Chapitre 13 - La violence à fleur de peau

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21 novembre 2014 -

Caroline grimaçait dans son lit. Elle se dandinait. Préoccupé par la malade, le professeur l'avait questionnée :

— Tout va bien madame Martin ? Vous avez besoin de quelque chose ?

— Non, merci... J'ai juste affreusement mal au bas du dos. Ça me brûle atrocement. L'infirmière m'a parlé d'un début d'escarre au niveau du coccyx... Pfft... Il faut dire que d'être allongée 24 h sur 24, favorise ce genre de choses...

— Voudriez-vous changer de position ?

— Oui. J'aimerais assez me tourner sur le côté, mais avant, pourriez-vous demander qu'on me vide mon bassin ?

Le médecin avait sonné l'aide-soignante qui avait accouru puis vidé l'urine dans les sanitaires. À grands jets d'eau, elle avait nettoyé le bac plastique, l'avait désinfecté recto-verso et réinstallé sous la malade qui l'avait gratifiée d'un large sourire. Son veston retiré, le médecin avait ensuite saisi la patiente par les épaules et placée en chien de fusil.

— C'est mieux ainsi ? s'était-il enquis.

— Oui. Merci.

Satisfait, le professeur avait replié sa veste sur ses genoux et pris le journal entre ses mains.

— Je peux ? avait-il murmuré.

— Bien sûr. Continuez donc.

Tête baissée et jambes croisées, le lecteur avait gardé un même ton de voix :

— La violence s'intensifia et son mépris pour moi, ne connut aucune limite. Pour me punir, il n'hésitait pas à m'imposer des relations forcées et m'obligeait à répondre à ses fantasmes. Une nuit d'alcool et de jalousie inventée, je reçus mon premier coup de poing dans le ventre parce que je m'étais refusée à lui. Par haine et par vengeance, il avait décidé de me faire dormir en dehors de l'appartement et m'avait tirée par les cheveux pour me sortir de la chambre. Malgré mes pleurs et mes supplications, il m'avait jetée à l'extérieur comme un vieux chien galeux. Puis, sans un regard de compassion, il avait refermé la porte à clef. J'étais en chemise de nuit légère, et malgré mes pleurs et mes supplications, il m'oublia un long moment sur le tapis de l'entrée. Il ne revint me chercher que parce qu'il craignait que mes jérémiades s'entendent dans le voisinage. Féroce et brutal, il m'avait traînée jusqu'à la cuisine, m'avait asséné un deuxième uppercut puis forcée à rester sur le carrelage. Par surprenante charité, il me concéda un minuscule duvet pour que je puisse dormir et retourna se coucher. Frigorifiée, l'estomac douloureux et tremblante de peur, j'avais espéré le lever du jour et longuement pleuré sur ma misère. Le lendemain matin, en me trouvant sur le sol, recroquevillée sur moi-même dans la position du fœtus, mon sadique de mari s'était confondu en excuses. Il m'avait embrassée et submergée de mots d'amour. Étonnamment tendre, il m'avait expliqué que la veille, il avait perdu la tête et que cela venait de son stress au boulot. La belle affaire ! L'excuse de merde ! Ce jour-là, j'ai compris que j'étais passée de serpillière et de souffre-douleur, à punching ball. Choquée, désespérée et effrayée, j'ai prié dans ma tête. J'ai imploré le Bon Dieu de ne plus être son sac de frappe et d'empêcher la récidive. Écartelée entre mon attachement pour ce mari violent et mon dégoût pour lui, j'étais dans une impasse. Pour moi, l'avenir était sombre. J'étais prostrée à l'intérieur de cette prison émotionnelle quand le bougre m'a eue et m'a dit en m'enlaçant : " Qu'il m'aimait plus que tout ". Et quand les yeux rougis par les larmes, il m'a confié que " Sans moi il n'était rien ", idiote, sensible et crédule, j'ai gobé ses mensonges. Seule et désemparée, j'ai cru qu'il était sincère et j'ai passé l'éponge sans réaliser que mon absolution l'autorisait à continuer son jeu macabre et pervers du chat et de la souris. J'étais encore loin de comprendre que sans ma participation et mon assentiment passif, sans son jouet docile à portée de mains, son jeu cesserait faute d'intérêt...

La lecture à rythme lent croquait le temps. Il était tard et, de part et d'autre, la fatigue était présente. Malgré leur intérêt vif et commun de poursuivre le récit, le professeur Bernard ressentait les effets d'une journée longue et bien remplie, tandis que Caroline avait les paupières lourdes.

— Je crois qu'un autre café me fera le plus grand bien, avait informé le médecin en baillant. Si vous le permettez, je vais m'absenter un petit quart d'heure, le temps d'aller me dégourdir les jambes et d'absorber une autre dose de caféine.

— Mais bien sûr docteur, faites... répondit Caroline. J'ai moi aussi besoin d'une pause et je vais en profiter pour sommeiller un peu...


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