Soeurette

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Le rideau se lève, sur la scène : un homme et une femme, frère et sœur.

 

(la sœur)             -  Dis dessine moi un livre !

(le frère)             -  Qu’est ce que tu me chantes ?

(la sœur)             -  Je ne chante rien, je te demande de me dessiner un livre !

(le frère)             -   Un livre ? Cela ne se dessine pas, un livre.

(la sœur)             -  Oui, certes, et moi je ne chante pas !

(le frère)             -  Qu’est ce que ce sont que tes rimes : petit plagiat du petit prince ?

(la sœur)             -  Non, je ne te demande pas de me "dessiner un mouton",  mais un livre.

(le frère)             -  Et bien, sœurette, un livre ne se dessine pas mais il s’écrit, avec une plume, sur du papier de vélin, un livre c’est le recueil d’une âme, un récit, un conte. Un livre se veut transporteur d'émotions, la place rectangulaire et si petite pour ranger une vie. Et puis,  écrire un livre exige moultes envies, passions, abnégations !

(la sœur)             -  Ce que bon te semble, cher frère, toi, magicien des mots, poète, qui exergue une belle prose. Une belle histoire, qui fasse rêver, qui me fasse frémir, un récit croustillant  !

(le frère)             - ...si magique  :  la princesse, qui, attend, désespérément son prince, au combien charmant, qui viendra déposer sur ces lèvres un doux baiser…

(la sœur)             - Non, une histoire de guerriers, avide de sang, de vengeance, menant une guerre effrénée de cent ans.

(le frère)             -  Ah ! la guerre de cent ans ?

(la sœur)             -  Non, bougre, historien pathétique,  une autre. Ou plutôt, un conte, enfin, comme tu aimeras me conter.

(le frère)             -  Un conte, comme ceux des frères Grimm, en somme, la « vraie fiancée » ou, que dirais tu de Pinocchio de Carlo Lorenzini ?

(la sœur)             - mon adepte de la chansonnette : un texte enchanteur à souhait, coloré d'images, suscitant l'imagination, une prose dont l'écoute ravisse mon esprit, émoustille ma sensibilité, éveille mes ardeurs...

(le frère)             -  A votre guise, petite sœur, et comme le conte se conte, sied ici, écoute.

 

 

«             Une seule photo m’avait vraiment ému de nous, dans l’album de papa et maman : c’était un instantané agrandi, on le voyait flou, et il représentait un bambin qui se penchait un peu embarrassé pour embrasser une petite fille, chaussée de souliers, si vernis ! Ses bras entouraient son cou et il tentait de l’embrasser sur la joue. Lasse de garder la pose, tu pestais, contre moi, bien sûr, comme, il n’est pas mentir, à ton habitude. Tu étais petite, et moi, à peine plus grand, et notre complicité, allait, au gré de tes humeurs, surtout à toi, mon humeur, étant toujours égale. Nous nous sommes livrés batailles, au fils des années, tout comme est fait la renommé de la complicité d’un frère et d’une sœur. Et si je te raconte nos joies, comme lorsque tu es tombée dans des orties, lors d’une de nos promenades dans les champs, et que tes yeux exorbités m’ont fait rire, beaucoup rire, et que de colère, tu m’imitais avec toute ta grâce effrontée, fâchée et honteuse ; mais également le registre de nos peines. Là est un sujet vaste, étendu, où nombreuses sont tes colères ; que j'ai su au fil du temps, apprivoiser, amoindrir, au prix de ma patience, une patience  sans borne d'un frère bienveillant.


Je vénère ta curiosité, petite sœur !

Tu me charmes, habile demoiselle, et c'est un honneur, de partager ces instants brillants de tes sourires enchanteurs.

Tu me manques quand ta robe discrète ne froufroute plus aux abords du chemin de mon attention.

Tu te "femme" avec l'habileté haletante d'un chat qui se pavane.

Tu illumines mes sens incestueux de l'amour si pur, celui que l'on ne fera jamais ensemble.


(la sœur)       -                             Si homme m'évanouissait de la sorte, je le prendrait pour l'heure, pour mari !

Dessine moi un livre !

(Le frère)       -                            Dieu ! fasses que ma vie soit assez longue pour écrire le livre à ma sœur !


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