piégé, regarda tour à tour Simbad et Grundal assis en face de lui. Les deux le fixaient avec un air interrogateur.

- Écoutez, reprit Simbad. Je vous jure que toutes les informations que vous nous donnerez ne quitteront pas cette pièce.

- Que leur voulez-vous ?

- Nous aimerions seulement nous entretenir avec lui pour obtenir son aide. Et pour cela, nous devons rencontrer l'un de ses agents, répondit Grundal.

Mira derrière ne disait pas un moment, fatiguée par ces discussions futiles. Par moment, son attention se posait sur les commodes du vestibule, de ce qu'elles pouvaient contenir. Mais surtout, sur les escaliers et les secrets que renfermaient l'étage supérieur. Elle hésita un moment en se pinçant les lèvres, Grundal n'apprécierait pas qu'elle fureter.

Le gobelin allait fuir en laissant tout derrière lui, Mira ne pouvait pas laisser passer l'occasion de repartir avec un souvenir. Elle s'assura d'abord que personne ne la regardait puis elle quitta silencieusement son poste pour gravir les marches. En haut, tout semblait éteint et comme au rez-de-chaussée, des cartons étaient disséminés sur le sol. Par peur d'être découverte, elle fouilla uniquement ceux entre-ouvert mais rien n'avait vraiment de valeur : des vases, des statuettes en biscuit, des tableaux. Tous ces objets ne rentreraient pas dans sa sacoche.

Une petite boite joliment décorée, posée sur un guéridon, attira néanmoins son attention. A première vue, il devait s'agir d'une tabatière. Et à la vue de sa couleur, il pourrait s'agir d'or. Un sourire s'esquissa sur son visage mais il fut de courtes durées car un léger craquement de parquet l'alerta. Elle se figea au milieu du couloir telle une statue, arrêtant sa respiration. Un autre bruit identifia l'origine du bruit, cela venait du bout du couloir dans ce qui semblait être un placard. C'était à peine perceptible mais Mira en était certaine, quelqu'un se cachait sans faire de bruit.

La dague sortit, le placard toujours en mire, elle recula doucement. C'est alors que la porte s'ouvrit violemment découvrant un individu encapuchonné de noir qui lui sauta dessus. Emporté par le poids de ce dernier, elle tomba en arrière. Ce qui provoqua la chute du petit guéridon ainsi que la lampe qui s'y trouvait. Le bruit résonna dans toute la maison.

Mira empoigna sa dague et voulut pourfendre son assaillant dans les côtes. Mais il para le coup d'un revers de main, puis lui arracha la lame.

Désormais sans arme, les poignées bloqués, il fallait qu'elle s'échappe de son emprise pour se remettre droit et chercher son arme à feu. Elle replia agilement ses jambes puis assena un violent coup dans le torse. L'individu fut projeté en arrière, la dague volant à travers la pièce.

Elle profita de ce moment de répit pour se redresser, et chercher frénétiquement sa pétoire. Gémissant de douleur et voyant la belle sortir l'arme de son fourreau, il reprit appuie, chargea pour la désarmer une nouvelle fois et lui attrapa le cou.

Mira sentit sa respiration se couper à mesure qu'il fermait sa poigne. Elle pouvait voir ses yeux mauvais derrière son foulard, il allait la tuer. Passant la main derrière elle, elle empoigna maladroitement un vase qu'elle vint éclater en mille morceaux sur la tête de l'assassin.

L'homme recula se tenant la tête de douleur, pendant que Mira, agenouillée, toussait et reprenait son souffle. Mais le voyant revenir à la charge pour en finir, elle se jeta sur sa pétoire, se tourna puis appuya sur la détente.

La détonation résonna sur les murs, une gerbe de sang s'étalant sur la tenture du vestibule. L'individu tomba inanimée devant Mira qui par réflexe le repoussa loin d'elle.

- MIRA ! cria Grundal en arrivant en haut des escaliers.

Essoufflée, elle ne cessait de regarder son agresseur, sa pétoire encore fumante entre ses mains. Ses yeux étaient grands ouverts et choqués de ce qu'il venait de se produire. Elle s'était déjà battue par le passé mais jamais elle n'avait tué qui que ce soit. Elle fixait le regard livide de ce corps inanimé gisant à ses pieds, une flaque de sang se répandant petit à petit sur le tapis. Elle fut prise alors d'une forte nausée...

Simbad et le gobelin entrèrent tour à tour dans la pièce.

- Nom de l'Eternelle, que s'est-il passé ? demanda le gobelin en voyant l'individu gisant face de la jeune fille.

Le nain prenant la jeune fille dans ses bras se tourna vers le poissonnier.

- Je crois monsieur, que Big B gardait effectivement un œil sur vous...

- Mon dieu... lâcha-t-il effrayé, les jambes chancelantes.

Le gobelin tomba contre le mur derrière lui, pendant que Simbad se pencha sur le corps de l'individu avec juste un mouchoir pour se couvrir le nez.

- Il a quelque chose sur lui Fiston ?

- Non rien à part une dague. Sa tenue est de bonne facture, remarqua-t-il en pointant les multiples motifs brodés sur la cape.

- Un peu trop pour que nous ayons affaire à un cambrioleur, rajouta Grundal. Il devait s'agir d'un informateur.

Le spectacle macabre n'était pas beau à voir. En effet, Mira n'avait pas raté son tir car une partie de sa tête avait volé en éclat. A croire qu'il était presque à bout portant lorsqu'il avait reçu la balle.

- C'est ainsi que se déroule les échanges ? Un agent vient chez vous récupérer l'argent ? demanda le nain.

- Non... répondit le poissonnier sur un ton défensif. Les marchands sont convoqués dans un entrepôt près des docks, c'est là qu'ils récoltent leurs impôts.

- Et si vous ne payez pas, ils envoient un de leur chien pour vous surveiller ? questionna Simbad en se relevant. Mais pourquoi n'avez-vous pas fait appel à la police dès le départ ?

Le gobelin regarda Grundal dans les yeux, ce dernier savait très bien comment cela se passait ici.

- Nous sommes sur son territoire Simbad ! reprit Grundal. La maréchaussée ne vient pas ici. C'est ça la réalité, les habitants n'ont pas d'autres choix que de vivre avec.

- Si je ne me présente pas ce soir aux entrepôts, lâcha le gobelin... ils vont me...

- Connaissent-ils votre visage ? Demanda le détective.

- Je ne pense pas non, ce sont toujours des personnes différentes qui récoltent l'argent.

- Ne vous souciez pas de la rencontre de ce soir, ils ne remarqueront pas votre absence, rajouta le nain.

Un court silence s'installa, Mira regardait silencieusement le sang s'écouler entre les lattes du parquet.

- Que fait-on du corps Grundal ? S'inquiéta Simbad. Si nous appelons la garde, nous serons forcément questionnés sur la raison de notre venue...

- Laissons le ici, de toutes manières, monsieur va nous suivre à l'agence.

- Ne serait-il pas plus sage que monsieur quitte la ville ? demanda Simbad.

- Pas la peine de vous soucier de moi, fit le gobelin qui fixait le corps. Je vais quitter la ville aujourd'hui.

- Juste une chose, intervint Grundal. Dites-nous où et quand aura lieu la rencontre ?

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