Chapitre 11 : Nouveau plan

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A l'origine, la suite du plan se déroulait ainsi : une fois le Darwin en orbite autour de Meg 15, la première étape consistait à étudier son climat. Cela permettait du même temps de quantifier les ressources nécessaires à la survie de l'homme sur place, et de localiser un site adéquat pour s'installer. Pour cette mission, une trentaine de robots d'exploration avaient été conçus. Stockés dans des capsules de lancement attitrées, ces engins étaient de véritables bijoux. Infatigables et autonomes, ces machines pouvaient arpenter une planète entière en analysant tout sur leur passage. Cette petite armée comptait dix-huit sondes atmosphériques, vingt rovers terrestres de tailles et formes variées, et cinq petites sondes aquatiques, tous rechargeables à l'énergie solaire. Largués à la surface de Meg 15, ils transmettaient chaque découverte à l'ordinateur central du vaisseau.

Une fois les informations nécessaires récoltées, une procédure d'atterrissage pouvait enfin commencer. Par expérience, poser un mastodonte de métal comme le Darwin était une opération impossible, du moins sans aide. Heureusement, les ingénieurs avaient pensé à tout. Conçus pour minimiser le danger, les vaisseaux de classe Titan disposaient d'une structure divisible. En effet, l'appareil était en réalité plusieurs segments imbriqués. L'habitacle de l'explorateur et les espaces vitaux constituaient à eux seuls un module pilotable indépendant : le module-maison. Aux commandes de celui-ci, Matthew n’avait qu'à se séparer du reste de l'engin, puis descendre sur la planète. De son côté, l'autre morceau du Darwin restait en orbite, continuant ses études comme satellite depuis l'espace.

Voilà comment les choses passeraient si Meg 15 n’était pas une planète-océan. Cette version de SysMeg n'étant plus valide, Matthew a repensé une partie des tâches. Son travail acharné lui a permis de redonner du souffle à la mission.

Tandis que le Darwin traverse le dernier million de kilomètres le séparant de sa cible, l'explorateur peaufine avec Litz les derniers détails. Assis devant son repas en sachets, l'homme suit sur l'écran du réfectoire les opérations à venir.

« Bien, je résume avec toi une dernière fois. Lorsque nous serons en orbite proche de Meg 15, à environ quatre mille kilomètres d'altitude, nous couperons les moteurs et suivrons le plan initial. A une différence près : nous n'enverrons en reconnaissance que les ballons-sondes dans son atmosphère. Les autres robots restent ici en attendant que plus d'élément nous parviennent. Nous les avons vérifiés, ils sont tous opérationnels.

-Affirmatif.

- Les rovers terrestres sont inutilisables dans les océans. Mais leurs pièces sont similaires à celles des sondes sous-marines. Avec un peu de chance et beaucoup de bricolage, je pourrai peut-être leur trouver une utilité un jour... Bref. Les ballons-sondes vont suivre des itinéraires équidistants tout autour du globe et rapporter les données climatiques : météo, températures, composition de l'air. Du même temps ils traceront une carte de la planète. Là deux possibilités. »

Il marque une pause et prend une bouchée de son repas décongelé.

« Scénario numéro un, les sondes localisent une terre émergée à la surface de Meg 15. Dans ce cas nous appliquons le déroulement normal de la mission. On envoie une sonde terrestre quadriller le site et on s'y pose avec le module-maison si tout va bien.

Scénario numéro deux, on ne trouve pas de terre émergée. Dans ce cas on applique notre solution de secours. J'amène le Darwin à la limite de la haute atmosphère pour créer une station d'étude spatiale. On réaménagera le vaisseau de fond en comble pour continuer les travaux en stationnaire. Depuis celle-ci nous lancerons tous nos projets d'acclimatation. Les ballons-sondes seront nos opérateurs en surface. »

Les projets d'acclimatation correspondent à tous les travaux qui consistent à créer un environnement favorable à l'Homme sur une planète sauvage. Leur objectif : introduire des sources de vivres durables. Pour la nourriture, l'équipement de terraformation du vaisseau dispose notamment d'une collection infinie de minéraux et engrais, de quoi rendre fertile n'importe quel sol inhospitalier. Issue de l'ingénierie génétique de la Fédération, une panoplie de centaines d'espèces de graines végétales assure également une culture de potagers productifs et riches. Ces plantes connaissent peu de contraintes de température, peuvent survivre aux climats les plus rudes, et prolifèrent à grande vitesse dans des conditions très favorables. Sans possibilité d'avoir une terre sur Meg 15, Matthew songe à recycler une partie des espaces du Darwin en jardins de culture. Les plus grands hangars deviendraient des serres, lui garantissant de la nourriture pendant toute une vie. La plupart des machines de propulsion deviendraient inutiles, toute l'énergie serait alors utilisée pour rendre la station la plus confortable possible.

Le Darwin, une maison flottante au-dessus des nuages. Une solution détournée, mais optimale au vue des conditions. Pour le moment, elle le satisfait, malgré un sentiment de déception persistant. En effet, même s'il parvient à transformer le Darwin en station spatiale, jamais il ne pourra aller au bout de la mission attendue. Il y avait tant de chose à faire qu'une seule vie suffisait à peine. Rendre une planète habitable demandait beaucoup de labeur. Tout honneur se mérite. Mais sans terre, la plupart de ses travaux s'effondrent. Il se demande ce qu'il pourra bien envoyer à la Fédération dans quelques années. Où en sera-t-il ? Probable que la folie l'emportera avant. Ce songe l'angoisse. Matthew respire à fond... Il prie de trouver une terre où se poser.

« J'ai déjà plusieurs idées que l'on pourra mettre en œuvre. Même si ce n'est pas ce qui était prévu, on pourra peut-être s'en sortir comme ça. Tant qu'on travaille ensemble Litz.

-Tant que ce vaisseau sera entier, je serai là, rassure l'ordinateur.

-Bien, je crois donc que nous sommes au point. Préviens-moi lorsque nous serons arrivés.

-Affirmatif, nous n'en n'avons plus pour très longtemps.

-Je vais dormir un peu, n'hésite pas à me réveiller.

-Très bien, je note. »

Quelques heures plus tard, le Darwin atteint l'orbite prévue. Extirpant Matthew de son sommeil, Litz fait rugir une musique tonique dans les haut-parleurs. L'explorateur s'écroule sur le sol en grognant.

« -Oh par tous les astres !

-Nous sommes arrivés Matthew, Meg 15 est juste devant nous. »

A ces mots, l'homme oublie son réveil douloureux. Il se relève droit comme un piquet puis accours à la salle des commandes à toute vitesse. Telle une comète, aucun mur ne l'arrêterait dans l'univers.

« -On y est ! On y est, répète-t-il ! »

Enfin sonne la fin de cette odyssée interminable ! Jamais explorateur n'est allé aussi près d'un monde aussi lointain ! Même s'il n'entre pas dans la légende, son exploit s'inscrit au moins dans les records de l'humanité. A présent, Matthew ressent un grand soulagement : il réalise qu'il a survécu au trajet. Une chance pour ainsi dire. Des problèmes comme l'incendie auraient pu très mal tourner. Pour sûr, le sors a été en sa faveur. Même durant son sommeil dans le caisson de cryogénisation, toutes les ressources ont tenu le voyage, eau comme nourriture. Il est en bonne santé, le vaisseau l'a amené jusqu'à Meg 15. Tout a marché à merveille !

« Je te remercie Litz, on a réussi ensemble.

-Je ne suis que l'ordinateur de bord Matthew.

-Félicitation à nous ! Cette victoire t'appartient aussi Eva... »

Devant les tableaux de contrôle, l'explorateur découvre la vue magnifique qui s'étend au-delà du vaisseau. Sûrement le plus beau panorama que ses yeux n'aient jamais admiré. Le Darwin n'est plus qu'un grain minuscule. Un bout de métal attiré par la lumière de l'immense Meg 15, si proche. La vitre d'observation est coupée en deux. Sur la gauche, le noir froid de l'espace, profond et pur. L'étendue vide que Matthew a parcourue toutes ses années, le symbole de son sillage, de son passé. Et sur la droite, de la couleur, de la vraie couleur ! Voilà une éternité qu'il n'en a pas vue d'aussi vive. Meg 15 est un océan de vert-bleuté courant jusqu'à l'horizon. Parfois émeraude, parfois saphir, la planète est d'une majesté à couper le souffle. Son atmosphère crée un halo autour de sa surface. Les rayons de Meg Alpha viennent se refléter à l'intérieur. Litz a confirmé qu'il existait une couche brumeuse dans ses plus hautes altitudes. Elle est à présent certaine qu'il s'agit bien d'ozone en forte concentration. Cette nappe cache des mers infinies qui se déchaînent en-dessous. Les orages semblent d'ailleurs fréquents. D'ici, quelques nuages blancs parviennent à pointer leurs sommets. Leurs masses denses ressemblent à des colonnes de coton. Des détails qu'aucun télescope n'a pu observer jusque-là. Ce monde se tient face à son visiteur, plus impressionnant que jamais. Emerveillé, Matthew se laisse transporter. Certes, ce n'est pas la première fois qu'il voit une planète depuis l'orbite, mais pour la première fois, le spectacle fait vibrer son âme. Il vit l’instant.

« Salut Meg 15. Enfin nous sommes réunis... »

Après tout ce que cette planète a bouleversé dans sa vie, il s'attendrait presque à ce qu'elle le salue en retour. Cette terre est à lui maintenant.

«-Matthew, nous allons sortir de l'orbite prévue, alerte Litz.

-Oh ... Oui pardon. »

Saisissant les commandes des propulseurs, Matthew coupe toute la poussée arrière et stabilise avec les réacteurs avant la position du vaisseau. Ensuite, il arrête les machines. Seule la gravité de Meg 15 déplace désormais le navire. Le Darwin est officiellement en orbite, à trois mille kilomètres de sa surface.

« -Etat stationnaire réalisé avec succès. L'appareil est stabilisé.

-Litz ?

-Oui Matthew ?

-Musique ! »

Sans plus attendre, l'explorateur met son plan à exécution. Se tournant vers le panneau de contrôle des capsules de lancement, il active les sondes atmosphériques.

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