Chapitre 46 - Réjouissances (Fin)

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Six jours après la mort du terrible Varen Draze, la ville continuait à reprendre doucement forme. L'air était frais. L'automne viendrait bientôt. La jeune femme se rendit au donjon. Il fallait qu'elle ait une longue discussion avec Freyki. Lorsqu'elle traversa les rues, elle était reconnue par les habitants qui lui adressaient un sourire, un signe, un bonjour. A cet instant, elle était fière d'être Jaelith Librevent. Elle s'était battue pour cette cité. Elle l'avait défendue de toutes ses forces. Et elle n'avait pas été la seule. A peine arriva-t-elle à l'entrée du donjon que Feiyl faillit lui foncer dedans en courant. Penaud, ce dernier s'excusa.

— Désolé, je ne regardais pas où j'allais...

— Feiyl ! Ca à l'air d'aller mieux en tout cas.

— Oui... Le père Nilsas a dit qu'il n'avait rien eu à faire. Les soins que tu m'as donné étaient amplement suffisants. J'ai dû rester au lit toute une journée sans avoir le droit de bouger parce qu'il voulait absolument vérifier qu'il n'y ait pas de séquelles.

— C'est rassurant de te voir en forme. J'avais vraiment eu peur quand j'ai vu que tu avais pris le souffle du dragon de plein fouet.

Le petit dragon baissa la tête. Il savait qu'il aurait pu s'en sortir beaucoup plus mal, voire pire, ce jour-là. Mais il était quand même fier de lui. Il s'était battu, il avait pu défendre ses proches. La jeune femme lui caressa la tête, ébouriffant ses cheveux au passage, puis demanda :

— Et tu partais où en courant comme ça ?

— En fait, tu tombes bien Jaelith, parce que c'est toi qu'on m'a demandé de chercher.

Il lui attrapa le bras et l'emmena jusqu'à la grande salle de réunion. Beaucoup de monde se trouvait là, et la jeune femme eut du mal à suivre l'adolescent parmi la foule entassée là.

Le roi loup se tenait debout, droit comme un I, dans son armure qui était encore toute cabossée des derniers combats. Mais il se fichait bien de ce que pouvaient en penser les autres. L'état de son armure prouvait à tous qu'il s'était battu pour protéger la cité de Goldrynn et ses habitants. Son regard se posa sur la jeune femme qui venait d'entrer. Cette dernière se fraya un chemin parmi la foule, mais ne parvint pas à le rejoindre tant il y avait de monde. Il fallut quelques minutes pour que le silence se fasse, et Freyki prit la parole. Sa voix puissante résonna dans toute la salle.

— Si je vous ai demandé de venir ici, c'est parce que j'ai plusieurs choses importante à vous dire. Tout d'abord, je voulais vous dire à quel point je suis fier de vous, de votre détermination. Surmonter cette tragédie ne sera pas chose aisée, j'en suis conscient. Beaucoup d'entre nous aurons perdu des proches pendant cette terrible bataille...

Il s'arrêta un instant.

— Notre glorieuse cité sera reconstruite. Et à chaque fois qu'elle tombera, elle reviendra, plus belle qu'auparavant. Et à chaque fois que nous la verrons, nous repenserons à tous ceux qui ont donnés leurs vies pour elle.

Freyki baissa la tête avant de la relever.

— Je sais que je ne suis pas le meilleur des rois que ces terres aient connus. Je n'ai pas non plus été le meilleur des époux.

Son regard se perdit dans un souvenir. Il repensa rapidement à Amaria, mais le regard de Jaelith posé sur lui le rappela à la réalité, et il continua d'une voix plus douce.

— Ces derniers mois ont été éprouvants pour tous. J'ai plusieurs fois pensé que nous n'aurions aucune chance face à la terrible créature qui nous à provoquer. A chaque fois que je voyais nos hommes tomber, je me disais qu'il n'y avait plus d'espoir... Et pourtant, il y en avait.

Son regard restait encré dans celui de la jeune femme.

— Oui... Il y en avait... Certaines personnes ici présentes se sont accrochées à cet espoir. Elles ont accomplis des choses que beaucoup pensaient impossibles.

Il ferma les yeux et inspira profondément.

— J'ai toujours haïs les dragons. Encore aujourd'hui, j'ai du mal à accepter ce qu'ils ont pu faire à notre belle cité. Pourtant... Pourtant il y en a un que je protègerais. Il a risqué sa vie pour la mienne. Je risquerais la mienne pour la sienne.

Jaelith se tourna vers Feiyl qui se trouvait à ses côtés. Ce dernier était plus que gêné et rougissait comme une pivoine. La voix de Freyki l'appela à le rejoindre, il se fraya un chemin jusqu'à lui, avec difficulté.

— Feiyl. Tu t'es battu avec bravoure contre des dragons, tu t'es battu contre tes propres frères pour protéger les humains.

La voix de Freyki était douce, presque paternel. Il continua.

— Continueras-tu à te battre à nos côtés ?

Il avait posé la question mais savait très bien quelle serait la réponse. Un large sourire apparut sur le visage de l'adolescent, et d'une voix sûre, il hurla presque :

— Oui. Je continuerais. Je protègerais les humains et la cité.

Une vague d'applaudissement retentit. Jaelith baissa la tête. Elle repensa à Dalvan. S'il n'avait pas été tué, peut-être serait-il ici, aux côtés de Feiyl. Elle secoua la tête, et une larme, unique, coula le long de sa joue pour tomber et mourir sur le sol. Freyki leva la main pour reprendre la parole.

— Les récentes batailles m'ont fait comprendre qu'il nous fallait bien plus que des prêtres capables de nous soigner. Les ténèbres sont partout, et seule la lumière est capable d'en venir à bout ! C'est pourquoi j'aimerais créer un corps de combat, ici, à Goldrynn, qui accueillerait des paladins formé à Silverlake. Et qui serait mené par le capitaine Elrynd Kervalen, ici présent.

Le paladin s'était raidit devant cette annonce, et c'est un peu perdu parmi la foule qui l'acclamait qu'il rejoignit l'homme à la cicatrice qui lui donna une poignée de main chaleureuse. Et sous les cris qui inondaient la salle, Elrynd demanda :

— J'ai bien peur de ne pouvoir accepter ce poste majesté.

— Si vous voulez parler de l'approbation du seigneur Gareth, ne vous inquiétez pas. C'est même lui qui vous a recommandé.

Le capitaine se tourna vers son supérieur qui se trouvait non loin de là et eut un large sourire. Elrynd se plaça à côté de Feiyl qui l'applaudissait à s'en faire mal aux mains, tandis que le roi loup leva à nouveau la main pour demander le silence.

— Il y a une autre personne que je dois remercier.

Jaelith frissonna quand leurs regards se croisèrent.

— C'est grâce à elle si les dragons sont tombés. Elle a été capable de nous faire parvenir de précieux renforts. Des renforts que je n'imaginais même pas en rêve.

Il s'arrêta un instant, observa la salle, puis reprit :

— Les elfes et les humains étaient condamnés à ne plus s'unir pour se battre. Mais elle a brisé ce fait. Elle est partie, seule, pour les retrouver. Et c'est toujours seule qu'elle leur a demandé de nous venir en aide. Elle aurait pu se faire tuer, mais c'est l'espoir qui guidait ses pas. Et l'espoir l'a ramené saine et sauve, ici, à Goldrynn, avec ses précieux renforts.

La voix du souverain tremblait légèrement.

— Elle a fait bien plus que quiconque ici pour nous. C'est elle qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui.

Il pensait sincèrement tout ce qu'il disait. Pour lui, c'était grâce à elle qu'il était devenu aussi fort. L'homme à la cicatrice tendit sa main vers Jaelith qui le regardait de ses grands yeux bleus. Elle s'empressa de l'attraper après avoir traversé la foule. Freyki la serra contre lui, et à cet instant, il se fichait bien qu'il y ait du monde autour d'eux. Il la voulait près de lui. Ils restèrent ainsi quelques minutes sous les vivats des personnes présentes, puis ils se séparèrent. La main du roi loup trouva celle de la jeune femme qu'il serra doucement, puis il se tourna vers la foule.

— Si aujourd'hui nous fêtons notre victoire sur le terrible dragon noir, c'est grâce au paladin Jaelith Librevent !

Les clameurs redoublèrent d'intensité. Jaelith avait les larmes aux yeux. Elle se sentait enfin reconnue, d'une certaine manière. Freyki eut du mal à calmer la foule.

— En ce jour nous célébrons cette victoire ! Nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Un avenir que nous tisserons de nos propres mains, que nous laisserons à nos enfants, qui eux même le laisseront à leurs enfants. Nous respecterons la lumière, et nous éloignerons les ténèbres de nos cœurs ! Ensemble, nous affronterons nos ennemis, et ensemble, nous les vaincrons ! Car la lumière nous guidera !

Des cris de joie retentir, tout le monde avait applaudit le discours du roi. Et Freyki, comme tous à cet instant, se sentit fier d'être ce qu'il était. Un homme. Simplement un homme.

***

Il fallut presqu'une heure pour que tout le monde s'en aille. Chacun voulait voir de plus près les héros qui avaient brillés pendant la bataille. Dans la salle de réunion, il ne restait à présent que quelques personnes. Siara et ses hommes saluèrent le souverain. D'une voix claire, elle lui adressa la parole.

— Je sais que vous pensez après les derniers évènements qu'une alliance entre les humains et les elfes est à envisager. Je ne veux pas vous donner de faux espoirs, mais malheureusement, ma sœur est têtue. J'essayerais de la convaincre.

Freyki hocha la tête. Elle continua.

— Tout du moins, vous pourrez compter sur la garde ailée pour vous prêter main forte si jamais il se passe quoi que ce soit de fâcheux.

— L'inverse est aussi vrai. N'hésitez pas à nous faire part de vos problèmes. Si une attaque ennemie à lieu dans vos contrées, je n'hésiterais pas à envoyer mes hommes pour vous venir en aide.

Siara se tourna vers Jaelith qui se trouvait aux côté du roi loup.

— Quand à vous, semi humaine, sachez que j'ai été ravie de faire votre connaissance. Nous avons passé peu de temps ensemble, mais ce fut agréable. Vous m'avez rappelé de précieux souvenirs.

— J'espère que nous nous reverrons bientôt.

La voix de la femme paladin était chargée de tristesse. Siara lui fit un large sourire.

— Je le souhaite aussi.

— Vous allez repartir maintenant ?

— Le plus tôt sera le mieux. Et j'ai une très longue discussion à avoir avec ma sœur.

Elle serra Jaelith contre elle.

A Bientôt, que le dieu cerf te garde.

Qu'il te garde aussi, Siara.

L'elfe salua les personnes présente, et d'un signe de la main, ordonna à ses homme de sortir et d'enfourcher leurs hippogriffes pour faire route vers le sud. Jaelith soupira. Elle appréciait beaucoup la présence de Siara. Si le destin lui avait donné une sœur, alors elle aurait voulu qu'elle lui ressemble. Le seigneur Libram se racla la gorge.

— Eh bien, je crois qu'avec le capitaine Kervalen, nous devrions parler de ses nouvelles responsabilités.

Elrynd acquiesça d'un signe de tête et suivit le vieux paladin qui prit le chemin de la sortie. Il attrapa Feiyl par le bras et l'entraina avec lui. Jaelith et Freyki étaient tout à fait seuls dans l'immense pièce. La jeune femme se triturait les doigts devant le regard amusé du roi loup.

— Tu ne sais pas par où commencer, c'est ça ?

Elle haussa les épaules.

— Non, je...

— De quoi est-ce que tu voudrais me parler et qui t'ennuie tant que ça ?

— Je repensais à ce que tu m'avais dit, il y a longtemps.

L'homme à la cicatrice se gratta le menton, perplexe.

— Qu'est-ce que j'ai bien pu te dire ?

— Tu as dit que tu voulais m'épouser.

— Et je le veux toujours.

Il l'attira à lui et l'embrassa au creux du cou. Tremblante, elle continua.

— J'ai peur.

Freyki releva la tête vers elle, et leurs visages se faisaient face.

— De quoi as-tu peur ?

— Je ne veux pas devenir reine. Je ne veux pas m'imposer, comme ça...

— C'est tout ?

— Comment ça, c'est tout ? Freyki, j'ai cru comprendre qu'être roi n'était pas une chose facile, tu me l'as souvent montré.

— Et j'ai besoin d'une femme pour m'aider et me soutenir. Une femme qui m'aidera à prendre les bonnes décisions. Une femme qui sache se battre, qui serait capable de se défendre, qui connait la souffrance et le dur labeur.

Il s'arrêta quelques secondes et la fixa intensément dans les yeux.

— Une femme comme toi.

Jaelith secoua la tête.

— Je veux bien rester à tes côtés, mais je ne veux pas...

— Tu le seras pourtant aux yeux de tous ceux qui vivent ici, même si tu refuses ce titre.

La jeune femme s'en fichait. Elle voulait rester libre de ses mouvements. Pouvoir partir si l'envie lui en prenait. Pouvoir participer aux futures batailles, car elle savait que la paix qu'ils avaient gagnés ne serait qu'éphémère. Elle voulait rester telle qu'elle était actuellement, et ne pas se retrouver empêtrer dans un rôle dont elle ne connaissait pas la teneur.

— Je serais à tes côtés Freyki, mais ne comptes pas sur moi pour devenir ta reine. Tout du moins, pas pour le moment...

Il posa un baiser au creux de son cou. La jeune femme frissonna, mais se laissa entrainer par son amant jusque dans sa chambre. Jusqu'à leur chambre. Elle l'aimerait toujours, et l'inverse était réciproque.

***

Chroniques de Fereyan

L'Ombre des Dragons

FIN

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