CHAPITRE 11 - En aparté

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21 novembre 2014 -

Fatiguée et le cerveau ramolli par sa grève de la faim, Caroline avait quelque peu, décroché de la lecture. Perdue dans ses pensées, elle n'écoutait le professeur Bernard que succinctement, et revivait en parallèle deux scènes de ménages significatives où elle s'hasardait encore à répondre à son despotique et tyrannique mari :

Année 2007 - 1ère scène

— Je ne te comprends pas Pierre ? Pourquoi toi, tu aurais le droit de me faire des réflexions sur mon cul, et pas moi ? Pourquoi tu prends la mouche quand je te renvoie la balle sur ton physique ? Tu m'expliques là ? L’humour dans un couple c’est dans les deux sens, non ?

— Non ! Parce que la grande différence entre ton humour et le mien, c'est que toi tu es nulle, question humour ! Toi, tu es nulle au point d'en être chiante ! Ton humour à deux balles est tellement chiant que si t'étais un feuilleton, on t’appellerait Derrick. Ma pauvre Caroline, permets-moi de te dire que ton humour est définitivement et lamentablement merdique ! Et vois-tu, j'en suis réellement désolé pour toi !

Pierre a un rire cynique.

— Tu es désolé pour moi ? Mais c'est dégueulasse de me dire un truc pareil ! hurle Caroline. C'est super dégueulasse !

— Et toi, t’es vraiment une gueularde, rétorque Pierre d'un ton désabusé. Tu n'es même pas capable de t'exprimer sans gueuler comme un putois ?

— Si je gueule, c'est que tu n'as aucun respect pour moi !

— Je suis franc, c'est tout ! dit Pierre en haussant le ton. Je t'ai déjà expliqué que je supportais pas l'hypocrisie et que je disais toujours ce que je pensais ! Et là, tu vois, je te dis que ton humour c'est de la grosse merde ! Après, que ça te plaise ou pas, c'est pas mon problème !

Caroline est folle de rage, mais entre hurler, pleurer, partir de la maison ou sauter sur son mari, elle choisit de lever puis de baisser les bras en tournant sur elle-même. Dans un besoin urgent d'expulser sa colère, elle se défoule avec ce qu'elle appelle " La danse de la pluie indienne ".

— Merde, merde, merde, merde ! fait-elle en alternant une voix aiguë, une voix virile et une voix de soprano. Merde, merde, merde. Je t’emmerde mon cher Pierre Martin. Je t’emmerde ! Merde ! Merde ! Merde !

Sous le regard haineux de son mari, Caroline se déhanche et gesticule en déballant ses " Merdes ". Pierre est furieux. Il marmonne entre ses dents :

— Pauvre fille ! Pauvre, pauvre fille ! Tu mériterais une bonne rouste !

Année 2007 - 2ème scène

Affairée à sa vaisselle, Caroline a six éternuements successifs.

— Ben alors, tu t'enrhubes ? ironise Pierre.

— Non, c'est une réaction allergique, dit-elle sèchement.

— Une allergie ? Ah bon ? Mais une allergie à quoi ?

— Une allergie à toi ! répond-elle du tac au tac.

Une énorme claque frappe la joue de Caroline.

— Ah bon connasse, t’es allergique à moi ? grogne Pierre. Et à mes baffes, tu n'y es pas allergique ?

— Mon médecin m’a prescrit de virer tout élément toxique ou allergisant autour de moi ! s'écrie Caroline en se frottant la joue. Et je crois bien que je vais commencer par toi !

— Tu rêves, ma pauvre fille ! gronde Pierre, le regard haineux. Et tu ferais quoi ? Tu irais où ? Tu crois franchement qu’un autre homme voudrait de toi ? Non, mais tu rêves ! Tu t’es bien regardée ? T'as vu ta gueule ? Puis, tu t'es empâtée ! Tu commences à ressembler à une grosse vache et je dois me concentrer pour arriver à bander et baiser avec toi. T'es vraiment trop nulle et trop moche. T'es même un poids pour la société. Si j'étais toi, je me suiciderais pour alléger la planète. Tu y as déjà pensé ?

Dans son lit d'hôpital, Caroline était songeuse. À ce stade de la relation, les disputes étaient encore relativement mesurées. À part la gifler et l'injurier, Pierre Martin contenait encore sa violence. Cela ne durerait pas. Au grand dam de Caroline, au fil des jours, les coups seraient de plus en plus rudes et fréquents.

Caroline s'était reconnectée au professeur Bernard. Attentive au paragraphe qu'il lisait, elle l'écoutait religieusement.

— Les fausses gaffes, poursuivait le lecteur. Ah celles-là ! Il y en avait pléthores de ces fausses gaffes, destinées à me faire mal. Dès qu’il le pouvait, il regardait mon ventre naturellement bombé, puis le sourire ironique, il me disait :" T’es enceinte et tu me l’avais même pas dit ?" Dans sa mallette de taré professionnel, on trouvait aussi les compliments suivis d’une bonne grosse saloperie. Pour exemple, si je sortais de la salle de bain, bien coiffée et maquillée, il me lançait : " Cette robe te va pas trop mal, par contre les trucs que tu t'es fichu sur la tronche, ça fait pute ! Et tes cheveux ? Non mais franchement, t'as vu tes cheveux ? Je ne sais pas ce que t'as voulu faire avec tes cheveux, mais c'est raté ! " Et que dire de ses comparaisons pour me démolir. Quand il me jugeait indocile, il devenait très pervers. Il me provoquait en chantant les prénoms de mes ex qui n'avaient pas été nombreux, mais dont il se servait pour me blesser. Quelquefois, il lui arrivait aussi d'exposer sur la table de la cuisine, les photos de ses anciennes conquêtes. Spécialiste des vexations en tous genres, il disait que j'avais un sale caractère et que je pleurnichais tout le temps. Il critiquait ma cuisine et ma façon de faire le ménage. D'après lui, j'étais grosse, chiante, maniaque ou bordélique selon l'humeur et de toute façon, bonne à rien. Même au niveau vestimentaire, il trouvait toujours quelque chose à redire " Je ne sais pas comment tu te démerdes, mais tu t'habilles toujours comme un sac. Non, mais tu t'es vue ? Franchement, tu ne ressembles à rien, fagotée comme ça. Tsss... Sans aller jusqu'à te dire que t'as le look d'un camionneur, on croirait une gouinasse. Ben, ma poule, t'es loin d'avoir la classe d'une femme qu'on serait fier de tenir à son bras ! " En me dévalorisant sans cesse, il m’a retourné le cerveau. Découragée, je lui ai passé le relais, et en parfait autocrate, il s'est appliqué à choisir pour moi mes vêtements. Soir après soir, il les a déposés sur la commode du dressing pour que le matin, je m'habille suivant SES goûts et selon SES désirs.

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