Chapitre 1 - Vivre

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Les années avaient passées...

— Est-ce que tu es prête à partir ?

La douce voix de son père sortit Jaelith de sa rêverie. Cette dernière hocha la tête. Elle avait pris le peu de possessions qu'elle estimait et avait laissé le reste sans aucuns regrets. La jeune femme possédait la beauté elfique et fragile de son père. Depuis quelques temps, les hommes se tournaient vers elle lorsqu'elle marchait simplement dans les rues. Elle détestait cela.

Son regard bleu se posa sur son père qui lui fit un léger sourire remplit de tristesse. Ils allaient quitter Aesina. Rester dans cette ville où ils avaient vécus tant de moments de bonheur était devenu un véritable supplice pour Jaelen et sa fille.

L'elfe allait repartir sur les routes, comme il l'avait fait bien avant la naissance de son enfant. Et cette fois-ci, il ne serait pas seul. Sans lancer un regard derrière eux, ils s'éloignèrent d'Aesina, s'enfonçant dans la forêt alentour.

***

Le visage de Jaelith était devenu pâle, son cœur s'était arrêté de battre. Elle porta ses mains à sa bouche, comme pour s'empêcher de hurler. Des larmes commencèrent à perler sur les joues de la jeune fille. Elle était incapable de bouger, la peur la paralysant complètement. Jaelen avait compris qu'il lui faudrait se défendre contre ceux qui s'étaient mis en travers de leur chemin. Il avait sorti de son fourreau une petite dague elfique qu'il possédait depuis des années. Ils l'avaient tué en un instant. Et à présent il n'était qu'un corps sans vie, alongé dans la neige. Sans se soucier de ceux qui se trouvaient autour d'elle, Jaelith se jeta sur son père en pleurant. Elle le secouait doucement.

Le chef des pillards, un homme borgne aux longs cheveux blancs, l'avait prise violemment par le poignet et l'avait forcé à se tourner vers lui. Jaelith tremblait de tout son corps. Qu'est-ce qu'ils allaient lui faire ? Est ce qu'ils allaient profiter d'elle avant de la tuer aussi sauvagement qu'ils avaient tué son père ? Elle posa à nouveau son regard vers celui qu'elle avait toujours adoré et qui gisait sur le sol, les deux grands yeux verts, vides de toute vie, tournés vers le ciel. La jeune femme s'était remise à pleurer. Le chef des pillards la força à se relever. Il la détailla longuement avant de parler.

— Je n'ai jamais vu d'elfe qui ressemblait aussi peu à un elfe...

La jeune fille savait qu'elle était perdue. Il était trop tard, ils étaient trop nombreux. Elle se crispa, n'osant lever d'avantage les yeux vers l'homme qui parlait d'une voix pleine de sous-entendus vicieux.

— On pourrait la vendre à un bon prix...

La vendre.

Jaelith était devenue en quelques instants un objet dont il fallait tirer le meilleur prix. Elle sentait une immense colère monter en elle. Son regard bleu se porta sur la dague de son père. Elle devait faire quelque chose. Précipitamment, elle ramassa l'arme de fortune avant de foncer sur son adversaire. Elle lui entailla malhabilement le bras et l'homme recula en criant de douleur. L'un de ses camarades vint à son secours et Jaelith sentit une terrible douleur lui brûler le dos. La dague de son père tomba sur le sol, et elle s'écroula, silencieusement, dans la neige froide.

Le froid... La douleur... La tristesse... La mort... Cette sensation glacée qui s'emparait de son corps petit à petit. Autour d'elle, les hommes se hurlaient dessus, mais elle ne cherchait pas à comprendre ce qu'ils disaient. Les larmes coulaient toujours, brûlantes. Ses lèvres remuaient lentement. Une seule question lui venait à l'esprit.

— Pourquoi ?

Elle connaissait une partie de la réponse. Elle avait suivi son père tout en connaissant les risques de ce voyage. Il n'était plus vivant désormais, la laissant seule, blessée, aux portes de la mort.

— Tu veux vivre ?

La voix inconnue résonnait dans sa tête, ferme, avec une pointe de douceur. Elle demanda très faiblement :

— Qui êtes-vous ?

Pas de réponse. La jeune femme avait compris qu'elle avait été gravement blessée au niveau du dos. Le sang coulait abondement de la plaie. Elle voyait, sous elle, la neige se teindre de rouge. A la longue, elle lui serait fatale.

— Vivre...

Elle se demanda si c'était une bonne chose que de répondre à cette entité inconnue qu'elle ne voyait pas, mais qu'elle entendait. Son père était mort, sa mère aussi. Elle n'avait plus de famille. Quel était l'intérêt pour elle de continuer à vivre ?

— A quoi servirait mon existence ?

La voix de la jeune femme se faisait de plus en plus faible.

— Ton existence servirait ce monde. Ton existence...

La mourante secoua doucement la tête. A cet instant, elle avait senti une douce chaleur... La lumière... Puis la colère. Cette colère lui brûlait les entrailles. Elle brûlait de l'intérieur. Elle ferma alors les yeux et l'obscurité la rattrapa tandis qu'elle sombrait dans l'inconscience.

***

Avec plusieurs de ses hommes, le capitaine Elrynd Kervalen parcourait le chemin menant à Silverlake. Depuis plusieurs jours, il avait entendu parler d'une bande de malfrats qui attaquaient les gens ayant le malheur de passer par ici. Il avait pris quelques hommes avec lui et avait décidé de mettre fin à ces attaques. Et tandis qu'il arpentait le chemin pendant sa ronde habituelle, une forte odeur de sang l'avait prit à la gorge. Il chuchota à ses hommes :

— Pas de bruit. Il y a... Quelque chose...

Tous descendirent alors de cheval, portant leurs mains à leurs armes. Doucement, ils s'avancèrent dans la forêt, s'écartant du chemin, se rapprochant de plus en plus. L'horrible odeur devenait de plus en plus forte. Elrynd en avait des hauts le cœur.

C'est alors qu'ils découvrirent le massacre. Car il ne s'agissait purement et simplement que d'un massacre. Elrynd retourna le premier corps qui se trouvait près de lui. Il s'agissait d'un homme borgne aux longs cheveux blancs. Son visage aux yeux vides exprimait la stupeur.

— Capitaine, il y a un survivant !

Elrynd se releva rapidement et s'approcha du corps que lui désignait le paladin. Il s'agissait d'une jeune femme. Elle respirait difficilement. Les yeux mis-clos, remplis de larmes, elle murmurait doucement des paroles incompréhensibles.

Délicatement, la capitaine la souleva pour découvrir une énorme balafre le long de son dos. Il grimaça. La blessure n'était pas mortelle, mais elle laisserait une cicatrice. Elrynd dénoua sa cape, la déchira et en fit des bandages de fortune. La jeune femme se laissa faire sans sourciller. Le capitaine se tourna vers ses hommes.

— Je vais la ramener. Occupez-vous des corps. Mêmes si ce sont des voleurs, notre devoir est de les mettre en terre.

Il la fit alors monter sur son cheval, et elle continuait de pleurer tendit qu'on l'amenait loin du corps sans vie de son père.

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