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Le changement : passage d’un état à un autre, utilisé dans des domaines divers et variés, à des niveaux divers et variés.

Vous l’aurez deviné, c’est de changement dont va parler notre petite histoire. Et pas de n’importe quels changements, mais de ceux qui bouleversent des vies, et en l’occurrence celles de tous les habitants d’un petit village, village peu banal, car celui-ci n’a pas de nom, personne n’y fait attention et personne ne s’y arrête. Pourtant, un élément perturbateur va venir pointer le bout de son nez, et badaboum le changement prendra place.

Mais commençons par le début, c’est toujours mieux ainsi. Tout commence par…

C'est le vieux Thomas qui remarqua le changement en premier. En effet l’honorable et modeste Thomas, comme il aimait qu’on le nomme, était toujours le premier à voir ce qui allait se produire, et ce pour la bonne et simple raison qu’il avait la profession de Mage-Clairvoyant. C’est ce métier, non rémunéré, qui l’avait aidé à avoir une longue vie, très longue même, six-cents-vingt-sept ans et toutes ses dents, mais bon, rien de remarquable à ça quand on peut voir la moindre chute ou percevoir le muesli le plus croquant avant même d’avoir servi un bol.

Le vieux Thomas se réveilla en sursaut le matin du mardi, car l’irréparable allait se produire le surlendemain et demi, soit l’après-midi du jeudi, et personne au village ne s’en sortirait indemne. Il devait agir et vite. Il s’habilla à la hâte, renonça à son petit déjeuner et sortit en trombe de sa petite maison trop grande pour lui, et courut jusqu’à l’église pour mettre tout le monde au courant de ce qui allait se passer. Arrivé devant le bâtiment, il gravit, une à une les marches car il s’était vu marcher sur un de ses lacets. L’escalier passé, Thomas se félicita pour sa bonne clairvoyance et ouvrit les lourdes portes dans un geste héroïque. Mais, personne n’en fut témoin. Le problème quand on voit à l’avance ce qui va se produire, c’est qu’on ne connait pas la sensation de déjà vu, et qu’on oublie souvent de faire ce qu’on s’est vu faire, et dans ce cas, prévenir les villageois qu’une réunion devait avoir lieu.

Apres avoir refait ses lacets, il dut attendre près d’une heure que tous se regroupent dans l’édifice qui n’avait plus rien de religieux. Quatre-cents ans s’étaient écoulés depuis que la vielle bâtisse avait été pillée par… on n’avait jamais su par qui en fait et la réponse à cette question n’intéressait personne, donc personne n’avait jamais essayé d’y répondre. Depuis cette époque l’église, qui avait gardé le nom d’église, servait de salle du conseil pour le village.

— Mes amis, je vous ai conviés en ce lieu pour vous mettre en garde, l’heure est grave et nous courons à notre perte !

— Moi je n’ai pas envie de courir, du moins pas avec ces chaussures.

Tatie Christina, une sorcière n’exhibant rien de l’équipement de base, pas de chapeau pointu mais de longs cheveux bruns attachés en une grosse natte, scientifiquement arrangée pour paraître naturellement négligée. Pas de robe noire, mais une jolie tunique fleurie par un sortilège, magie faisant, en automne le vêtement devenait uni. Pas de balai, du moins pas à cet instant précis et enfin pas de chat noir, n’y d’aucune autre couleur d’ailleurs. Comme le disait Christina « les chats c’est pour les vieilles mamies ». Elle n’avait même pas encore passé son deuxième siècle, cent-quatre-vingt-huit années d’existence pour être exact, mais elle paraissait avoir moins de trente ans. Si Tatie Christina ne remplissait pas les normes visuelles de sa caste, c’était pour une bonne raison, elle avait remarqué que les chapeaux pointus, robes noires, balais et chats avaient la fâcheuse tendance à faire naître des envies pyromanes chez monsieur et madame tout le monde. Tatie Christi n’était pas fan de « la fête aux allumettes » comme elle l’appelait.

Il faut aussi préciser que les mages et les sorcières, c’est un peu comme les lions et les hippocampes, ça se ressemblent (ils ont le même nombre d’yeux par exemple), et en même temps c’est très différent. De plus, une guerre sans merci les sépare depuis la nuit des temps, tout à fait comme les lions et les hippocampes.

— Ce n’est pas le moment Christina, c’est vraiment affreux ! repris Thomas.

— L’apocalypse ? demanda un homme tout de noir vêtu, assis au fond de la salle.

— Non, pas à ce point, mais pas loin !

— Tu as croisé un miroir, rétorqua Tatie Christina avant d’éclater de rire, un rire de sorcière avec plein de A et aussi beaucoup de H.

— Mais non, mais enfin écoutez au lieu de m’interrompre à chaque virgule. Je l’ai vu ce matin, dans deux jours, cinquante-deux heures pour être précis, une famille va emménager ici.

Le silence tomba.

— Tu veux dire, emménager dans l’église ? demanda l’homme en noir au fond.

— Non, non dans le village.

Le silence qui avait tenté de se relever, retomba encore plus lourdement.

— Ce n’est pas grave, dit Christina, les dernier venus c’étaient qui ? Maggie et Albert, dans les années septante si je me souviens bien. Et quoi, c’est une famille de Loup-Garou très respectable, que nous avons appris à connaitre et à supporter, même les soirs de pleine lune, pas comme certain M-A-G-E.

— Vous ne comprenez pas.

— Bien sûr que oui, on comprend que tu veux pas de nouveaux habitants dans ce havre de paix qu’est notre village, loin de la barbarie des mortels à notre égard.

— C’est ça le problème, ce sont des mortels qui vont venir s’installer ici !

Le silence qui était parvenu à se mettre à genou fut renvoyé au tapis par la terreur qui se jeta sur lui.

— Ouais on a un problème, dit Christina en regardant vers Thomas.

— J’aurais préféré une Apocalypse moi, conclut l’homme en noir.

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