1 - Réveil

3 minutes de lecture

Il me semblait avoir incroyablement bien dormi. Longtemps surtout. Ma fille ne m'avait pas réveillé, le petit être qui grandissait en moi non plus. Pas de pleurs d'une part, pas de nausées de l'autre. Une nuit parfaite. Reposante.

Pourtant, alors que je n'avais pas encore ouvert les yeux, une petite griffe me raclait une vertèbre. Inlassablement et de plus en plus fort. Cette sensation je la connaissais bien : c'était le Monstre du doute. Celui qui se plante dans votre dos et s'active jusqu'à ce que vous alliez vérifier. Celui qui grince des dents à votre oreille.

Le doute se faisait de plus en plus présent, de plus en plus fort.

D'où venait-il ? De cette nuit idyllique ? De cette sensation de légèreté dans mes entrailles ? De cette couverture si douce, moi qui n'avait pas renouvelé mes housses de couettes depuis dix ans ?

Machinalement, mes doigts faisaient des aller-retours sur le tissu. Du satin peut-être. Ou de la soie. Mes lèvres se retroussèrent en un léger sourire. Des draps de soie. Mon image du luxe et de la voluptée. J'en ignorais le prix mais jamais je ne dépenserai mon argent durement gagné dans ce genre de frivolités. Un léger froissement s'élevait du contact entre ma peau et cette soie.

Le Monstre du doute, un instant calmé par mon attention au tissu, se manifesta de plus belle. Mon sourire disparu soudainement. De la soie ? Jamais je n'avais acheté des draps de soie ! Comment pouvais-je dormir dedans ?

J'ouvris les yeux soudainement.

Dans la lueur d'un jour naissant, je distinguais un plafond en pierres brutes.

Où était la peinture blanche ?

Je portais la main à mon ventre. Celui-ci était aussi rebondi que d'habitude mais je le sentais vide, sans vie.

Plus de souffle. La tête tourne. Le sang hurle à mes tempes.

Marianne !

Je me précipitais hors du lit. Mes pieds s'empêtrèrent dans les draps, je tombais à moitié. Mon inquiétude grandît. Le doute se brossait les dents avec ma colonne vertébrale. Là, une porte ! Je l'ouvris et me précipitais au dehors sans réaliser que je ne connaissais pas les lieux.

Un couloir éclairé par des torches mourantes.

– MARIANNE !

Ma voix résonna entre les pierres.

– MARIANNE !

Où étais-je ? Où était ma petite fille ?

Je me mis à courir malgré ce couloir qui commençait à danser devant mes yeux. Une porte. Je me jetais dessus. J'arrachais presque la poignée. Le bois claqua contre le granit.

Deux silhouettes adultes se redressèrent.

Ce n'était pas ma fille, je fis demi-tour sans attendre, sans un regard, sans aucune autre pensée que celle de trouver ma fille. Une autre porte ! Un autre cri :

— MARIANNE !

Je n'eus même pas besoin de regarder l'intérieur de la pièce que je savais déjà qu'elle n'y était pas. Je poursuivis dans le couloir. À chaque porte, je hurlais son prénom. Le monstre du doute riait démoniquement dans mon crâne. Je n'entendais plus les réponses des occupants des chambres, je n'entendais pas le brouhaha des habitants qui s'élevaient derrière moi, je n'entendais plus mes cris, plus mon souffle. Il n'y avait plus que ce rire démoniaque qui me submergeait, mes poumons qui me brûlaient, la terreur qui me hachait l'estomac.

Dans la pénombre de l'aube, dans l'inconnu de cette demeure, je ne vis pas l'escalier en colimaçon qui prolongeait ce couloir aux mille portes. Mon pied gourd par le froid et la course fut surpris par l'absence de sol. Je tombais.

Ma tête cogna, mes genoux se heurtèrent aux murs, mes mains claquèrent contre les angles des marches, mon corps roula comme une charpie jusque sur le palier suivant mais rien ne me faisait plus mal que de réaliser que ma petite fille n'était plus là.

Je voulu me relever pour continuer mes recherches mais mes jambes refusèrent de bouger et je restais là, à genoux sur ce sol de pierre creusé par les passages incessants des années. Mes larmes commencèrent à couler, mes mots s'échappèrent en sanglots, entrecoupés par le nom de ma fille disparue.

– Où es-tu, Marianne ? Tu étais là avec moi ! Avec moi ! Où es-tu ? Reviens près de moi !

Mon instinct de mère la savait disparue mais pas kidnappée. Elle me manquait déjà, je tendis faiblement les mains devant moi comme si elle allait soudain apparaitre dans l'espace devant moi mais mes doigts retombèrent sur mes cuisses, privés d'énergie et d'espoir.

Petit à petit, ma tête se mit à moins tourner, le ricanement sadique du démon s'éloignait et alors que je gémissais de temps à autre le prénom de ma fille, j'entendis la voix inquiète d'un visage pâle :

— Votre majesté ! Votre majesté ! Que dites-vous ? Vous avez rêvé de notre Déesse ? Marianne était avec vous ? Dans vos songes ?

Je tournais faiblement la tête, trop perdue pour bien comprendre, trop perdue pour distinguer les faces composant cette foule dense qui me scrutait. Je ne pus que sangloter :

— Marianne…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Louise F. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0