Chapitre 18- La rose

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03/04/1941

Mon bien-aimé,

Cela fait pratiquement deux ans que nous n’avions pas bougé. On monte pour tuer et pour gagner du territoire, puis on redescend pour se protéger, on remonte, on redescend, on remonte, puis on redescend avec des millions de morts à nos pieds. Je vais finir par devenir fou en voyant ces scènes se répéter en boucle dans ma tête. Très discrètement, je descendais des soldats pour les soigner, sans que le colonel ne le remarque, mais je me suis fait choper par Vincent, le père de Philémon, qui m’avait vu un jour, déplacer un soldat dans la fosse. J’ai reçu une belle leçon de punition… Pour la peine, je devais m’occuper à vider les excréments, durant la nuit, à l’extérieur des tranchées. Ce fut un miracle, car jamais, aucun soldat Allemand ne m’avait tué. J’avais déjà pensé à fuir, mais je me suis dit que ça serait bête d’abandonner mes camarades, alors que certains parmi eux, ont besoin d’une présence réelle comme vous, pour les aider… Heureusement, lorsque le sergent fut gravement blessé, Philippe a vite changé de discours, en disant que ce que je faisais était un véritable miracle. Je lui avais raconté qu’on allait bientôt plus avoir de place pour nos soldats malades… Et qu’on devait les emmener dans des hôpitaux. Le colonel m’avait averti que c’était trop dangereux d’appeler les ambulances, il en avait parfaitement raison.

Un jour, on m’avait confié une mission. C’était d’aller récupérer le courrier qui était resté bloquer au village. On m’avait dit d’y aller tout seul... Qu’est-ce que j’avais peur mon Doux Jésus, sans vous mentir… J’avais scruté tous les horizons pour veiller le moindre bruit. À chaque fois qu’un oiseau partait, je brandissais mon arme sur eux, mais ne tirais pas. Vous m’avez beaucoup aidé, lorsque je m’étais rendu dans la petite ville. Des Allemands faisaient leur patrouille habituelle. Ils fouillaient la cargaison et avaient volé deux-trois lettres. Puis, ils étaient partis pour aller prendre un petit café. J’étais sorti de ma cachette et avait dit au facteur que j’étais Français. Soulagé d’avoir entendu une voix française, il m’avait passé tous les courriers que nous avions tant attendu avec mes camarades ! J’avais ouvert grandement mon sac, en surveillant les Allemands qui étaient sur la terrasse. Nous fûmes très rapide, en faisant tomber quelques lettres. Il y en avait un sacré paquet… Jusqu’au moment où un soldat nous avait repéré. J’avais demandé au chauffeur de partir le plus rapidement possible. Ils avaient commencé à tirer sur lui et visèrent les pneus qui avaient éclaté. Je voulais avertir les Allemands en leurs disant que c’était moi qu’il fallait tuer, mais c’était trop tard, ils avaient fusillé le pauvre facteur… Pendant ce temps, j’avais eu le temps de filer dans les buissons, et avais sorti une feuille dont j’avais inscrit tous les défunts soldats, et avait pu marquer celui du facteur, que j’avais pu lire sur son tee-shirt. Je fis le signe de croix, en bénissant cette nouvelle âme qui venait de rejoindre le ciel et repris ma course, en rejoignant, vivant, mes compatriotes. Ils s’étaient tous précipités vers moi, en tendant leurs mains de droite à gauche. Je leur distribuais le courrier, jusqu’à terminer au dernier soldat. Tout était calme dans les tranchées, les soldats lisaient tous. Certains étaient émus, tandis que d’autres pleuraient amèrement. Quand ce fut mon tour, une joie avait illuminé mon visage. J’avais remercié le Seigneur que cette lettre avait pu venir jusqu’ici. Mes confrères m’avaient raconté, il y a à peine quelques semaines, qu’ils avaient fait les préparatifs pour la semaine Sainte qui allait venir, et qu’il pensait très fort à moi, sachant que cela faisait deux ans, que je n’avais pas communié. Cela me manquait cruellement… J’avais eu les larmes aux yeux lorsque les frères m’avaient raconté que leurs pères étaient tous vivants et qu’il me remerciait pour les prières que je leurs apportais. Ils racontaient qu’ils priaient particulièrement pour moi, sachant qu’à mon retour, je n’allais plus être le même homme. Mais dans une lettre précédente, je les avais rassurés, en disant que j’allais toujours être le père Théophane qu’ils avaient connus. Je leur avait dit, à mon tour, combien l’Homme était cruel et grossier, jamais je n’avais vu ça de ma vie… Alors que moi, j’avais longtemps vécu avec des frères et jamais je n’aurais rencontré le diable de cette sorte…. Je fus offusqué lorsque le père Théophane m’avait raconté qu’il y a un mois, des Nazis étaient entrés au monastère pour savoir s’ils cachaient des juifs. Mon père supérieur me racontait toute la vérité, en espérant que cette lettre ne se fasse pas brûler, et qu’ils n’avaient aucun juif dans leur secteur. Pour se venger, ils avaient brûlé le toit de la cuisine. Heureusement, les villageois étaient venus à leurs secours pour sauver ce terrible accident. Je rendis de nouveau grâce au Seigneur, en le remerciant plusieurs fois. Quand j’avais fini de lire leur lettre, je l’avais pris dans mes bras et l’avais rangé, dans une enveloppe, que je gardais dans ma poche de gauche, avec mon chapelet.

Le lendemain, nous avons de nouveau attaqué l’ennemi. Le colonel avait bien peur que les Allemands conquirent notre territoire, ils prenaient plus d’avance que nous… Ils nous avaient prévenu, que s’ils commençaient à atteindre le deuxième fil barbelé, nous n’aurions pas d’autre choix que de partir d’ici. De nouveau sur le terrain, je soignais comme à mon habitude, un soldat, lorsque soudainement, entre les tirs, je vis une ombre s’approchait de moi. Cette mystérieuse personne tenait dans sa main, une rose. Elle marchait pied nus, à travers les cris d’horreurs. J’avais levé mon regard, jusqu’à ce que mon arme tomba au sol. En reconnaissant la personne, je m’étais mis à genoux, les larmes aux yeux. Quand ma tête toucha le sol, mon casque roula jusqu’à ses pieds qui étaient remplies de fleurs de miel. Un mélange de plusieurs parfums m’embaumèrent les narines. Cela faisait si longtemps que je n’avais pas senti une si merveilleuse odeur. Elle avait ramassé le casque, jusqu’à ce qu’elle m’avait ordonné de me lever. Je n’osais pas la voir, j’étais bien trop pécheur pour la contempler… Mon regard se leva, timidement, lorsqu’elle me tendit une fleur dans mes mains. D’une voix angélique, elle m’avait dit « ce sont pour tes soldats, afin que vous sachiez que la paix existe toujours dans ce monde.» Puis, elle était partit, en laissant sa longue robe bleu, traînante dans la terre sale. Soudainement, j’entendis un cri d’alerte, lorsqu’un coup de fusil se dirigea vers moi. J’avais crû que mon heure était venue, mais tout à coup, je n’avais senti aucune blessure. Lorsque j’avais ouvert les yeux, je vis Corentin, surgissant au sol, en train de gémir de douleur. Je m’étais précipité vers lui et avais aperçu que la balle s’était dirigé à côté de son cœur. Le cœur angoissait, je cherchais dans mes poches de la morphine en plantant une aiguille, sur son bras.

— J’ai mal mon père, j’ai mal ! avait-il crié en crachant du sang.

J’avais aussitôt estompé son sang, tout en écoutant son pouls.

— Rassures-toi Corentin, tu peux encore survivre.

— Non mon père, c’est la fin, c’est la fin ! Je le sens, je le sens venir prendre mon âme !

— Non Corentin, tu as encore une chance de t’en sortir, la balle n’a pas visé ton cœur.

— Non mon père ! Je vais mourir, mourir !

Je l’avais tenu par le bras tout en essayant de le calmer, les larmes aux yeux. Cet homme venait de me sauver la vie… Je n’aurais jamais dû rester les yeux fixés sur cette belle dame… À cause de moi, j’allais perdre mon meilleur ami… Puis, il avait fermé les yeux. J’avais continué d’écouter son cœur, et remarquais, qu’il était toujours en vie. Il venait de tomber dans les pommes. Je l’avais porté sur mes épaules et avais couru tout le long de la ligne, en entendant les bruits de balles surgirent derrière moi. Arrivés dans la ligne de tranchée, je n’avais pas perdu une minute pour retirer la balle.

* * *

Demi-conscient, il se réveilla doucement et se demanda s’il était au paradis. Heureux d’avoir réussi l’opération, je fouillais dans mes affaires pour lui injecter de la morphine, mais j’avais remarqué qu’à ma plus grande surprise, qu’il ne me restait plus qu’une bouteille. En voulant oublier ce petit détail, j’avais remercié mille fois Corentin de m’avoir sauvé la vie, et il m'avait répondu, avec un grand sourire « moi aussi je l’ai vu, mon père. »

— Tu, tu as vu cette belle dame ?

— Oui mon père, lorsqu’elle marchait à travers les soldats. Comme elle était belle… Je me demande bien qui ça peut-être…

— Mais, mais enfin mon fils ! C’est impossible que vous puissiez la voir !

— P, pourquoi ?

— Parce-ce que c’était la Sainte-Vierge…

Outré d’avoir entendu cela, Corentin était retombé pour la deuxième fois dans les pommes, à cause du peu d’oxygène qui lui manquait. J’avais essayé de le réveiller, mais il était presque tomber dans le coma. Il était impossible de le faire tenir debout. J’avais ouvert ma main, lorsque du sang en tombait au sol. Je remarquais avec douceur, la rose que la belle dame m’avait donné. Les larmes aux yeux, je m’étais effondré sur Corentin en me disant que je devais faire quelque chose. J’en avait parlé au colonel Pommier, qu’il était urgent de faire hospitaliser Corentin. Il me racontait que justement, il avait besoin de moi, ainsi que de Vincent, Siméon, Joseph, et trois autres soldats pour une mission de la plus haute importance. Il nous avait raconté qu’il avait entendu, grâce à des espions qu’il avait envoyé, qu’il avait découvert que les Japonais, qui venaient d’entrer en Guerre, faisaient des trafics aérienne aux Allemands. Pour suivre, il nous avait dit que des Américains n’avaient pas encore découvert ce trafic et qu’on devait neutralisé ces bases, qui se trouvaient partout au Japon. Pour récupérer les plans des bases aériennes, il fallait nous rendre au Pologne où siéger Hitler. Mon cœur avait raté plusieurs bonds. Pour cela, on devait se faire passer pour des civils en disant que nous allions à un enterrement, afin de récupérer les documents qui étaient dans la grande bibliothèque. L’ami du Colonel qui allait nous fournir nos fausses cartes d’identités, étaient à Lagrasse. Il nous avait demandé si nous étions prêt à faire cette mission, et qu'en échange, on pourrait déposer Corentin à l’hôpital. Mon groupe avait accepté, tandis que moi, j’avais demeuré longtemps dans le silence, jusqu’à ce que j’acceptais… C’était la première fois de ma vie que j’allais dans un nouveau pays, surtout que là, nous nous jetions tous dans la gueule du loup…

* * *

Avant notre départ, lorsque ce fût notre dernière attaque avec mes amis, au moment de partir sur le front, au loin, nous avions remarqué qu’un drapeau blanc avait surgit dans une fumée assez épaisse. Notre colonel nous avait ordonné de cesser le feu et nous virent tous, avec étonnement, un soldat Allemand qui avait levé le drapeau. Il portait sur ses épaules un de nos camarades, un dénommé Georges. Lui aussi avait une jambe blessée. Surpris de voir un ennemi, le colonel m’avait ordonné d’aider ces deux jeunes hommes. Je m’étais précipité vers eux et descendions les deux soldats, jusqu’à ce que Vincent et un autre militaire, tendirent les armes sur notre nouveau arrivé. Il avait mis les mains derrière sa tête, en implorant de ne pas le tuer. Vincent en profita pour cracher sur lui. Il recula à quelques mètres de lui, jusqu’à ce qu’il se cogna contre moi. Il parlait en Allemand, je ne comprenais aucun mot de ce qu’il nous racontait. Siméon, qui nous racontait qu’il avait appris cette langue, nous disait qu’il ne voulait pas se faire tuer. Puis, Siméon vit clair dans son petit jeu. Il disait qu’il parlait couramment le Français, mais qu’il avait trop peur pour s'en exprimer.

— Allez le Nazi, dis nous ce que tu veux, cracha Siméon en le tirant par les cheveux.

— Je veux me battre avec vous.

Nous avions tous était stupéfaits de sa réaction. Un Allemand qui voulait se révolter contre son pays ? C’était un signe que Dieu nous avait envoyé, comme quoi, tous les Allemands n’étaient pas méchant, ce que j’avais beau à expliquer à Vincent…

— Et qu’est ce qui nous prouve que tu veux te battre avec nous le Nazi ? Vas-y, crache le morceau !, grogna Siméon.

— Soupir... Jamais je n'aurais pensé que mon pays allait me trahir... J'ai appris, récemment, que mes confrères embarquèrent des familles juifs... Où ? Je l'ignore totalement, mais quand j'ai vu qu'ils s'en étaient pris à ma famille, j'ai eu une horrible haine de les tuer... Mais je n'ai pas eu d'autre choix que de les rejoindre à l'armée... Je suis avec vous les gars, je veux me battre contre ceux qui ont tué ma famille…

— C’est bon Siméon, il dit juste, ranges ton arme, avais-je-dit au milieu de la foule.

L’homme pesta et cracha à son tour en le traitant de « sale Nazi » et était parti avec Vincent, en étant sur le même accord. J’avais saisi la main du jeune homme en lui disant que tout allait bien se passer. Il me racontait qu’il s’appelait Jérémy Hünermann, qu’il était d’origine Allemand et qu'il était très croyant. Comme il avait une haine contre son pays, il nous avait rapporté pleins d’autres informations concernant les bases Japonaises. Il disait qu’il connaissait bien la personne qui détenait les documents dans la grande bibliothèque et qu’il pourrait nous être d’une grande aide. Le colonel Pommier nous avait donc envoyé une nouvelle recrut dans notre mission top secrète. Tout le monde se méfiait de lui, en le traitant toutes les deux minutes de « sale Nazi », mais je pouvais lire dans son regard, qu’il s’agissait d’un jeune homme, comme nous tous. Il savait que cela allait être compliqué de bien nous entendre avec lui, mais que pour rien au monde, il allait nous tuer. Il m’avait raconté que lui aussi avait eu énormément de mal à tuer… Il aimait profondément le Christ, même si nous partagions pas les mêmes valeurs Bibliques. J’espère qu’un jour, il prendra compte de votre résurrection mon bel Agneau… C’est ainsi, que nous nous étions lancés à huit, à notre mission, en commençant d’abord à sauver Corentin qui souffrait gravement. Que Dieu le bénisse mon bel Amour, et qu’il le protège jusqu’à la fin de ce voyage périlleux dont nous célébrons la messe des rameaux aujourd’hui…

Signé, le père Théophane qui vous souhaite également une bonne semaine Sainte.

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