Passons à l'action

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Le Jour J arriva à grands pas P. Parfois le temps passait rapidement. D'autres fois, il se laissait désirer. Mais il finissait toujours par s'écouler. Le dernier soir, incapable de dormir, je me levai et enfilai la jolie petite robe rouge que je portais lors de ma première rencontre avec mon vampire préféré.

Ce sentiment de trou instable dans la poitrine, je ne l'avais que trop expérimenté. Que ce soit après une rupture ou quand ma mère était morte. Je savais qu'il était souvent suivi d'une crise de larmes. Je l'avais souvent vécu auparavant. Mais jamais avec autant d'intensité. Un trou noir dans mon cœur qui s'élargissait avec son absence. Il me manquait. Si terriblement que je ne le supportais plus. Ma gourde de limonade et mon sachet de gâteaux à l'orange sous le bras, je sortis précipitament de mon appartement. J'étais comme en proie à une forte fièvre tropicale. Mes sens décuplés me renvoyaient le froid de l'hiver, les pavés de la route sous mes pieds nus - dans mon empressement, j'avais oublié d'enfiler des chaussures. La pleine lune illuminait la rue, plus que les trois pauvres lampadaires clignotants éparpillés dans le quartier.

Je marchais au hasard des rues, m'arrêtant de temps à autre pour éliminer la neige qui s'était accumulée entre mes orteils. Je frissonais dans ma fine robe tandis que mon esprit tournait en boucle sur Ezra. Je repensais à notre première rencontre et à toutes les autres qui ont suivi, à ses lèvres sur mon cou, sur ma bouche. Ah ça oui, il me manquait ! À cet instant et à tous les autres, plus que n'importe quoi au monde.

C'est seulement à cet instant, alors que les flocons maculaient mes joues rosies que je me rendis compte quand me rendant à la maison à la frontière, je perdrais définitivement Ezra. Je ne comprenais pas comment tout ça avait pu aller aussi loin. Comment avais-je pu partir de l'envie de lui redonner le sourire jusqu'à cette soudaine soif de monter en grade dans une société où je ne connaissais que les quelques aperçus fournis par les Lemmon ? Car c'était bien ça, une soif de grimper les échelons d'une hiérarchie inconnue à mes yeux.

Sans prendre gare, les larmes roulèrent sur mes joues, une source de chaleur bienvenue dans ce froid hivernal. Je n'irais pas dans cette fichu maison. Tant pis pour Willy, le berger et le loueur de robe. Je n'irais pas. Je m'arrêtai enfin, incapable de stopper ce flot de pleurs. Curieuse de savoir où mes pieds engourdis et gelés m'avaient mênée, je levai la tête.

J'en lâchai mes provisions qui s'écroulèrent sur la neige avec un bruit étouffé. Inconsciemment, je m'étais rendue à la demeure d'Ezra, que je connaissais bien pour l'avoir chercher sur Internet. Sa lourde porte sombre et son heurtoir en bronze luisant semblaient m'appeler. Je dirais même qu'une petite voix derrière moi me chuchotait des paroles enchanteresses. Un coup d'œil derrière mon épaule me fit comprendre que j'étais bien seule et que, soit le froid m'avait fait perdre l'esprit, soit ces histoires de vampires et créatures imaginaires m'étaient montées à la tête.

Mes pieds congelés - ils étaient même devenus violets - me portèrent jusqu'en haut des marches et ma main, sans que je ne le lui en ai donné l'ordre, se leva et s'approcha du heurtoir. Je pris soudain conscience de ce que je m'apprêtais à faire. J'allais le revoir, enfin ! Cette pensée m'arracha un sourire douloureux sur mes lèvres gercées. Je donnais un coup franc contre la porte.

Ce fut d'abord le silence qui me répondit pendant un long moment. Ma joie en fut rapidement douchée. Sans doute était-il parti. Où ? Je n'en avais aucune idée - sûrement au cimetière ou dans la cave de Roger, en train de siroter un verre de sang dégivré de bien plus mauvaise qualité que le mien en se demandant où j'avais bien pu passer. Je me rendis soudain compte de la bêtise de mes actions. Comme il l'avait dit, je l'avais trahi. Et une trahison ne se pardonne pas en un claquement de doigt. Il faut du temps pour s'excuser et que l'autre accepte nos piètres explications. Même si je me justifiais en déclarant que j'avais été folle de penser que mettre en péril le bien de son royaume pour le faire sourire un quart de seconde supplémentaire, cela ne me disculpait en rien.

Je m'apprêtais à faire demi-tour lorsque la porte s'entrouvra dans un grincement de film d'horreur. Et avant d'avoir eu le temps de réaliser que mes gâteaux et ma bouteille favoris se trouvaient toujours sur la pelouse enneigée où ils prenaient l'humidité en attendant que quelqu'un ne les rammasse pour les sécher et - accessoirement - les manger, je me retrouvais happée à l'intérieur de la demeure.

Il y faisait chaud, très même. Je frissonais de bonheur avant de me tourner de quelques degrés vers la gauche. C'est là que je me rendis que la porte ne s'était pas ouverte d'elle-même. Il avait fallu qu'une main, humaine ou non, appuie sur la poignée et tire la porte vers elle puis attrape mon avant bras gelé afin de le ramener à l'intérieur pour que je me retrouve ici, en présence du porteur de cette main. Qui n'était autre qu'Ezra.

Je me jettais littéralement sur lui. Et avant que l'un de nous n'ai pu ouvrir la bouche, il enroula ses bras autour de moi. Sa voix frissonna contre mon oreille :

- Tu m'as manquée.

En réponse, je marmonnais en claquant des dents, si puissament que je cru qu'elles allaient se briser, et qu'en les avalant, je m'étoufferais..

- Toi aussi. Tellement.

Il se leva et me prit dans ses bras.

- Tu es gelée.

J'étais maintenant prise de tremblements qui manquèrent de me faire tomber des bras d'Ezra. Mais il me retint et posa délicatement sur un canapé en velours. Il tira plusieurs couvertures sur moi.

- Ezra.

Ma voix était minuscule à côté du bruit de la cheminée ronflante.

- Oui ?

Ses yeux brillants me regardèrent en attente de la prochaine bêtise que j'allais sortir. Car c'est comme ça que je fonctionnais auparavant. Mais j'avais décidé, pour une fois, d'être sérieuse.

- Je suis désolée.

Je n'aurais pas pu être plus sincère. Il hocha la tête et déposa un baiser sur mon front.

- Tu devrais te reposer, déclara-t-il avant de quitter la pièce en fermant la porte après lui.

Le pardon viendra avec le temps.

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