La gamelle

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Un bruit métallique le fit sursauter. Il ne savait pas combien de temps il était resté adossé aux barreaux à contempler cet abîme sans fin de questions, mais l'arrivée d'un garde le ramena brutalement à la seule réalité dont il disposait pour le moment. Il le regarda approcher sans rien dire, détaillant son accoutrement d'un autre âge. Cet homme semblait tout droit sorti d'un film de cape et d'épée, tout comme les autres personnes qu'il avait vues jusque là d'ailleurs. Il l'aurait trouvé ridicule si son air peu commode ne mettait pas un accent de terrifiante vérité à cette situation, en accord avec l'aspect lugubre de l'endroit.

Il s'était écarté des barreaux instinctivement, avant que le garde ne les atteigne pour laisser une cruche et une écuelle par terre. Était-ce la peur qui lui nouait l'estomac, ou bien une faim soudaine à la vue de la nourriture qu'on lui apportait ? Et qu'est-ce qui figeait ses membres et clouait sa langue ? En voyant le garde repartir sans avoir donné aucune nouvelle, Frédéric lutta contre sa soudaine angoisse. Il ne pouvait pas rester dans l'ignorance sur ce qui l'attendait. Il parvint à faire un pas et à ouvrir la bouche pour parler :

« Attendez ! Combien de temps allez-vous me garder ici ? »

Le garde était arrivé à la porte. Il se retourna et le toisa du haut des marches, lui faisant immédiatement regretter d'avoir osé parler.

« Si tu es pressé d'en finir, tu n'as qu'à avouer ton crime. »

Cette réponse lui glaça le sang et le laissa sans voix quelques instants, avant qu'il ne se reprenne au moment où l'autre allait passer la porte.

« Mais je n'ai rien fait ! »

Pour son cri d'innocence, il n'eut droit qu'à un haussement d'épaules avant que la porte ne se referme.

Il fixa la porte un moment, hébété. Il ne pouvait pas croire ce que cet homme avait laissé entendre, c'était absurde. Ils seraient bien forcés de reconnaître leur erreur et il serait relâché. Il ne pouvait en être autrement.

En fait le garde avait sans doute juste voulu lui faire peur pour s'amuser à ses dépends. Tout cela ne devait être qu'une mauvaise plaisanterie. Mais ses efforts pour s'en persuader ne calmèrent pas son angoisse, c'était plutôt le contraire. Sa peur avait pris corps.

Il prit plusieurs inspirations profondes pour se calmer, puis reporta son attention sur ce qui devait être son repas. Ce n'était vraiment pas grand chose, et pas très appétissant en plus, mais il se força à manger quand même. D'abord parce qu'il avait faim et qu'il ne savait pas quand on lui apporterait sa prochaine ration. Ensuite parce qu'il n'aurait pas le courage d'affronter le garde à nouveau pour réclamer autre chose.

Il n'était pas très commode de manger à travers les barreaux, mais il n'avait pas trouvé moyen de faire passer la gamelle de l'autre côté sans tout renverser. Boire l'eau à même la cruche à travers les barreaux s'avéra encore plus délicat.

Pas vraiment rassasié par le gruau insipide agrémenté de pain sec qu'il avait fait passer avec une eau douteuse, il se sentait aussi mal qu'on puisse l'être en pareille situation. Plus que la faim, c'était le désespoir qu'il commençait à ressentir.

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