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« Psym ?

- Mmmh ?

- Tu penses qu’on pourrait vivre comme ça pour toujours ? Elle réfléchit.

- Non. Il parut déçu. Mais rien ne nous empêche d’essayer ! Son sourire contamina ses yeux jaunes alors qu’il se tournait vers elle, puis l’embrassa.

- Je t’aime. Murmura-t-il. On éteint ? » Elle approuva d’un hochement de tête. Sous le dôme en toile carbone, ils pouvaient observer les alentours à la lueur de la demi-lune. Seulement ils étaient à peu près sur de ne pas être dérangé par une présence humaine, ils étaient les seuls de leur espèce à des centaines de kilomètres à la ronde. Psym, aussi, était amoureuse, appréciant la seule compagnie du jeune homme avec délectation, le paysage avec ravissement, leur marche avec enthousiasme et endurance. Elle peinait tout de même. Elle sentait en elle que quelque chose clochait et que cela n’avait rien à voir avec ses émotions, ou un mal être psychologique. Pour la première fois de toute sa vie elle se sentait pleinement heureuse et libre. Cette fois cela venait de son corps, quelque chose n’allait pas. Et elle croyait savoir pourquoi : il y avait quelques jours de cela, cela faisait trois ans jour pour jour qu’elle avait conclu le pacte avec Psyban. Elle déglutit péniblement, les bras de son amoureux se resserrèrent autour d’elle. Psym tenta de respirer plus profondément afin de se détendre, de visualiser un espace serein où elle se sentait en sécurité. L’angoisse fut plus forte, elle se trouvait dans cet endroit serein, mis à part la tente en cabane, rien ne lui faisait éprouver plus de bien être que d’être en ces terres hors de la civilisation avec le seul être en qui elle avait une confiance totale et un amour inconditionnel. Ils devaient pourtant retourner à la civilisation, et cela elle le redoutait au plus haut point. Peut-être valait-il mieux mourir ici, avec lui ? Pourquoi pas ? Pourquoi pas l’abandonner seul au milieu de nulle part le cœur brisé ? Elle reprit une profonde respiration pour se détendre… inspirer… expirer…

« Qu’est-ce qu’il se passe dans l’espace ? Demanda-t-il, mi-inquiet, mi-moqueur, la connaissant assez pour vivre et entendre son angoisse quotidienne.

- Nous allons avoir besoin d’aller en ville. Dit-elle le plus neutre possible. Il inspira, cela ne l’enchantait guère non plus.

- Pourquoi ? Elle pensa « parce que je vais mourir bientôt, ou un artiste macabre viendra me tuer pour faire de moi une œuvre morbide ! Je me disais donc qu’on pourrait braquer une pharmacie d’hosto et me laisser mourir lentement dans le désert avec des sandwichs et de la morphine ? ». Elle exprima autre chose.

- Pour nous amuser, voir du monde ! Je commence à tourner en rond sous mon ciboulot et j’aimerai faire une pause ! Mentit-elle avec brio. Il fronça ses épais sourcils, un brin méfiant. Elle accusa le coup. J’ai envie de boire de l’alcool et de manger de la nourriture civilisée ! De taguer quelques murs et de danser devant un concert sauvage !

- C’est vrai que c’était il y un moment notre dernière petite virée ! Un peu d’inconscience en toute conscience ?! » Elle le sentie sourire et blottie son visage dans son cou. Elle se félicita amèrement alors que lui s’endormit quelques minutes plus tard, la jeune femme dut méditer deux longues heures avant de trouver le sommeil. A l’aube ils s’éveillèrent en s’enlaçant, savourant leurs baisers, leurs sourires, leurs caresses. Ils se levèrent, plièrent couvertures, duvets, qu’ils rangèrent, sortirent du dôme avec leurs sacs. Une fois l’abri rangé ils sortirent le réchaud et des provisions pour le petit-déjeuner. L’air était froid et humide sur la colline où ils avaient prit chambre pour la nuit, dans la brume le soleil se levait doucement, les oiseaux chantaient et toute la nature semblait s’étirer lentement de son sommeil au même rythme qu’eux. Elle alluma le réchaud alors qu’il sortait de bol en noix de coco, où il versa des flocons d’avoines, des noisettes, des amandes, des raisins secs. Elle fit chauffer l’eau où elle versa le lait de riz déshydraté. Une fois le lait frémissant elle éteignit le feu, ils attendirent un moment qu’il refroidisse un peu. Ils échangèrent un regard appréciateur lorsque cela fut fait. Il lui donna un bol, qu’elle remplit pour le lui rendre, et prit le second qu’il lui tendait pour se servir à son tour. Ils prirent chacun leur cuillère en bois et dégustèrent leur repas silencieusement, tout en observant le paysage. Les dieux eux-mêmes n’étaient pas plus heureux. La fin du repas rappela à Psym qu’il devait tracer un nouvel itinéraire, que ce dernier devrait les amener en ville, vers les autres humains. Peut-être qu’elle allait droit dans la gueule du loup, et que ce chemin serait son dernier chemin à elle. Elle eut un pincement au cœur alors qu’ils descendaient la colline pour rejoindre un ruisseau en contrebas. Ils lavèrent leur vaisselle, rangèrent tout dans un ordre précis, et une fois les sacs sur leur dos ils prirent la route. Psym adorait ce moment, et pourtant à cet instant, il lui semblait être sur le point de vomir une bile noire de peur. Puis elle le vit sourire et l’espoir refit un peu de feu dans son cœur lourd. Si elle avait toujours eut du mal à croire en elle, jamais elle n’avait doutée de lui, de sa force et de sa détermination, puis plus tard, elle avait prit confiance en son intégrité, en sa loyauté et en sa bienveillance. Elle croyait en elle depuis que ce fait l’avait amené à le retrouver après qu’elle ay cru le perdre à jamais. Un élan qui venait du plus profond de son être l’amenait à se dépasser elle-même depuis qu’elle l’avait rencontré, à sortir de sa zone de confort qu’elle avait installée au plus profond de son être. Il avait tout ébranlé, laissant apparaître le soleil à travers les fissures. Peut-être allaient-ils encore s’en sortir indemne cette fois ? Malgré le pacte, malgré la promesse, l’envie de mourir contre l’envie de vivre. Pourtant elle n’arrivait pas à regretter quoique ce soit, car tout ce qu’elle avait décidé, tout ses choix l’avait faîte rencontrer Psykren, et elle tenait plus que tout à leur histoire, à leur vie ensemble, à toutes leurs aventures, à tout ce qu’ils avaient appris, détruit, battît, construit, grandit aussi. Elle avait pourtant faim de temps, de bien plus de temps. De la vie. Des rires, des larmes, de l’amour, de la baise, de l’ivresse, du désespoir, de la mélancolie, de la nostalgie, de la joie, du bonheur, des heures pleines et des heures vides, un peu de doux dans l’ombre, un peu d’ombre dans le doux, du partage, des foutaises, des éclats et des replis… De la vie. Avec lui. Elle trébucha alors qu’ils s’engageaient dans un bois en direction de l’ouest, vers la ville la plus proche. A peine huit cent kilomètres, entre bois et plateaux rocheux. Ils y seraient en une quinzaine de jours. Psykren vint vers Psymio et lui prit tendrement la main pour l’aider à se relever, leurs yeux se croisèrent et une bouffée d’amour envahit la jeune femme jusqu’à lui embuer le regard. « Tu es beau.

- Tout va bien ? Elle s’en voulait qu’il remarque son émoi.

- Je suis un peu ailleurs…

- C’est quoi la vraie raison de notre voyage Psym ? Elle était bouche bée, et lui presque moqueur. Tu crois quoi ?

- Je crois que j’ai une maladie dans mon con...

- Ah ! Ah. Ok. On y va ? » LE truc pratique est qu’il était si respectueux de leur différence physionomique qu’il ne remettait jamais en question ses ressentis. Elle pourrait peut-être aller à l’hôpital sans lui, s’il trouvait une distraction à la hauteur de son esprit vif. Ils reprirent la route, en silence, se laissant bercer par le rythme de leur pas, communiquant plus aisément par gestes, regards et pensées, à s’entendre à un niveau supérieur, celui de l’esprit et du cœur.

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