Amour et damnation

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- J'ai une bonne raison de ne pas vouloir m'impliquer dans quelque relation que ce soit. Je ne suis pas ce qu'on appelle une personne fréquentable. À vrai dire, je n'ai pas envie qu'on découvre mes faiblesses. Surtout, je fais invariablement du mal à ceux qui me sont proches. Je ne suis pas devenu chasseur d'originels par hasard. Et quelle espèce de cinglé se risquerait à partager une vie comme la mienne. J'ai grandi dans les quartiers les plus pourris de Darnmarw, entouré d'androïde bazardés aux rebuts. Il y a eu une époque sombre pendant laquelle les humains poursuivaient les humanoïdes artificiels. Clones, cyborg, androïde, tous finissaient au broyeur. Peter Murphy. Ce môme était un fervent défenseur de la cause «Droïde». On a grandi. Il avait développé un système qui permettait de transférer les consciences, mais ce n'était qu'en théorie. Peter voulais que les « inquisiteurs » se mettent à la place de ces pauvres machines qu'ils détruisaient, sans même prendre en compte le fait qu'elles avaient développé une conscience. « Tu imagines passer au broyeur, toi le mec qui sait qui il est, qui sent les choses, qui a mal ? » Je l'ai aidé. Il voulait pactiser avec un originel du nord pour rendre son projet possible. Généralement ce sont les individus de l'autre monde qui font ça. Toute cette affaire a très mal tourné. Le démon lui a tout pris. Son âme, son corps, sa vie. Toute sa ligne temporelle à été effacée. Seule sa mémoire s'est intégrée à mes souvenirs. L'entité des ténèbres s'est barrée comme ça. Mon pote en poussière et l'autre saloperie plus forte pour traverser et faire encore plus de dégâts.

- L'autre monde ?

- Oui, de l'autre côté du vortex à l'autre bout du Grand Pont de Darnmarw, c'est l'accès à un autre univers. Semblable au nôtre mais avec des différence, vois-tu ?

- J'en sais rien, je veux bien te croire, j'en ai déjà assez vu ici et pourtant je n'ai encore pas visité les fonds marins. J'imagine bien que tout est différent là dessous aussi...

- Oui, il y a des failles dans les entrailles de la planète.

- La suite. Donc, ton ami...

- Et bien, depuis ce jour je me suis juré de leur botter le cul à ses originels qui traversent les frontières de leur contrée d'origine. Je les renvoie dans leur trou. Si un de ces enfoirés tente de pousser un humain à pactiser, je le détruit ou je l'envoie direct dans le monde d'en dessous. Avec les élémentaires cette cochonnerie peut toujours essayer ses arnaques, ça ne prend pas. Ces monstres doivent absolument pactiser s'ils veulent exploiter leur pourvoirs en dehors de leur zone de naissance. Quand je parlais des quartiers pourris ou j'ai grandi. Je n'ai pas été très honnête. C'est le scénario que je sors aux gens auprès de qui je veux passer pour à peu près normal. Non. En fait, ma vie a commencé au moment de ma rencontre avec Peter Murphy. Quand il était déjà adulte. A vrai dire je ne me souviens de rien avant. Et apparemment je ne suis pas le seul à qui s'est arrivé.Je me souviens vaguement d'un désert.

Même pas des confidences sur l'oreiller vous imaginez ! Il fume sa clop sur la terrasse du Shayar. Le climat est agréable en ce moment. Petit vent frais. Ciel dégagé. Des étoiles éparpillées dans le ciel sans lune, tel une multitude de diamants en feu sur une toile de velours noir. Le moment est romantique. Mais je sens qu'il souffre. S'il ne se souvient pas de son passé, c'est sans doute qu'il a voulu oublier. Peter Murphy. Ce n'était sûrement pas le dernier truc moche qui allait lui arriver. La suite n'est pas mal, dans le genre film d'horreur qui ne donne pas envie. Les personnalités maudites c'est toujours comme ça. Le gars toujours renfrogné, la gueule dans son whisky. Toujours à rejeter les autres, parce que ça fait mal de perdre ceux qu'on aime. Quand c'est à chaque fois. J'imagine pas. J'avoue je ne m'attache guère. Les gens. Pas ma came. Il faut que je précise : Le pacte est une fusion énergétique. Tu te retrouves lié corps et esprit à l'originel, s'il meurt toi aussi. Le pire c'est qu'il absorbe ton âme, tu ne peux plus t'en séparer.

- Je crois que ça va faire deux ans. Je l'ai rencontré dans une taverne. Il s'est assis à côté de moi. Il avait l'air ailleurs. Triste. Perturbé par quelque chose de lourd. Il s'est payé son whisky et m'a commandé une autre pinte de bière.

- Je suppose, ton verre était vide ?

- Oui, il a fait comme toi. Grand, très grand. Un visage d'un autre monde. Une beauté à te couper le souffle. J'ai eu chaud quand nos regards se sont croisés. J'ai même eu honte de ressentir ça. J'avais peur qu'il l'ai remarqué. C'était la première fois que ça m'arrivait. Avec un homme. Un de ces enfants de Yonah à la peau de marbre noir. Je ne sais même pas si s'était intelligible ce que je lui ai bredouillé pour le remercier, mais il a souri. Il n'a pas touché à son verre avant un moment. Puis cul sec et en recommande un autre, regarde ma pinte : déjà vide. Recommande la même. Wiskey, pinte. Il me paie des verres et ne m'adresse même pas la parole. J'ai trouvé son comportement assez étrange. J'ai vu plus dingue aussi.

- Tu m'as fait la même.

- Je t'ai parlé de tes archives, arrête.

- Oh a peine. T'as fait l'autiste tout le reste de la soirée.

- C'est vrai mais, j'avoue tu m'as perturbé. J'ai eu une impression de déjà vu. J'ai eu peur de remettre ça. Puis il m'a quand même sorti un : vous faites quoi dans la vie ? Je n'allais pas lui balancer chasseur d'originels. Je doit être le seul dans tout Chimeron. J'ai répondu : Chasseur de prime. En quelque sorte. Il a eu l'air intéressé. J'ai compris qu'il avait senti le mensonge. Bon, mensonge c'est un peu trop. Et sa réponse à la même question n'était pas mieux que la mienne. Militaire. C'est tout. On aurait dit qu'il ne voulait pas s'étaler sur le sujet. A vrai dire je m'en foutais. Ce mec me parlait. Il est resté avec moi. Il aurait pu aborder les filles dans le pub. La barmaid n'était pas dégueu en plus. Non ce gars, ce rêve ambulant avait choisi son moment avec moi. J'étais comme un môme. Je croyais que j'étais cramé à l'intérieur. Il a littéralement embrasé mon âme. Le coup de foudre. Puis il s'est levé, a sorti une énorme liasse de billet, a payé en laissant un énorme pour-boire et s'est barré comme ça. J'ai eu l'impression qu'on me plongeait dans de l'eau glacée. Il s'est barré. Il ne s'est même pas retourné. J'ai hésité deux secondes et je me suis rué sur la porte de sortie. J'ai laissé ma pinte à moitié pleine sur le bar.

- Non ?! Mais ce gars c'est du miel !

- Tu n'as pas idée. Quand je suis sorti j'ai regardé partout : à droite, à gauche de la rue, en face. Rien. J'étais dépité. Tu me cherches ? J'entends dans mon dos. Je me retourne il était tapi dans l'ombre, adossé au mur. Tu t'es barré comme ça, j'ai pas eu le temps de te remercier. Je lui sors ça comme si c'était ce qui me préoccupait. Et la le choc : Tu vis dans le quartier ? J'acquiesce. J'habite loin et j'ai encore soif, qu'il me sort, comme ça. Ce petit côté sans gène comme ta sœur ça m'a un peu dérouté. Il n'en avait pas le style. Je l'ai amené chez moi direct. Je n'allais pas refuser. La honte mon appartement. J'avais pas replié le clic clac, mes fringues éparpillées partout : ce matin là le réveil avait été dur, en plus. Mais ça ne l'a pas dérangé. Il a même adoré mon petit truc. Une pièce et la salle de bain. Là ou j'ai grandit on dormait dans la cuisine. Alors ici c'est pas énorme mais c'est chez toi, qu'il m'a dit. J'ai failli lui demander, mais j'ai préféré m'abstenir. Le garçon me paraissait tendu, au sujet de son passé. Je lui ai servi un verre de whisky et suis allé fumer ma clope à la fenêtre. J'ai un petit truc mais j'ai une vue superbe sur les rives de Darnmarw, encadrées par deux bâtiments, mais juste sous mes yeux. Cette cité est toujours dans le brouillard. Mais ça me plaît. C'est comme moi. Pas net. Indéfini. Flou. Je n'ai jamais autant parlé que ce soir là. Une vrai gonzesse. Et lui qui m'observait avec ce regard bienveillant et ce sourire en coin, comme pour dire : T'es craquant. Et la il pose son verre. Et nos regards se croisent encore. Et là je me sens comme un con. J'ai envie de l'embrasser. J'ai envie de le toucher. Caresser sa peau. Bon sang cette peau. Et la il tend la main verre mon torse et commence à tripoter ma larme de Furie. C'est une amulette, une protection contre les pouvoirs des originels et de certaines déités. Je ne sais pas d'ou elle me vient. Alors là je craque et je lui prend sa main et la passe sur mon coup. Il hésitait. Mais c'était sa première fois.

- Pour toi aussi.

- Je me suis mal exprimée. C'est ce que je ressentais qui était nouveau pour moi. J'ai couché avec des bombes : des beaux gosses tout en muscles, souvent honteux d'être ce qu'ils sont. Mais Devon. Devon c'était puissant. C'était la première fois pour lui et il n'avait pas honte de sa différence. C'était bizarre. Il n'était pas attiré par les femmes, mais il paraissait être très ouvert aux relations d'un soir.

- Un vrai paradoxe.

- C'est ça. Tu m'a l'air de vite cerner les gens, depuis que je te connais.

- Ils m'ennuient. On en fait vite le tour. Des clones. Mêmes Réactions, mêmes aspirations. Pas toi par contre. Un vrai sac à mystère. Une espèce de poupée russe avec des œufs de pâques. Merci de te confier. J'ai ce côté curieux assez malsain, je l'avoue.

- J'ai confiance. Et je n'arrive pas cerner pourquoi. Devon aussi j'avais confiance. Quand il m'a embrassé, ça m'a fait l'effet d'un coup de jus. Une explosion dans le ventre. Je m'étais mis a trembler. Les rencontres de ce genre son tellement rares ? Uniques je dirais. J'avais l'impression de fusionner avec une déité. Devon n'en était pas, mais il y avait quelque chose de sombre en lui. Quelque chose de puissant. Et cette peau. Cette nuit j'ai été sa chose. Il m'a fait de ces trucs. Et pourtant, sans me venter, j'ai de l'expérience.

- Une vrai salope je confirme, mon biquet.

- Je sais pas comment je dois le prendre. Ce petit sourire en coin qui me dit : tu es craquant. Me regarde pas comme ça.

- C'était son truc.

- Ce soir là je voulais tellement qu'il reste. Il est resté. Et le jour suivent. Mais pourquoi j'ai fait ça ? Ashaldr, une entité surpuissante, l'âme damnée de Marwolaeth dit-on, a jeté son dévolu sur moi. Personne ne sait s'il est originel ou déité ou pire... Je suppose que la déité des abysses me veut dans sa collection d'âmes torturées. J'ai cramé pas mal de ses démons. Marwoleath n'a pas dû apprécier. Ou peut être qu'elle s'en fout. Ashaldr s'est monté la tête tout seul. C'est bien son style. Ce fourbe s'est métamorphosé pour berner Devon. Enfoiré de maître des ombres. Il l'a poussé à pactiser et ça s'est produit sous mon nez. Je n'ai rien vu venir. Quand j'ai envoyé ce salopard passer le bonjour aux élémentaires, Devon s'est consumé quand Ashaldr est tombé. Je m'en doutais mais, je ne l'ai su que lorsque je suis rentré chez moi. J'ai cru que j'avais shooté dans mon cendrier. Je n'ai pas eu le temps de faire quoi que ce soit. La pièce est devenue glaciale. Et je l'ai vu apparaître devant moi. L'âme maudite de Devon. Son regard était vide. Il ne me voyait plus. Je le savais au font et je l'ai quand même fait. Il erre, aujourd'hui, sur les rives de Darnmarw. Elle est belle ma vue, en effet. Elle est belle ma vue, sur mon désastre. Mon sale boulot, bâclé. Ashaldr, cet enfoiré à trouvé le moyen de sortir du monde d'en bas. Un jour, je te jure, je le brûlerai. Pour toutes ces vie volées. Pour toutes ces âmes déchues. Pour Devon.

Je n'ai rien pu dire. Je l'ai juste pris par la main, pour l'attirer dans mon lit. Pour dormir. Dans mes bras. Qu'il sente pour une fois depuis longtemps, la chaleur humaine.

Je n'ai jamais dis que Connor dessine ? Et bien, Connor dessine et avec talent d'ailleurs.

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