Épisode 24 - La toile de l’Araignée

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— Merde… c’est quoi ce putain de bordel ? balbutia le petit Chat en portant une main légèrement tremblante à son visage.

Du sang d’un rouge sombre, presque noir, s’échappait à flots de son nez. Le cœur au bord des lèvres, Lars se redressa d’un mouvement vif, puis l’attrapa fermement par les épaules.

— Laisse-moi voir, ordonna-t-il en embrasant ses yeux.

Sa voix était calme, presque clinique, alors qu’il examinait le visage de son adorable Chaton, s’attardant sur le sang dont la couleur n’avait rien de normale. Lars distinguait des filaments rouges et brillants qui ondulaient dans le liquide sombre, tels des vers. La bouche désormais sèche, il avança un doigt pour recueillir la substance : elle était épaisse et froide, presque glacée… et pourtant elle s’écoulait avec autant de fluidité que de l’eau.

— Poison, murmura-t-il, tandis que la panique s’emparait insidieusement de lui, craquelant impitoyablement la façade de sang-froid qu’il essayait d’ériger devant le petit Chat.

— Quoi ? Mais comment… ? bredouilla celui-ci, sa question se perdit cependant dans une longue et violente quinte de toux. Lorsqu’il releva à nouveau un regard perdu vers Lars, du sang noir et immonde dégoulinait abondamment de sa bouche.

— Reste assis, murmura Lars, la voix désormais tremblante. Ne t’allonge surtout pas et ne dis plus un mot. Je vais… je vais te soigner, d’accord ?

D’abord, arrêter l’hémorragie, puis purifier son sang de cette… cette chose. Mais quoi exactement ? Lars ne savait même pas de quel poison il s’agissait ! Il n’avait cependant pas le temps de tergiverser, car Leo était en train de… La panique lui enserra la gorge à cette pensée. Face à lui, son adorable Chaton avait désormais le teint crayeux, il continuait de saigner encore et encore. La substance noire cascadait impitoyablement sur son menton et sa poitrine, son haut était désormais poisseux.

Non, non, non ! Lars attrapa son visage à deux mains, ses yeux se transformèrent en deux puits de lumière, tandis que son aura illuminait également le bout de ses doigts.

Om… commença-t-il, mais sa chance choisit cet instant précis pour le laisser en plan.

La porte d’entrée s’effondra soudain sur ses gonds, vomissant un flot d’araignées dans la pièce. Par les cornes méritées de Loki ! Les sales bestioles investirent les lieux, grouillant et recouvrant le sol, les murs et le plafond, tels d’immondes tentures et tapis frémissants.

Elles foncèrent droit sur Lars et le petit Chat, ne laissant aucun doute sur leurs viles intentions. Le magicien eut juste le temps de glisser sur le sol et y apposer ses mains à plat.

Skjold ! cria-t-il et un dôme de lumière les recouvrit au moment précis où la marée d’araignées leur tombait dessus en agitant leurs innombrables pattes velues.

Elles étaient aussi grosses qu’un poing, leurs milliers de petits yeux les fixaient comme un seul homme à travers le dôme. Ils brillaient d’une lueur mauvaise, mais surtout affamée. Et c’est d’ailleurs avec application qu’elles s’attaquèrent au sort de protection. Leurs mandibules claquèrent à l’unisson produisant un étrange bruissement feutré qui donnait la chair de poule. S’ensuivit ensuite une sorte de grésillement des plus inquiétants, tandis que les runes tracées sur le sol se mirent à clignoter, perdant de leur intensité.

Saletés, songea Lars en réalisant qu’elles étaient en train de dévorer son aura, qu’elles s’en nourrissaient avidement dans l’intention de faire complètement disparaître le rempart magique qui les protégeait.

Partagé entre panique et fureur, le magicien tendit les bras de part et d’autre de son corps. Hors de question de finir en dîner pour ces immondices !

Ses paumes s’illuminèrent d’un puissant halo, ses doigts effleurèrent les parois du dôme, envoyant une vague d’énergie dans toute la pièce. L’attaque propulsa les araignées dans les airs au moment où de la glace se formait dans tout l’appartement dans un crissement strident. Elle envahit chaque recoin, engloutissant, figeant et fossilisant toutes les bestioles dont les minuscules billes brillantes continuaient cependant de scintiller sinistrement à travers la glace, leurs mandibules semblaient encore s’agiter. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’elles ne dévorent l’aura de Lars et se libèrent de leur prison gelée.

Mais Lars s’en préoccupera plus tard. A cet instant, toute son attention était focalisée par son petit Chat dont la respiration hachée n’augurait rien de bon. Il attrapa à nouveau son visage entre ses paumes. Son cœur manqua un battement à la vue de son teint désormais cadavérique. Non non non ! Lars murmura le sort de guérison d’une voix étranglée. Son aura se propagea en filaments depuis ses doigts, puis serpenta le long de la peau poisseuse et livide de son Chaton. Elle scintilla un instant avant de disparaître, comme absorbée par la substance visqueuse. Ça ne marchait pas !

Ce foutu sort ne fonctionnait pas ! Un sentiment de rage et d’impuissance submergea Lars alors qu’il canalisait encore plus de magie pour recommencer. Ses mains s’embrasèrent, mais elles tremblaient pitoyablement. Concentration, concentration… Leo… son adorable Chaton ne mourrait pas ce soir, Lars ne permettrait jamais qu’une telle chose arrive !

— Comme c’est mignon. Lars Strøm qui essaie désespérément de sauver son gigolo du jour. Fais-toi une raison, chéri. Ce pauvre garçon va crever. Et tu ne pourras rien y faire.

La “mère” de toutes ces horribles araignées se manifestait enfin ! Lars leva un regard empli de fureur au moment où elle passait le seuil de la porte, une expression de triomphe sur sa tête de garce, tandis que ses longs dards dégoulinant de poison se balançaient joyeusement dans son dos, tels des serpents. Qu’est-ce qu’une foutue lilim faisait ici ?!

De toute façon, peu importe. Elle allait payer pour avoir osé empoisonner son petit Chat !

Ses innombrables yeux sombres brillaient d’ailleurs d’une joie perverse lorsqu’ils se posèrent sur le gamin complètement en sang, achevant de plonger Lars dans une colère noire. Il bondit sur ses pieds, mains tendues devant lui et lança les hostilités sans autre forme de procès. Cette garce allait mourir dans d’atroces souffrances.

Ysstør ! cria-t-il avec hargne et le cercle de lumière devant ses paumes projeta de longs pics de glace sur son adversaire, ils foncèrent vers elle dans un sifflement infernal.

Avec un petit sourire supérieur, cette dernière se pencha légèrement en avant et souffla en arc de cercle autour d’elle, créant une brume rougeâtre qui fit instantanément fondre son attaque. Mais Lars n’avait pas dit son dernier mot. Il balaya l’air d’une main et la flaque aux pieds de la Lilim se solidifia, puis remonta vicieusement le long de sa longue et ridicule robe froufroutante. Au même moment, des lianes de glace surgirent du sol, claquèrent férocement dans l’air, puis fondirent sur elle dans l’intention de la transpercer de toute part.

Lars n’avait pas de temps à perdre. Leo ne tiendrait pas longtemps…

Malheureusement pour lui, l’autre ne comptait pas lâcher l’affaire si facilement.

Akavich, chantonna-t-elle en plantant la pointe de ses dards dans la glace à ses pieds, injectant son aura rougeoyante dans la surface lisse.

Cette dernière se craquela, puis explosa en mille morceaux, vomissant de nouvelles araignées dévoreuses de magie, encore plus immondes que leurs prédécesseurs. Elles étaient plus petites, mais se mouvaient avec plus d’intelligence et de rapidité. Inutile d’être un génie pour comprendre que cette nouvelle vague de bestioles était beaucoup plus tenace, redoutable… mais surtout encore plus mortelle.

Décidément, les démons de Dante étaient pires que des cafards ! songea le magicien alors que les araignées interceptaient ses lianes de glace pour les dévorer férocement. Les autres se ruèrent droit vers lui avec une avidité effrayante, évitant facilement ses attaques. Zut ! Si seulement il pouvait geler tout le salon pour les neutraliser. Mais c’était beaucoup trop risqué pour Leo. Son adorable petit Chat ne survivrait pas au froid…

Par les Dieux, il devait à tout prix atteindre la Mère de toutes ces saletés ! Il avait juste besoin de la toucher… Mais elle restait hors de portée, protégée par son aura empoisonnée et ses horribles progénitures qui grouillaient à ses pieds. Dégoûtant.

Consciente d’avoir l’avantage, la maudite veuve noire en carton le toisa avec ironie et condescendance au moment où ses araignées lui tombèrent dessus en claquant férocement des mandibules. Mais alors que Lars se tenait prêt à les recevoir, elles l’ignorèrent soudain royalement pour continuer leur route…

Son sang ne fit qu’un tour dans ses veines lorsqu’il comprit leurs perfides intentions. Non non non ! Elles fonçaient droit sur le petit Chat, à moitié évanoui derrière lui !

— Même pas en rêves ! rugit Lars en se retournant, les yeux embrasés par la magie et la fureur. Yskjold !

Un dôme de glace se forma autour de Leo, la surface se hérissa de minuscules pointes tranchantes, empalant directement les araignées. La satisfaction et le soulagement de Lars ne furent cependant que de courte durée, car ces quelques secondes d’inattention signèrent sa perte. La lilim en profita pour l’attaquer en traître.

L’un de ses dards s’enroula autour du cou de Lars, puis le souleva dans les airs, telle une vulgaire poupée de chiffon. Le magicien n’eut pas le temps de réagir qu’il se retrouva projeté à l’autre bout de la pièce. Son dos heurta le mur dans un craquement sinistre, lui coupant le souffle. Il s’affala ensuite au sol dans un gémissement peu glorieux.

L’autre lui tomba dessus, peu encline à lui permettre de reprendre ses esprits. Lars entendit plus qu’il ne vit son nouvel assaut venir et eut juste le temps de se redresser et d’ériger un bouclier devant lui. Il se brisa cependant aussi facilement qu’une vitre et la seconde suivante, la pointe acérée d’un crochet transperçait la paume tendue de Lars.

Le dard laboura violemment sa chair, envoyant des giclées de sang et de poison partout. Des gouttelettes s’écrasèrent sur sa peau, c’était brûlant et douloureux. Sa main crucifiée lui faisait un mal de chien. La plaie palpitait furieusement, la souffrance pulsait au rythme des battements de son cœur. C’était tout simplement atroce.

Lars secoua la tête dans une pitoyable tentative de se reprendre. Mieux valait se concentrer sur le bon côté des choses. Il avait enfin une ouverture pour l’attaquer sans risquer de blesser Leo… Il pouvait enfin la tuer !

Je te tiens, songea-t-il en refermant son poing sur le crochet. Il ouvrit la bouche pour lancer un sort, mais ce fut un geyser de sang noir et visqueux qui en sortit. Cette maudite garce l’avait bien évidemment empoisonné. Mais Lars n’avait pas prévu que le venin agirait aussi vite. Par les Dieux ! Mais pourquoi ? POURQUOI ?!

Ma… Maku… Makule… balbutia-t-il, mais impossible d’aller plus loin.

Sa tête pesait déjà lourdement sur ses épaules, son corps s’engourdissait rapidement à mesure que le venin se propageait sournoisement dans ses veines. Il avait la terrible sensation que son cerveau se liquéfiait dans son crâne et s’écoulait abondamment de sa bouche et de son nez… c’était écoeurant. Ses genoux s’effondrèrent au sol sans même qu’il s’en rende compte. Mais son poing restait désespérément serré autour du dard toujours enfoncé dans sa chair.

S’il pouvait juste… lancer ce foutu sort… Les dents serrées, Lars leva difficilement le regard vers cette maudite veuve noire en carton. Le dominant de toute sa taille, celle-ci exultait d’une joie mauvaise. Elle se pencha vers lui, la bouche étirée en un large sourire sadique.

— L’effet est vraiment rapide, je sais, lui susurra-t-elle à l’oreille. Ne fais pas cette tête, voyons. Après tout, tu es Lars Strøm, un enfant du Chaos. Je me suis dis que tu mérites mon venin le plus précieux et le plus puissant… Même si franchement, maintenant que je suis face à toi, je suis sceptique… et terriblement déçue. Ta beauté et ta puissance sont légendaires. Et pourtant, non seulement je ne te trouve pas aussi magnifique que cela, mais en plus, tu es pitoyablement faible… Je ne pensais pas que ce serait si facile de t’avoir. Qu’il suffirait juste de m’en prendre à ce petit humain… Pathétique.

Tout en parlant, elle s’amusait à enfoncer davantage son crochet acéré et dégoulinant de poison dans la paume de Lars. La plaie béante se mit à palpiter, envoyant des décharges de souffrance le long de son bras, puis dans tout son corps. C’était insoutenable. Lars se mordit la lèvre jusqu’à sang pour ne pas hurler. Ne surtout pas céder à la douleur et encore moins à la panique. Il devait rester concentré. Mais plus facile à dire qu’à faire !

Respire, Lars, respire, s’invectiva-t-il mentalement en essayant d’inspirer longuement. Grave erreur. Il s’étouffa dans son propre sang et fut pris d’une horrible quinte de toux qui le secoua tout entier. Et pendant ce temps, l’autre garce continuait de jacasser.

Mais Lars n’écoutait plus, toutes ses pensées s’étaient égarées vers son petit Chat. De là où il était, il n’arrivait pas à le voir. Il n’entendait plus sa respiration sifflante, ne ressentait plus sa présence. Comme s’il était… Son cœur se souleva à cette simple pensée.

Lars mourrait d’envie d’écarter l’immonde araignée pour pouvoir le voir, s’assurer que Leo allait bien. Qu’il était encore… Mais il ne pouvait pas. Il ne devait surtout pas se détourner de son adversaire et encore moins la lâcher. Il lui restait une chance de la tuer et de sauver son petit Chat. S’il pouvait juste prononcer ce maudit sort… mais son cerveau et son corps restaient désespérément engourdis et sa magie… Lars avait la terrifiante impression que son aura se désagrégeait à mesure que le venin se propageait dans ses veines.

— Ørjan m’a expressément demandé de tuer le joli garçon, continuait de radoter la Lilim, la voix toujours aussi dégoulinante de joie. Il a insisté pour une mort lente et douloureuse, mais surtout, il voulait que le gigolo meurt dans tes bras. Pour que tu culpabilises bien et tout… Je ne sais pas ce que tu lui as fait, mais il te déteste tellement ! C’est fascinant de voir comment ses yeux brillent de rage et de haine quand il parle de toi…

Elle s’interrompit pour ricaner un peu, pendant que Lars essayait de rassembler ses esprits et canaliser sa magie. En vain. La douleur n’aidait pas, sans parler de l’autre et sa voix de crécerelle qui avait repris son horripilant monologue. Mais faites-la taire, bon sang !

— Ørjan m’a aussi ordonné de ne pas te tuer. Mais Ørjan n’est pas mon maître après tout. Franchement, le grand Lars Strøm à ma merci… Ah la la, il faudrait être fou pour ne pas en profiter, n’est ce pas ? Donc… je suis navrée, petit magicien, mais tu vas mourir. J'enverrai ensuite ta tête à Cédès, histoire de lui rappeler où est sa place à cette petite…

Un coup de feu explosa soudain dans la pièce, coupant court à ses blablas au grand soulagement de Lars qui n’en pouvait plus de son horrible voix. Elle se perdit d’ailleurs dans d’écoeurants borborygmes, alors que la gorge de la Lilim n’était plus qu’un trou béant. Du sang giclait partout, éclaboussant les cheveux et le visage de Lars.

Mais celui-ci n’avait pas la tête à se plaindre, son cœur fit un énorme bond dans sa poitrine à la vue de son adorable petit Chat toujours vivant !

A genoux sur le sol, il pointait un pistolet fumant sur leur adversaire. Son visage était noir de sang, son torse se soulevait rapidement. Malgré tout, son regard brillait de cette lueur féroce que Lars connaissait désormais si bien. Mais sa combativité ne dura qu’un court instant, car il s’effondra soudain, tel un pantin désarticulé.

Il n’en fallut pas plus pour que Lars reprenne enfin ses esprits. Occultant la douleur, il resserra sa prise sur le crochet mortel toujours enfoncé dans son poing serré, puis hurla enfin ce foutu sort avant que l’autre ne se régénère.

MAKULERE ! rugit-il et sa paume ensanglantée s’embrasa d’un puissant halo violet.

La lumière se changea en glace qui remonta rapidement le long du dard. Comme dans une scène au ralenti, elle recouvrit le corps de son ennemie pour la transformer en statue immaculée dans un crissement strident. Lars leva la tête pour la regarder droit dans ses innombrables yeux au moment de donner le coup de grâce.

Esquissant un petit rictus haineux, il tendit sa main encore valide devant lui et la referma comme s’il broyait quelque chose dans sa paume. En réponse à sa volonté, la Lilim de glace se fissura puis explosa en mille morceaux. Les blocs de chair glacée s’envolèrent aux quatre coins de la pièce dans un spectacle des plus écoeurants. Ils disparurent ensuite dans des volutes de fumée rouge, ainsi que toutes les araignées autour d’eux.

C’était fini. Ou presque.

Le petit Chat gisait désormais au sol et Lars rampa plus qu’il ne se précipita vers son corps immobile. Il se pencha pour vérifier son état. Le gamin avait perdu connaissance. Il ne saignait plus, respirait encore, mais à peine. Sa vie ne tenait plus qu’à un fil.

— Leo… reste avec moi, d’accord ? murmura Lars en apposant ses mains sur son torse.

Occultant la douleur qui tenaillait son propre corps, il tenta à nouveau Omsorg, mais rien ne se produisit pour son plus grand malheur. Il avait l’atroce sensation que sa magie s’en allait, tel un parfum dispersé par le vent. C’était terrifiant.

— Fenris, appela-t-il d’une petite voix suppliante.

Au diable la dignité ! La simple idée que son adorable Chaton meurt était insoutenable. Lars se sentait prêt à tout pour le garder en vie. Mais seul un faible glapissement dans un coin de sa tête lui répondit. Fenris ne pouvait rien pour lui. Ce maudit poison était en train de siphonner sa magie ! Même le Chaos ne semblait pas faire le poids. Lars le sentait qui se retirait, se repliait au plus profond de lui pour échapper au venin. Pathétique.

Très bien, si c’était comme ça. Plan B.

Dans des gestes maladroits, Lars sortit son étui à cigarettes et y récupéra celle parcourue de longs filaments violets. Il la contempla un court instant avant de la ficher entre ses lèvres avec une certaine difficulté, tant ses mains tremblaient.

Une seule bouffée. C’était tout ce que cette tige pouvait lui offrir. Une seule et unique bouffée pour lui… ou pour Leo. Son petit Chat… si irritant, mais en même temps si adorable ! Il ne devait surtout pas mourir. Lars ne permettrait jamais que cela arrive.

Le magicien réussit à allumer la cigarette d’un claquement de doigts, puis aspira une longue bouffée sans tergiverser, embrasant la tige d’une intense lumière violine. Un immense flot d’aura se déversa aussitôt en lui, illuminant ses yeux et tout son être. Aucune sensation d’euphorie ne vint cependant le happer, tant l’angoisse lui enserrait la gorge. Les gestes et les mains toujours aussi tremblants, Lars se pencha vers Leo, puis saisit son visage entre ses paumes avec beaucoup de douceur. Il nettoya maladroitement tout le sang avec un mouchoir trouvé dans sa poche. Sa peau était désespérément glacée…

Faites qu’il ne soit pas trop tard…

Omsorg, murmura-t-il en s’emparant vivement de ses lèvres.

Il évita soigneusement de s’attarder sur le côté quelque peu… pervers de son geste. Non, il n’était pas en train d’embrasser passionnément le petit Chat alors que celui-ci était inconscient. Il essayait juste de lui sauver la vie ! Au vu de l’urgence de la situation, Lars n’avait pas trouvé mieux pour lui insuffler directement toute la magie que venait de lui apporter sa cigarette.

N’ayant encore jamais essayé une telle chose sur un être vivant, Lars espérait de tout coeur que ce n’était pas sa “brillante” idée qui allait tuer Leo. Pour son plus grand soulagement, son aura se répandit dans tout le corps de ce dernier sans le désintégrer ou pire, le faire exploser. Elle envahit chaque recoin de son être, traquant et annihilant chaque goutte de ce maudit venin qui le ravageait de l’intérieur.

Mais ce n’était pas encore assez pour le soigner complètement. Il en fallait plus. Beaucoup plus. Et Lars réitéra son sort expérimental, soufflant encore plus d’aura directement dans la bouche de son adorable Chaton. Ce dernier reprenait peu à peu des couleurs alors que l’aura éliminait le poison de son corps, guérissait ses blessures internes. Mais Lars, lui, sombrait de seconde en seconde. Il sentait ses dernières forces le quitter à mesure que son aura s’en allait vers le petit Chat. Et pendant ce temps, le venin de la Lilim continuait son œuvre, s’acharnant impitoyablement contre sa magie, traquant le Chaos.

Ce dernier grondait, gémissait en lui. Fenris hurlait dans un coin de sa tête. Tout son être n’était plus que souffrance, la douleur le transperçait de toute part. L’impuissance et la terreur l’enserraient comme un étau. Et puis Lars perdit soudain le contrôle.

Il tomba. Chuta. Se sentit aspiré dans le vide. Il fut soudain jeté, plongé dans un maelstrom de rage et de culpabilité qui ne lui appartenait pas. Des hurlements explosèrent soudain en écho autour de lui, appelant “Maman ! Maman !” avec l’énergie du désespoir. Et puis de nouveau cette culpabilité qui n’était pas la sienne. Elle l’écrasait avec une force dévastatrice, lui arrachant un glapissement de douleur. C’était atroce, insoutenable.

La respiration haletante, le corps inondé de sueur froide, Lars se prit la tête entre les mains dans une tentative désespérée de reprendre le contrôle. En vain. Les émotions étrangères le broyèrent avec encore plus de hargne, les cris résonnèrent directement dans son crâne douloureux.

Maman !

Non, assez !

Maman !

Pitié…

MAMAN !

Stop ! STOP !

Dans un ultime sursaut de magie, Lars réussit à s’éjecter de cet enfer. Mais ce fut le coup de grâce. Il s’écroula sur le sol humide et glacial en gémissant pitoyablement.

Puis ce fut le néant.

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