Chapitre 12- Le lac de Constance

7 minutes de lecture

Le crépuscule s’assoupit à travers la vitre de la locomotive, le ciel était teinté d’étoiles, les nuages étaient pourprés de boutons roses, des rouges-gorges volèrent à la suite du train. Sœur Humbeline se pencha pour surveiller le petit oiseau qui le quitta, en se dirigeant vers une forêt dorée que produisait la lumière. Elle s’accouda en croisant les jambes et contempla le paysage. Elle se vit soudainement dans la vitre du train lorsqu’il entra dans un tunnel. Honteuse de s’être vue avec son long voile blanc, elle prit un livre pour occuper ses esprits. Elle redressa lentement son regard vers celui de Coline qui lisait le journal. Des passagers passaient devant elles et se mirent à critiquer la tenue de la jeune sœur. Embarrassée, elle se recroquevilla en serrant le chapelet dans sa main droite et poursuivit sa lecture. Coline, qui l’avait remarquée, baissa le papier et vit d’autres gens, derrière elle, qui continuait à parler, en se demandant d’où pouvait bien venir cette tenue de clown. La jeune femme rousse n’hésita pas à se lever pour se mettre à côté de Sœur Humbeline et soupira.

— Ils devraient avoir honte de te critiquer. Tu es ravissante avec cette tenue, affirma-t-elle en souriant.

En reprenant confiance, Humbeline sourit à son tour et referma délicatement le bouquin.

— Ce ne sont pas les critiques qui me font mal Coline… Mais la manière dont ils jugent Dieu… Cela faisait si longtemps que je n’avais pas pris le train.

— Je t’avais déjà emmenée voir mes parents ?

— Non jamais, c’est la première fois que je vais visiter ton pays.

— Tu verras, ça va te plaire !

— J’imagine que ça ressemble un peu à la Suisse.

— Un petit peu, mais pas beaucoup. Tu as cette chance de ne pas habiter loin de ce beau pays.

La sœur soupira et réfléchissait à une autre discussion. Pendant ce temps, son amie sortit un mouchoir, toussa et elle vit avec effroi, le sang se répandre sur le petit bout de tissu. Coline le rangea rapidement et referma son sac.

— Tu as pu voir le médecin ?

— Oui, il m’a donné quelques médicaments, mais rien n’a changé… J’espère toujours que le bon Dieu puisse faire des miracles, en commençant par mon mari… Le pauvre, il est devenu complètement dingue en m’annonçant qu’on allait retrouver nos enfants.

— Pourquoi est-ce que tu ne le crois pas ? Et s’il avait raison ?

— Joseph ? Avoir raison ? Houla ma sœur, il ne faut jamais avoir raison avec lui !, se moqua-t-elle gentiment de son mari.

— Mais toi ? Crois-tu que tu puisses être guérie ?

Bouleversée d’entendre cela, elle enleva ses gants et se racla la gorge.

— Humbeline, tu sais qu’il est impossible que je puisse guérir de cette maladie, j’ai bien peur que le Seigneur me veuille à ses côtés…

— Coline, rien n’est impossible à Dieu ! À mon avis, tu devrais te rendre à Lourdes, je suis persuadée que la Sainte-Vierge te guérira ! Ne désespère pas Coline !

Elle gloussa doucement dans son propre coin.

— J’ai dit quelque chose de mal ?

— Non non Humbeline, rassure-toi, j’ai crû entendre le père Philémon.

En riant toutes les deux, sa meilleure amie regagna sa place pour se reposer. La jeune sœur remarqua que le train était sorti du tunnel. Elle aperçut le lac de Constance défiler sous ses yeux, ébahis. Il restait encore quelques vagues rayons de lumières, éclairants l’eau, peu de voiliers naviguaient sur le rivage, les lampadaires venaient de s’allumer dans la ville.

La mélancolie couvrit soudainement ses pensées. Elle repensa à ce doux lac qu’elle avait tant partagé avec son ami Raphaël.

L’Abbaye flamboyait sur une haute montagne, elle entendit sa chorale chanter dans le gré du vent, mais à cause des murs, la résonance étouffait le son de leurs voix. Au moment de rentrer, un jeune homme l’avait percuté et continua de monter les marche en présentant ses excuses. Quand elle vit qu’il s’agissait de Raphaël, elle le salua timidement et n’osa pas s’approcher de lui. Puis, quelques gouttes de pluies tombèrent sur ses beaux habits. Le jeune homme avait remarqué qu’elle n’avait pas de parapluie et qu’elle avait encore une bonne marche pour grimper l’escalier. Il sortit du bâtiment religieux et s’approcha d’elle pour la protéger de la pluie avec l’aide de sa belle veste. Toute rouge, elle accéléra le pas et monta rapidement avec lui, avant que des seaux d’eau en tombent. Ils rirent de leur mésaventure et le jeune homme en profita pour remettre sa veste.

Tu ne veux pas proposer à quelqu’un de t’en donner une autre ?

Non ne t’en fais pas, elle séchera vite à la salle du sacré cœur.

Emma, de son vrai nom, remarquait que ses partitions avaient pris un peu d’humidité. Déçue, elle vit que le jeune homme sortit d’autres feuilles qu’il avait imprimé en double. En se souvenant parfaitement de son geste, elle mit du temps à les prendre, en comprenant à quel point il était attentif à elle. Tous les deux, embarrassés, regardèrent ailleurs jusqu’à ce que son ami prenne la parole.

Après la pause, ça te dirait de venir pécher ? Enfin je veux dire, quand il fera beau.

En riant doucement, elle accepta et ils se quittèrent tous les deux, sur ce beau lieu de rendez-vous, qu’il lui redonna le sourire au visage.

* * *

Le soleil chassa les mauvais nuages. La chaleur était redevenue étouffante. Raphaël avait récupéré le matériel, avant de partir à la chorale, dans la salle du sacré cœur. Il les prit au moment où Emma avait finit de se changer. Ils quittèrent l’Abbaye en marchant sur un passage piéton et regardèrent de droite à gauche, pour traverser la route dont la vue se projeter sur des montagnes qui surplombaient de maisons typiquement Suisse. Raphaël trottina pour aller saluer ses amis. Emma s’arrêta très discrètement.

Je vous présente Emma, Emma voici mon cousin Timothée, Paul et Philippe qui sont des amis.

Salut !, répondirent-ils en chœur.

Bon, bonjour.

Elle est bien timide ta ptite copine, s’exclama Timothée.

Ils rirent en faisant rougir les deux jeunes amis et Raphaël, d’un ton un peu agacé, les ordonna de se taire, mais ils n’écoutèrent pas. Il attrapa la main de la jeune fille blonde et décida de filer avec elle, en enlevant la corde qui était attachée à la barque. Puis, il la fit monter en premier, balança l’objet près d’elle et prit leurs envoles en ramant. Ils s’éloignèrent doucement du groupe qui partirent en rigolant. Emma, gênée d’être seule avec lui, contempla les oiseaux qui se baignèrent près d’elle. Ils n’étaient pas les seuls sur ce lac, car un bateau s’approcha d’eux et fit quelques vagues. La jeune fille sentit les secousses et remarqua l'eau entrer dans la barque. En voyant qu’il se donnait du mal à ramer, elle ramassa à son tour, les rames et navigua avec lui, maladroitement.

Il faut que tu pousses avec tes pieds. Regarde comment je fais.

Elle obéit et vit qu’il poussait et tirait en même temps pour prendre de la vitesse. Les deux rames qu’il tenait, étaient dressés vers le bas et tombèrent dans l’eau quand il s’avança vers elle. Elle répéta le même geste, en commençant à ramer une fois à gauche et une fois à droite et le garçon rit doucement.

Maintenant, il faut que tu fasses avec les deux. Tu pousses, puis tu tires. Tu pousses, puis tu tires.

Elle secoua la tête et commença à comprendre le fonctionnement. Comme il avait dit, elle poussa sur ses deux jambes pour faire avancer la barque et tira pour faire revenir les baguettes vers elle.

Bravo, tu progresses vite ! J’ai fait de l’aviron depuis mon plus jeune âge, c’est fou à quel point ça marque quand on en fait. Une fois, une amie était tombée à l’eau car elle avait perdu l’équilibre. C’était drôle.

Emma rit à sa blague et se concentra à la fois. Une fois arrivée au milieu du lac, elle eut la voix coupée quand elle vit le vent se lever vers les hautes montagnes. La ville était en animation à sa gauche, tandis qu’à sa droite, des maisons étaient posées au bord de la montagne. Puis, elle entendit le jeune homme préparait le matériel en lui tendant une canne à pêche. Il lui montra toutes les étapes pour mettre l’hameçon comme il le fallait. En étant très attentive à ses conseils, elle pouvait à la fois contempler son beau visage, couvert de tâche de rousseurs. Il avait les cheveux noir, avec de beaux yeux marron foncé. Elle reprit ses esprits au moment où elle devait jeter le filet à l’eau.

* * *

La nuit n’allait pas tarder à tomber, ils rangèrent leurs cannes à pèches et se préparèrent à partir, mais au moment d’y aller, le jeune garçon remarqua qu’elle avait cassé la file à bobine.

Ne t’inquiète pas, ça m’arrive aussi de la casser, regarde, je vais te montrer.

En saisissant sa main, ils rougirent et se regardèrent pendant un petit moment. Les yeux de Emma venaient de s’illuminer dans la nouvelle nuit. Elle entendit les battements du cœur du jeune homme. Paralysée, elle sentit qu’il lui caressait tendrement ses deux mains. Ses cheveux hérissèrent quand il commença à approcher son visage du sien. Il posa délicatement ses lèvres sur sa joue gauche. Nerveuse, elle attrapa le bout de sa queue de cheval en tournant la tête et entendit le jeune garçon, ramait. Puis, curieuse, elle tourna son regard pour le contempler et remarqua, qu’il fixa le paysage, tout heureux.

Sœur Humbeline sursauta lorsqu’un autre train passa à côté d’elle. Elle se réveilla brusquement et se cogna accidentellement, contre le bord de la fenêtre. Coline ria doucement et prépara ses affaires.

— Bienvenu à Munich ma sœur !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire hailwildis 7 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0