Chapitre 1 (suite et fin)

4 minutes de lecture

Quelques instants plus tard, Roanne émergea de sa léthargie. Malgré son amertume et sa profonde lassitude, il eut un sourire pour ses amis qui l’entouraient. Sa tête semblait peser bien plus lourd que d’habitude.

— Qu’est-ce qui t’as pris de te mettre en danger ainsi sans notre accord ? demanda Marion.

S’il en avait eu la force, il aurait voulu répondre avec véhémence qu’il était le seul à décider de son sort, mais cela n’aurait pas été tout à fait correct.

— Je suis désolé, dit-il. J’étais convaincu qu’elle était prête à nous rejoindre et cela en valait la peine. Bon sang ! Cela ne finira donc jamais ?

Il essaya de se relever mais dut se résigner à rester allongé encore un moment. Il regarda négligemment son pied et remercia Melissa d’un signe de la tête. Bien qu’il fût l’instigateur de leurs recherches, Melissa s’avérait avoir des connaissances remarquables en biologie et elle avait réussi à perfectionner son sérum.

Gordon s’approcha de Roanne et, le toisant de toute sa hauteur, lui lança avec mépris :

— Maintenant que tu as compromis notre retraite, que comptes-tu faire pour notre communauté ?

— Je ne sais pas, soupira Roanne.

— Tu crois qu’elle va nous dénoncer ? s’enquit Marion.

— Je l’ignore. Qui sait comment peut réagir quelqu’un comme elle à l’agonie ?

Marion acquiesça. Elle se rappelait les tortures qu’elle avait endurées pendant de si longs mois.

 

 

À peine sortie du garage, Carola se précipita chez elle, l’estomac au bord des lèvres. Son cœur qui tambourinait dans sa poitrine l’étourdissait. Ce ne fut qu’une fois qu’elle se sentit en sécurité derrière la porte blindée de son appartement qu’elle respira profondément, dans une vague tentative de détente. Elle ouvrit la bouteille de scotch qui reposait sur le bar et en but une longue rasade. Elle essuya maladroitement du revers de la main la goutte qui coulait le long de son menton. Les pupilles dilatés, elle observait son salon dans les moindres recoins. Jamais elle n’avait ressenti une telle terreur. Elle avait l’intime conviction qu’on l’observait mais ce qui lui semblait le plus effrayant, était que cet observateur paraissait être juste derrière ses paupières ; comme si une autre personne se trouvait à l’intérieur de son crâne. Elle avait beau se dire que c’était ridicule, cette sensation ne disparaissait pas. Elle serra le goulot de la bouteille au point d’en avoir les jointures blanchies. Elle but une deuxième fois et s’avachit sur le canapé.

Une fois vidée, elle jeta négligemment la bouteille par terre qui roula sous la table basse. Elle s’allongea et ferma les yeux, un coussin sur le visage. Presque aussitôt, elle fut transportée des années en arrière, près d’une fontaine, sous un soleil caniculaire.

 

Un poing tambourinant à sa porte la réveilla quelques heures plus tard. Elle émergea de son profond sommeil et ses paupières semblaient ne pas vouloir rester ouvertes. À tâtons, d’une démarche houleuse, elle alla ouvrir la porte. Une tornade noire s’engouffra dans son salon. Pietr venait d’entrer la bousculant au passage. Elle chuta mollement sur la moquette grise.

— Bon sang, t’étais où ? s’enquit-il avec colère.

Voyant qu’elle n’avait même pas la force de se relever, il la toisa de haut, une moue de mépris devant tant de faiblesse barrait ses lèvres. Du bout du pied, il frappa mollement sa cuisse avec dégoût.

— J’ai vu des cadavres plus engageants que toi, ajouta-t-il.

— Fous-moi la paix Pietr. Aide-moi plutôt à retourner sur le canapé. J’ai une gueule de bois.

— À d’autre ma vieille. Depuis quand tu ne t’es pas regardée dans une glace ?

— Quoi ? Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Que si je n’étais pas venu te chercher, tu aurais rejoint Trash en enfer.

Pietr ramassa la bouteille vide et secoua la tête en grognant.

Carola savait que dans ses conditions l’alcool accélérait sa « gangrène » comme Pietr aimait à l’appeler. Ce dernier se rendit dans la cuisine et ouvrit plusieurs placards à la recherche d’un bol. Il finit par trouver son bonheur et attrapa un des couteaux suspendus au-dessus de la gazinière. Il entailla profondément son bras et récolta le précieux fluide dans le récipient.

— Bois ça en attendant ma vieille. Je te prépare quelque chose de plus substantif.

Carola n’avait pas la force de refuser et exécuta les ordres malgré elle. Elle abonnait l’idée d’ingérer une partie de Pietr mais, au bord du gouffre, elle n’avait pas d’autre choix.

Le liquide tiède coula dans sa gorge et se rua vers son cœur, son cerveau et ses reins qui étaient en souffrance. Elle se détendit, attendant les effets bénéfiques de ce don. Les autres ne tarderaient pas à se faire sentir, mais elle y ferait face le moment venu. Peu à peu, les pétéchies qui parsemaient son corps se résorberaient et elle retrouverait son teint de jeune fille.

Pendant que Pietr s’activait près de la gazinière, elle rêvassait se laissant porter par un flot de souvenir. Un léger sourire égaillait son triste visage quand Pietr ramena un plateau.

— C’est quoi cet air idiot ? Allez, mange ! Ce placenta est frais de ce matin. J’ai dû payer drôlement cher mon pote gardien à l’hôpital pour qu’il me le refile.

Un tel cadeau était plus que suspect de la part de Pietr et, avant de commencer son repas, elle exigerait des explications.

— Tu veux quoi au juste ?

— Toi.

— Comment ça, moi ?

— Ben, le patron veut que, toi et moi, on tente de se reproduire.

Même sa faiblesse et son mal de tête ne l’empêchèrent pas d’éclater de rire.

— T’es pas un peu malade ? Tu crois que j’ai envie de quoi que ce soit de ta part ?

— Tu disais pas ça y a cinq minutes.

C’était un coup bas, mais il avait raison. Elle se doutait que cela allait mal tourner mais elle n’avait jamais envisagé de telles conséquences. Elle prit une profonde inspiration et se massa les tempes longuement.

Quand elle rouvrit les yeux, elle détailla son hôte quelques secondes. Il avait une bouche un peu trop fine et des yeux un peu trop rapprochés mais l’ensemble n’était pas si vilain. Sa crinière en bataille lui conférait un air juvénile malgré les années.

— Explique-moi exactement ce que tu attends de moi.

— Tout d’abord, en tant que femme enceinte, tu bénéficieras d’un traitement de faveur.

Carola leva la main.

— Ce n’est pas cette partie là qui me préoccupe le plus, c’est le chemin pour y arriver.



Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Emma B ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0