L'Homme et la Matière

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 — Un deux trois quatre ! Bon sang ! Ramenez vite le brancard !

Le monde était rouge et flou. Le jeune homme avait le regard dans le vague, et du sang maculait son visage inexpressif. Alors qu’il se sentit s’élever, il regarda autour de lui. Tout semblait se jouer au ralenti. Son corps était couché à terre. Beaucoup de sang sur lui, sur les mains de l’ambulancier qui lui administrait un massage, dans le sable qui absorbait voracement le liquide poisseux. Quelqu’un vint poser une main sur l’épaule du secouriste. Le massage cardiaque s’arrêta soudain.

 — Tu peux arrêter. Il est mort.

C’était une femme d’un certain âge. Vu son uniforme, une collègue de l’homme aux mains posées sur la poitrine sanglante.

Le ventre avait été déchiré par un long morceau de métal. Le bleu violacé vers la tempe n’avait pas lui non plus fière allure.

Au loin, une voiture brûlait.

Le rail déchiré ne laissait aucun doute à ce qu’il s’était passé. Violente sortie de route. Même le sable n’avait pas suffi à amortir le choc.

Les silhouettes qui s’agitaient autour de lui étaient éclairées par à — coup par le rayonnement bleu des gyrophares. Non loin du cadavre de l’homme, une forme humaine engoncée dans un sac blanc. Deux personnes se préparaient à la transporter.

Cruel hasard, le mouvement fit sortir du sac la main.

Une bague.

Métal jaune.

Améthyste sertie.

L’ex-jeune homme hocha la tête, comme s’il se rappelait un oubli dans sa liste de courses.

Il entendit un sanglot. Une jeune femme. Blonde. La peau mate. Combinaison de surf aux couleurs vives.

Elle avait du sang plein la bouche, les joues, le nez. Ses larmes avaient formé des trainées de rouge plus claires sur ses joues souillées. Elle ne semblait pas blessée. Sa main serrait un téléphone portable si fort que ses jointures étaient blanches.

Ce n’était pas la femme de son rêve, comprit — il, mais la pauvre jeune fille qui avait appelé les secours. Elle avait dû tenter de le ranimer par tous les moyens. Cela devait avoir été une expérience très difficile. Il se sentit désolé pour elle.

 — Tu viens ? Tu n’as plus à aller travailler, maintenant.

Il hocha la tête et se retourna.

Il était revenu à la plage. Pas celle où deux cadavres reposaient au milieu d’une foule d’individus terrorisés par la mort, mais avec son amie la presque surfeuse.

L’eau était parfaitement immobile. Grise. Sa température n’existait pas. Sans la résistance du liquide, il ne l’aurait même pas sentie.

La jeune femme n’en était plus vraiment une.

Elle était lisse, sans cheveux. Son visage n’était plus changeant, mais il avait la certitude que s’il cessait de la regarder, il en oublierait immédiatement sa forme. Son corps n’était plus celui de la belle surfeuse, mais un mélange androgyne et étrange de courbes. Quelque chose de beau, qui calmait son cœur serré.

L’océan était lisse comme un parfait miroir céleste. Les vaguelettes qu’ils firent naître en marchant dans l’eau semblaient se propager jusqu’à l’infini.

Il reprit la main de son guide.

 — Allons nous baigner.

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