Chapitre 33- De retour à la maison

8 minutes de lecture

01/10/1944

Mon bien-aimé,

Aujourd’hui, j’ai eu la permission de rentrer à Besançon. Vous n’imaginez pas la joie que j’ai éprouvé lorsqu’on m’a annoncé ça ! Je voulais sauter de joie, mais au lieu de ça, je suis tombé de mon lit en étant très ému de rentrer à la maison. L’air du Jura me manquait tellement, vous ne l’imaginez pas. J’avais qu’une seule envie, c’était de retourner au monastère pour célébrer une messe ! Vous m’avez aussi tellement manqué mon bel Amour… J’ai si hâte ! Je suis surexcité de vous revoir et de vous prier comme au bon vieux temps. Lorsque nous avions déposé quelques affaires dans la voiture, je revins dans mes mains, le fusil que j’avais laissé de côté. Le chauffeur avait insisté pour que je monte, mais je fixais l’arme en la donnant à une sœur. C’était fini cette histoire avec tous ces coups de canons. Maintenant, l’heure était venue de prier pour que cette guerre cesse. Je vous avais confié très fortement Joseph, Vincent et Jérémy qui étaient retournés avec bravoure dans les fronts. Pourvu qu’ils n’aient rien de grave… Pendant tout le long du voyage, je n’arrêtais pas de penser à votre croix. Même quand je fermais les yeux, je vous voyais en train de m’attendre, le cœur grand ouvert.

Une larme d’émotion avait coulé lorsque j’avais revu mes frères. Un moine avait joué l’angélus avec les cloches pour avertir ma présence. Ils avaient tous couru pour me souhaiter la bienvenue. Le père Théophane avait les larmes aux yeux, lorsqu’il m’avait dit « bienvenue à la maison, mon fils ». Je l’avais remercié lorsqu’un moine avait confirmé que je devais à tout prix changer de tenue. Il y en avait un qui m’avait conseillé de m’asseoir dans le fauteuil roulant, tandis qu’un autre tenait mes bagages et un autre mes prothèses. J’avais rit en les voyant se chamailler pour prendre mes prothèses. Ô mon bel amour, votre présence m’avait tellement manqué… Votre maison aussi.

Lorsque je m’étais rendu à la salle à manger, j’avais vu un gros festin que les moines avaient préparé. J’avais souri et frère Philémon m’avait fait avancer jusqu’à ma table. Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas dégusté un bon repas… Quand je vous disais que tout m’avait manqué, c’était vraiment tout, même la présence charnelle de mes frères. Puis, je m’étais rappelé combien les soldats souffraient de faim et combien l’amitié de Vincent, Joseph et Jérémy m’avaient été d’une aide précieuse. Malgré le fait que ce soit des hommes du monde extérieur, ils étaient tout de même très attachants et fautifs pour leurs péchés, comme nous tous… Pourvu qu’ils restent forts et courageux mon doux Jésus, je prie tellement pour eux chaque jour en récitant le rosaire.

Pour me rendre encore plus heureux, les moines m’avaient demandé si je désirais célébrer la messe du dimanche. Je m’en étais aussitôt réjouis en renversant sans faire exprès de l’eau sur ma belle tunique blanche. Ils en avaient tous rit.

Le lendemain, lorsque je m'étais réveillé, j’avais eu du mal à mettre mes prothèses. Les mettre tout seul n’étaient pas du tout pratique… Il faut que je trouve une meilleure méthode mon doux Jésus pour la prochaine fois pour ne pas trop embêter mes frères… Mais très gentiment, le frère Paul-André s’était proposé pour me les mettre. Je l’avais remercié et étais parti pour dire les laudes, avant que la messe avait eu lieu.

L’heure était venue de préparer la messe lorsque les moines avaient ouvert la chapelle. La lumière du jour m’avait tellement manqué ici. J’avais respiré la bonne odeur en ayant déposé des fleurs au pied de Saint-Joseph. Puis, des paroissiens étaient venus en se réjouissant de me revoir. J’avais les lèvres jusqu’aux joues lorsque j’avais salué beaucoup de mes anciens paroissiens. Ils m’avaient tous dit qu’ils avaient beaucoup prié pour moi. Ce fut un extrême bonheur de les revoir et de pouvoir les accueillir. Arrivé au moment de l’homélie, lorsque je désirais faire un commentaire sur l’évangile du jour, mes prothèses s’étaient soudainement repliées en deux et j’étais tombé derrière le pupitre. L’assemblée était affolée lorsqu’un moine était venu à mon secours pour me relever. Nous avions essayé de remettre les prothèses, mais rien à faire mon bel Amour, elles étaient cassées… Le frère Philémon était parti au cloître pour chercher le fauteuil roulant. Tout ça ce fit dans un long silence. Puis, j’avais regagné mon fauteuil en ayant dit « heureux les cœurs purs car ils iront au royaume des Cieux », avais-je déclaré en ayant regardé mes frères qui m’avaient tous aidés. Toute l’assemblé avait rit, jusqu’à ce que j’avais sorti ma liste de tous les défunts soldats que j’avais marqué et continuais mon homélie en changeant de discours :

— Mes enfants bien aimés, la guerre fait rage à l’heure à laquelle nous célébrons la messe. Je sais que je suis censé commenter l’évangile, mais j’aimerais faire un petit aparté. Si ça ne vous dérange pas, mon bien aimé.

Ils avaient rit doucement.

— J’ai moi même assisté à la guerre, et je peux vous garantir que vous êtes très loin de ce que vous imaginez. Non, la guerre ne constitue pas que de méchants Nazis, de vulgaires bombes qui tombent à côté de nous, de la peur qui nous effraye lorsque nous devons attaquer l’ennemi. Certes, elle oublie qui nous étions et nous fait découvrir un nouveau nous-même que jamais on aurait pu imaginer… Mais la guerre nous fait comprendre que nous ne sommes pas les seuls à combattre et que ceux que nous tuons, ne sont pas que des méchants Nazis. Au-contraire, mes enfants bien-aimés, lorsque vous tuez une personne qui vous a fait du mal, vous tuez aussi son âme, celle que Dieu nous a tous créé. Vous tuez un enfant de Dieu. Est-ce-que vous le permettez ? De le faire devant Dieu ? C’est comme si vous tuez vos propres enfants, mes chers amis. Et il n’est pas bon de s’entre-tuer et de crier victoire, alors qu’il y en a un ( Dieu ) qui souffre pour tout ce que nous avons commis. La guerre nous a tous rendus fou… Mais avez-vous oublié que la Sainte-Vierge nous incite à prier pour la paix ? Il existe toujours des moyens pour arrêter cette guerre, non pas en tuant un ennemi, mais en priant pour la paix de son âme. Ce n’est pas en crachant sur lui, en le menaçant de mort que nous allons continuer d’avancer. Le Seigneur ne l’a-t-il pas connu lorsqu’il a porté nos péchés ? Ne nous a-t-il pas dit « aimez vous les uns des autres, comme je vous ai aimé » ? Alors mes amis, aimons nous. Oui, aimons ceux qui nous ont fait du mal, ceux qui ont tué nos familles, car ils sont inconscients du mal qu’ils font. « Seigneur, pardonne-leurs parce-qu’ils ne savent pas ce qu’ils font « ! « Aidez les Seigneur, aidez les à trouver votre joie, votre amour ! Et continuez de les faire avancer sur un chemin juste ! ». Non, la guerre m’a fait comprendre que cela ne servait à rien de tuer. Nous pouvons tous vaincre la mort. Je n’imagine pas le nombre de soldats qui ont traversé cette rude épreuve, mais avançons dans la vie que Dieu nous a offerte. C’est comme si vous, vous sauvez une vie. La vie, elle se gagne, elle ne se perd jamais. Je vous le dis, soyez vainqueur de la mort, écrasez-là sans lui faire du mal. Non, sauvez plutôt la mort. Que Dieu repose dans vos cœurs et priez, priez pour tous ses soldats que j’ai écrit sur cette feuille. Ils ont besoin du salut de leurs âmes, ils ont besoin d’aller au-delà du purgatoire. Que le Seigneur vous garde et vous bénisse mes enfants bien-aimés.

À la fin de la messe, tous mes paroissiens s’étaient précipités vers moi pour me remercier. Ils en avaient les larmes aux yeux et m’avaient donné les noms de certains soldats pour que je vous les confie. Gardez-les bien dans votre cœur mon Doux Jésus, je compte sur vous pour que vous les sauvez tous !

Sans mentir, j’ai reçu de drôles de lettres ces derniers temps… Il y a quelques mois, lorsque j’avais ouvert une lettre, je suis tombé directement sur une personne qui demandait à ce que je lui donne à tout prix la suite de mes courriers que j’écrivais sur vous, sinon, elle allait menacer tout le monastère. J'espérais que cela n'allait pas empirer mon bel Amour… Mais cette personne ne m’a jamais dit son nom… J'ignore totalement qui est cette personne, mais en tout cas, je vous fais confiance. Dès que j'aurai des nouvelles, je vous en reparlerai, c’est promis.

Mais comme ce fut la dernière lettre du père Philémon, Humbeline ignorait ce qui s’était passé par la suite. Revenons dans les pensées du père Théophane qui n’avait pas pu écrire :

Mon bel amour, je ne sais pas si vous m’entendez, mais à l’heure actuelle, des Nazis m’ont traqué et m’ont enlevé en me mettant à l’arrière de leur gros camion. J’avais peur de retourner à la guerre jusqu’à ce que j’avais compris qu’ils étaient là pour autre chose… J’ignorais totalement où ils m’emmenaient mon bel Amour, mais j’en avais très peur. Avant de repartir avec eux, une troupe Allemande était subitement venue au monastère et avait fait fuir tous nos paroissiens. Mes frères et moi les avions calmés avant que mon père supérieur demandait ce qu’il cherchait, jusqu’à ce qu’ils avaient dit « nous recherchons le père Théophane ». Surpris, je voulais me désigner, mais mon père supérieur me l’avait interdit en répondant « nous ne connaissons pas de père Théophane, vous avez dû faire une erreur ». Il avait eu tort… Les Allemands l’ont saisi par le bras en insistant encore une fois sur mon nom. En voyant qu’ils commencèrent à retourner le bras de mon père, je m’étais levé parmi mes frères en disant que c’était moi. Aussitôt, ils avaient lâché mon père et s’en étaient pris à moi en disant que je devais à tout prix prendre mes lettres. Ils m’avaient suivi jusqu’à la cellule et les avaient pris, comme promis. Au moment de retourner dehors, tous les moines avaient pesté contre les Allemands en disant que je n’avais rien à faire dans cette histoire. Un soldat avait poussé un de mes frères… Ce fut terrible de voir cette scène… Puis, ils m’avaient mis des menottes jusqu’à ce qu’un Nazi avait regardé mon père supérieur en disant que comme il avait menti, pour la peine, il allait s’amuser avec lui. J’avais hurlé en disant de ne rien faire à mon père supérieur, lorsque subitement, j’avais entendu un coup de feu. J’avais crié de toute mon âme. Je voulais à tout prix faire demi-tour pour le revoir une dernière fois, mais les portes du camion s’étaient refermées…

Au moment de terminer la dernière lettre, sœur Humbeline trouvait cela louche. Elle voulait à tout prix savoir qui était cette personne qui voulait s’en prendre à ce pauvre prêtre. Pourquoi est-ce que Siméon l’avait trahi ? Pourquoi est-ce-que cette personne désirait tant avoir ces lettres ? Elle essayait de chercher une réponse à toutes ces questions lorsqu’un nom lui était venu à l'esprit.

Il faut à tout prix que j’en parle au père Philémon ! Je crois avoir une piste.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire hailwildis 7 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0