Échec 1 - LA FORCE

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La rencontre suivante fut minutieusement organisée.

Un homme battant sa femme et prêt à la tuer. Un meurtrier en puissance qu'il fallait arrêter. Et raisonner.

Le plus dur du travail d'un ange.

Elendriel discutait, argumentait, expliquait...et elle entendit le rire cristallin, habituel de la succube. Cela lui fit lever les yeux au Ciel.

Dieu ! Qu'elle était horripilante !

« Elendriel ! Ange de première classe, chargée des âmes de feu. Nommée au bureau des âmes déchues. Bientôt les ailes du Séraphin ?

- Que veux-tu démone ?, » cracha Elendriel.

Ardat-Lilli apparut et son sourire fut éblouissant.

« Les âmes déchues ! Elles sont dévouées à mon Maître. Bel ange.

- Nulle âme n'est dévouée au Diable.

- Un homme mauvais qui bat sa femme et va la tuer. Regarde-le Elendriel ! Regarde cette engeance du diable et dis-moi le fond de ta pensée ! »

Un homme battant sa femme.

Le voir frapper sans pitié faisait bouillir le sang de l'ange.

Voir sa femme pleurer de douleur en priant pour la pitié était douloureux.

Elendriel était un ange féminin, chargé des âmes de feu, son supérieur était l’archange Azraël. Il travaillait pour le bureau spécialisé dans les âmes déchues.

« Qu’il faut garder la foi ! »

La succube se mit à rire, réellement amusée.

Voir un ange se déplacer était un spectacle magnifique, tout en grâce et en ondulation. Mais voir agir Elendriel était encore plus beau.

L’ange vibrait de colère et de retenue.

Elendriel répétait, les mots de la prière, avec douceur et bienveillance. Là où le démon n’aurait qu’à susurrer quelques conseils malfaisants, l’ange murmurait des paroles d’espérance.

Un bel ange !

Comment sauver une âme déchue ?

Ardat-Lilli observait et apprenait.

La méthode de l’ange, ses paroles apaisantes, ses mouvements d’ailes visant à caresser les contours de l’homme...perdant une part de sa grâce divine pour côtoyer le mortel et l’ignoble.

Pourquoi quitter l’éthéré ? Pourquoi souiller la pureté au contact de l’impur ?

Ardat-Lilli voulait comprendre et ne faisait rien pour déranger le travail de l’ange…

Admirative.

Elendriel virevoltait, une lente danse en levant les mains, priant Dieu de soutenir l’homme violent prêt à commettre un péché mortel.

Troublée.

La longue robe blanche dévoilait des chevilles gracieuses durant la danse de l’ange et ses ailes vaporeuses glissaient dans l’air dans un son si doux.

Excitée.

Un bel ange. Combien de temps faudrait-il à Lilli pour faire gémir ses belles lèvres et prononcer le nom de Dieu en vain ?

Sûre d’elle.

Ardat-Lilli s’approcha, sortit ses ailes de cuir et se mit à psalmodier. Tue-la, tue-la, tue-la… Une belle danse pour elle aussi.

Lascive, énervante, troublante. La danse de Salomé devant Hérode et Hérodiade. Tue-la, tue-la, tue-la…

C’était ainsi qu’elle avait gagné la dernière fois, il suffisait de réitérer la même danse.

Mais Elendriel était une vieille âme. Elle avait connu des démons et des succubes durant des ères et des temps.

Ardat-Lilli avait beau être un vieux démon, de l’époque de Babylone… Elendriel avait connu les débuts des temps.

La chute et la grâce, la perte et la victoire, la Création et la Grande Prostituée… Elle avait vu les peuples s’agenouiller devant des dieux disparus et des trônes tombés dans la poussière.

La dernière fois était un échec. Ce serait le dernier.

Elendriel se prépara au combat.

Elle se tut et cessa de se battre.

Elle se tourna résolument vers la démone et fit apparaître son épée de Lumière. Cela, Lilli ne l’avait pas prévu. Elle arrêta sa danse, elle aussi et son sourire devint plus incertain.

« Tu n’es pas sérieuse ? »

Mais les yeux d’Elendriel se couvrirent d’éclairs et elle leva son épée. Menaçante.

« ARRIÈRE DÉMON ! Cette âme est à moi. »

Ardat-Lilli ne savait plus quoi faire.

Devait-elle rire ou prendre Elendriel au sérieux ?

Elle n’était pas un démon très puissant. Elle pouvait perdre beaucoup à ce jeu-là.

Mais s’il y avait une chose qu’Ardat-Lilli n’était pas, c’était lâche.

Elle fit apparaître son propre glaive de nuit. L’arme de feu sombre, pleine d’ombre et de fumée. Et se mit en garde.

D’un mouvement de sa main, Elendriel, ange du Seigneur, fit tomber le démon. A genoux sur le sol, comme tous ses confrères durant les âges.

« Retourne à ton auge ! Rejeton de l’Enfer ! »

Lilli peinait, coincée sous la lame de l’ange.

Ce soir, elle avait perdu.

Et elle eut la présence d’esprit de l’admettre.

Crachant des imprécations, le démon disparut dans l’éther.

Ce soir, Elendriel remportait son âme et son combat.

Lilli se promit de se venger.

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