Le soleil avait déjà bien entamé sa descente quand elle arriva enfin chez elle. Leur maison se trouvait sur une petite colline à l'extérieur du village. Elle s'engagea sur le petit chemin de terre. Leur maison avait été construite à la demande de sa mère contre une bonne besace d'argent. Depuis, elles avaient aussi installé de nombreux bacs de terre, ceux-ci formaient des îlots en fonction du type de plantes qui y poussait. Anita n'accordait pas beaucoup d'attention, bien que sa mère s'acharne à vouloir lui faire mémoriser leur authentique nom dans une langue que plus personne n'utilise. Leur maison était modeste, composée de trois petites pièces, cela avait été suffisant pour elles. Elle passa l'entrée de celle-ci.

Là, sa mère était en train de s'activer et faisait des allers-retours insensés. Anita resta là à l'observer, adossée à la porte d'entrée. Shanna possédait une grande et belle chevelure ondulée d'un brun presque orange. Elle était plutôt petite par rapport aux autres femmes, et Anita faisait déjà la même taille qu'elle. Ses yeux étaient d'une couleur noisette avec des petits éclats de vert que l'on ne voyait lorsque le soleil les éclairait. Elle s'attelait à présent à farfouiller dans une malle prête à l'avaler tout entière, cela arracha un petit sourire à Anita. Quand elle était plus jeune, Anita s'était déjà demandé plusieurs fois si cette femme toujours très souriante et joyeuse était vraiment sa mère. Tout les opposait, l'une chaleureuse comme le soleil et l'autre glaciale comme la lune.

• Mère ? Que fais-tu ? Je le savais ! Tu as perdu la tête, oh ma pauvre mère...

Elle joignit sa phrase à une gestuelle dramatique, portant la main à son front et se laissant presque glisser contre la porte. Elle savait que sa mère détestait quand on plaisantait à propos d'une quelconque folie. Sa mère fit un bond et se retourna lentement, avec une mimique faussement fâchée.

• Privée de repas ! Pour ta gouverne, je recherche d'anciennes affaires à moi qui me sont chères.

Anita se trouvait toujours à l'entrée de la maison, qui donnait directement sur la cuisine. À sa gauche se trouvait la cuisine, avec une petite fenêtre donnant sur la forêt. À sa droite, une grande table dans une pièce qui servait de salle à manger, mais aussi de chambre pour sa mère. Pour cela ils avaient installé un lit qui servait de siège pour les invités dans la journée. Au fond de celle-ci se trouvait sa chambre. Ainsi, leur affaire non utile au quotidien était souvent stockée dans de grande malle qu'elle gardait sous le plancher ou dans les combles. Elle nota que de nombreuses malles avaient été éventrées. Elle parcourut les quelques pas qui les séparaient en évitant les obstacles aux sols, et se jeta dans ses jambes.

• Pardon mère qui est la plus jolie et la plus souriante de toutes les femmes. - Marmonna-t-elle avec ses airs de petites filles.

Sa mère adorait ses petits compliments, cela était devenu un jeu entre elles. Shanna avait enfanté Anita proche de la ville. Alors qu'elle n'était qu'un bébé, son père avait décidé de quitter leur vie. Aucun autre homme n'avait fait son entrée dans leur vie depuis. Elle avait bien voulu avoir un nouveau père, mais personne ne semblait convenir. Avec les années, cette idée l'avait quittée et leur lien était devenu solide. Ces fausses disputes étaient un de leur rituel préféré. Mais alors qu'elle s'apprêtait à aller s'asseoir à table pour engloutir sa nourriture sous l'exaspération de sa mère. Celle-ci lui saisit les épaules et prit un air grave.

Anita se raidit, la dernière fois qu'elle avait pris cette aire-là, c'était suite à une journée de tissage de cordes d'arc. Celles-ci n'avaient pas été faites correctement, et Anita avait été très déçue de l'apprendre. Depuis, elle maîtrisait parfaitement l'exercice, bien qu'il soit rare qu'elle en fasse encore. Shanna fini par prendre la parole, interrompant ainsi les réflexions de sa fille.

• Nous devons partir, et j'aimerais que tu me fasses confiance car je ne pourrais pas tout t'expliquer.

Anita encaissa le coup. Son premier sentiment fut un refus catégorique. Elle n'avait pas de nombreux souvenirs de son enfance. Mais elle avait déjà été dans un autre village qu'elles avaient fui suite à la famine apparut dans tout le pays et qui avait provoquée d'importantes émeutes. Avant de partir, un chasseur avait appris à Anita, alors âgée de 6 ans, quelques bases pour chasser. Puis elles étaient arrivées ici. Anita en avait bavé. Différentes des autres, les enfants avaient pris un malin plaisir à se moquer et lui jouer des tours. Elle avait parfois souhaité fuir à nouveau. En grandissant, elle avait commencé à se défendre en enfonçant ces poings dans leur visage. Puis elle se réfugiait dans la forêt pour fuir les remontrances des adultes. Elle s'entraînait alors seule se rappelant les enseignements du vieux chasseur. C'est ainsi qu'elle attrapa ces premiers lapins et écureuils en échange de quelques bleus. Cela lui valut l'approbation des adultes ravis de voir une aussi jeune personne contribuer au bien-être du village. Puis les adultes prirent son parti et la traitèrent en adulte. De ce fait, les petits tours jouer par les autres enfants furent punis, et cela cessa. À présent elle devait quitter un endroit où elle y jouait un rôle important.

• Pourquoi interrogea-t-elle. Nous ne sommes pas en danger d'après toi. Se rappelant des paroles que sa mère avait prononcées plus tôt dans la journée dans l'agora.
• Les autres ne sont pas en danger affirma Shanna

Un flow de question envahit l'esprit d'Anita. Elle prit de grande inspiration, harcelée sa mère de lui apporterait aucune réponse. Mais elle sentait sa gorge se serrer et ces yeux lui picoter. Elle se sentait trahie pour une raison qu'elle ne comprenait pas bien. Tous les parents gardaient des secrets pour protéger leurs enfants. Anita avait pourtant la sensation d'être traitée en adulte, ce secret remettait cela en question. Elle inspira à de nombreuses reprises, une colère vive lui montait. Et alors que sa mère se rendait dans la cuisine afin de servir le repas, Anita ne sut pas contenir sa colère.

• Et cela ne te fait rien ? Fuir encore et encore. À chaque difficulté nous prenons la poudre d'escampette ! Je ne suis plus un enfant, je saurais me défendre ! Hurla presque Anita

Sa mère soupira, un soupir de déception, et continua de sortir les plats. Anita sentie son cœur se brise, sa tristesse reprit le pas. Ces yeux étaient mouillés à présent. La frustration lui picotait les mains, elle voulait secouer sa mère de toutes ces forces pour la forcer à l'écouter. Mais elle restait la, dans la tempête de ces émotions les joues ruisselantes de larmes, le regard plein de colère.

• Tu te prétends adulte, mais tu es en train de me faire un caca nerveux lui asséna sa mère.

S'en était trop pour Anita. Elle se saisit de la chaise la plus proche et la fit voler à travers la pièce pour évacuer sa frustration. Elle prit de nombreuses inspirations, sa mère s'était figée comprenant que cela ne serait pas une dispute classique.

• Pourquoi me traites-tu comme cela ? Tu n'es pas ma mère ! Elle aurait pris le temps de discuter avec moi ! Cracha Anita.

Et sur ces mots elle traversa la salle à manger et se glissa dans sa chambre. Elle entendit des pas s'approcher de l'entrée de celle-ci couverte d'une peau afin d'offrir un peu d'intimité.

• Une mère ne peut pas toujours être juste avec son enfant. Tu l'apprendras un jour. Dit Shanna de l'autre côté.

Puis les pas s'éloignèrent. Anita entendit la chaise glisser sur le sol quand celle-ci s'assit à table, et commença à manger. Son ventre gargouillait violemment à cette idée. Mais elle resta encore un peu allongée, ruminant sa colère, et l'injustice qu'elle vivait. Quand Shanna sorti pour s'occuper une dernière fois de ces plantes avant la nuit noire, Anita se glissa hors du lit et alla manger rapidement. Alors qu'elle était en train de manger, sa mère revint. Elle se figea un instant.

• Nous partirons demain matin l'informa Shanna

Elle ne savait comment réagir. Elle refoula la colère qu'elle ressentait, et afficha un regard calme et un visage calme.

• Bien, répondit sèchement Anita

Ce fut ainsi dans un froid glacial que se passèrent la fin de journée et la soirée. Anita resta allongée à fixer le plafond de sa chambre. Elle ne comptait pas pardonner à sa mère son comportement, mais pour le moment elle ferait ce qu'elle avait demandé. Quel que soit le périple que sa mère voulait lui imposer, son propre objectif sera de trouver un endroit où elle pourrait rester. Et laisser sa mère poursuivre si elle le souhaitait. Leur village actuel avait survécu à la famine en mettant en commun leur productif et en favorisant toutes formes d'échanges. Il était donc difficile d'être payés pour ces services, ce qui n'était pas l'idéale si elle voulait pouvoir posséder une maison et acheter quelques matériaux. Pour le moment, tout cela lui était fourni par sa mère, qui semblait posséder une importante réserve. N'arrivant pas à trouver le sommeil, elle tendit l'oreille et entendit la respiration de sa mère. Elle se leva sur la pointe des pieds. Bien que la maison fût petite, éviter l'ensemble des affaires étaler au sol, et s'arrêtant au moindre bruit. Son cœur et sa respiration semblaient produire un vacarme, mais Anita se força à rester calme. En arrivant dehors, elle prit une grande inspiration, sans s'en rendre compte elle l'avait retenue tout le long de son évasion.

Elle prit directement la direction de la forêt regrettant de ne pas avoir pensé à embarquer son arc. Mais reparcourir le chemin à l'inverse lui semblait un risque démesuré. Elle se contenterait d'une petite balade, et rentrerait se reposer pour entamer le voyage de demain.