2 - Par la force des choses

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    Léa venait de finir son paquet de chips et cherchait à présent une poubelle. Noll, posé sur ses épaules, semblait faire une sieste. Après un certain temps passé à trimballer le paquet vide, Léa abandonna ses scrupules et réveilla le serpent.

Léa : Noll ! Est-ce que tu vois une poubelle ?

Noll, ouvrant un œil : Il n’y a pas de poubelles dans les couloirs.

Léa : Tu es sûr ?

Noll : Oui. Les poubelles sont dans les chambres. Jette le juste par terre et on en parle plus.

Léa : Mais c’est sale !

Noll : Il y a un personnel d’entretien, tu sais.

Léa : Comment tu peux le savoir ?

Noll : Tout est propre ici. Et puis même s’il n’y en a pas, qu’est-ce que ça change ?

Léa : Mon rapport à ma dignité.

    Noll poussa un soupir.

Noll : On verra combien de temps ta dignité tiens avec ça dans la main…

Léa : Je le mettrai peut-être dans un pot de fleur, mais pas par terre.

Noll, redressant la tête : Quelle différence !

Léa : Je te rappelle que c’est toi qui est sur le sol, d’habitude.

    Elle s’arrêta et mis ses poings sur ses hanches, un sourire au coin des lèvres.

Léa : Du moins, quand tu n’es pas sur mon épaule.

Noll : Quoi ?

Léa continua de fixer Noll.

Noll : Tu ne veux pas me forcer à ramper, tout de même ?

Léa : Pourquoi pas ?

Noll : Tu veux que je dise merci, c’est ça ?

Léa : Ça pourrait être un début.

Noll : Aussi reconnaissant que je te sois, je pense que si je te remercie à chaque fois que tu me portes, on en aura vite marre tous les deux.

Léa : Que d’excuses pour être ingrat…

Noll : Merci, ô gracieuse majesté, de daigner porter mon indigne carcasse sur vos illustres épaules d’albâtre…

    Léa mit ses mains sur ses joues dans un grand sourire.

Léa : C’est si bien tourné que je pense que je t’en demanderai des comme ça plus souvent.

Noll : C’est beaucoup trop ampoulé pour être sincère…

Léa : Je sais, mais c’est comme la verroterie : c’est du toc peut-être, mais ça brille !

Noll : Je sens que je vais devenir une victime de chantage patentée…

Léa : Quoi ? Tu veux te promener sur mes illustres épaules d’albâtre sans rien payer en retour ?

Noll : Qu’est-ce qui m’a pris de dire ça ? J’ai comme le sentiment que tu vas me le ressortir toutes les deux minutes.

Léa, agitant les bras : Epaules d’albâtre, épaules d’albâtre !

Noll : Allez, altesse sérénissime, on se remet en route ?

Léa : Okidok, indigne carcasse.

    Noll poussa un soupir, puis Léa se mit à avancer en sautillant. Après plusieurs dizaines de portes, Léa remarqua un tableau sur le mur.

Léa : C’est nouveau, ça !

Noll : Tu parles ! Ce portrait doit dater de la Renaissance…

Léa : Vil flatteur et amateur d’art. Voilà un homme polyvalent.

Noll : Serpent…

Léa : Je sais… N’empêche que cette brave dame n’a pas mes illustres épaules d’albâtre.

    Noll poussa un grognement.

Noll : Serait-il possible de remonter le temps dix minutes en arrière ?

Léa, avec un grand sourire : Pourquoi donc ? Quoi que tu dises, je serai chiante !

Noll : Je suis tout à fait d’accords.

Léa : Et il me le dit en face !

Noll : Ça vaut mieux que de casser du sucre dans le dos.

Léa : Ça se discute…

Noll : Quand tu le fais dans le dos, c’est hypocrite. En face, au moins, tu assumes.

Léa : Je pense que le mieux serait de ne tout simplement pas casser du sucre tout court.

Noll : Brave idéaliste…

Léa : D’ailleurs, puisqu’on parle de dos…

    Elle se mit alors sur la pointe des pieds et déposa son paquet de chips derrière le tableau.

Noll : C’est une blague ?

Léa : Quoi ? Tu préférais l’idée du pot de fleur ?

Noll : Mais c’est sale !

Léa : Tu proposais par terre, je te rappelle.

Noll : De un, par terre, c’est déjà sale. De deux, par terre, ça sera ramassé. Derrière ton tableau, personne n’ira l’enlever. De trois, ça va abimer le tableau.

Léa : Et ?

Noll : Ce n’est pas ton tableau ! Un peu de sens commun !

Léa, haussant les épaules : Vu la taille de l’hôtel, ils doivent en avoir d’autres, des tableaux comme ça. Et puis c’est pas toi qui l’a peint. D’où ça t’embête ?

Noll : Et c’est toi qui est maniaque avec les robinets et les lumières ! Et que c’est pas Versailles, et pas de gaspillages, et gnagnagna… Tu es contradictoire !

Léa : On va surement jamais le revoir, ton tableau. Je suis sûr que dans demain, tu l’auras oublié.

Noll : Rien que parce que tu as dit ça, je vais m’en souvenir pendant des mois.

Léa : J’ai une idée !

    Elle avança alors dans le couloir jusqu’à ne plus pouvoir voir le tableau.

Léa : Là ! Pourquoi on se disputait, déjà ?

Noll : Tu fuis tes responsabilités, Léa !

Léa : Tu peux aller l’enlever, si tu y tiens tellement.

Noll : C’est pas moi qui y ait mis un paquet de chips !

Léa : Alors ? Pourquoi tu te met dans tous tes états ?

Noll : Mais… parce que !

Léa : Réponse non constructive.

Noll : Peu importe !

Léa, avec un sourire : Quand tu dis ça, c’est que tu n’as plus d’arguments.

Noll : Mais pas forcément que tu as raison.

Léa : Oui oui, bien sûr.

    Noll grogna.

Léa : Eh, Grincheux ! Va pas bouder !

Noll : Je ne boude pas.

Léa : Et en plus, il ment !

Noll : Bon, je me tais.

Léa : Et voilà, il boude.

    Pas de réponse.

Léa : Ouh, mais qu’il est susceptible ! Tout ça pour un paquet de chips !

    Les deux compères continuèrent ainsi d’avancer dans le couloir sans dire un mot pendant de nombreuses minutes. Seul un évènement inattendu permit de rompre le silence.

Léa : Il y a une porte, là.

Noll, sans regarder : Ça alors…

Léa : Jette un œil au lieu de faire ta mauvaise tête !

    Noll tourna la tête en grommelant. La porte était effectivement différente des autres. L’encadrement était plus grand et plus décoré, l’ensemble plus travaillé. Deux lampes ornementales encadraient la porte, l’éclairant d’une lumière bleutée. Enfin, elle ne portait pas de numéro, mais une plaque dorée sur laquelle était gravé les mots « salle de billard ».

Noll : Je n’en avais jamais vu avant…

Léa : Tu n’as jamais joué au billard ?

Noll : Arh ! Non, je n’ai jamais vu de porte vers une salle de billard dans cet hôtel avant !

Léa : Et tu as déjà joué au billard ?

Noll, agacé : Est-ce que j’ai l’air de pouvoir jouer au billard ?!

Léa, bas : J’en vois un qui fait sa colère…

Noll : Et il y a quoi derrière ?

Léa : Une salle de billard, sans doute.

Noll : C’était une façon de dire « ouvre la porte s’il te plait », si tu n’avais pas compris !

Léa : Bien, bien…

    Léa mis donc sa main sur la poignée et la tourna. La serrure émit un petit « clic », et la porte s’ouvrit. Derrière, une grande pièce au papier-peint bleu marine décoré dans le style art nouveau des années 20. Au fond de la pièce, une grande baie vitrée donnant sur un paysage de mer. Au centre, sous un grand lustre, sûrement en cristal, une table de billard richement décorée autour de laquelle quatre personnes étaient en pleine partie.

??? 1, qui fume un cigare : Tu devrais plutôt frapper celle-là.

??? 2, le plus musclé : Vito, tu commences à être pesant

??? 3, le plus grand : Heu, les bosos, il y a des gens à la porte…

Vito : Est-ce que ça empêche Glu-glu de faire son coup ?

Glu-Glu : Non.

??? 4, le plus petit, à Léa et Noll : Vous pouvez entrer, y’a pas de soucis !

    Léa fit quelques pas dans la salle de billard tout en fixant le quatuor tandis que Glu-glu donnait un coup dans la boule blanche, visant la n°8.

??? 3 : Vous vouliez faire une partie ? Juste le temps qu’on finisse la nôtre.

Léa : Non non ! On a juste vu la porte, et… euh… ben on est entré.

Glu-glu : Vous pouvez rester, si vous voulez. Et vous pouvez aussi prendre une bière.

    Pour accompagner sa proposition, il désigna un pack entamé de douze bières posées sur une table.

Vito : Propose pas de la bière à des gamins !

Glu-glu : Le lourd, là, c’est Vito. Faites pas attention à ce qu’y dit. Moi, c’est Glu-glu.

??? 3, levant la main en signe de salut : Moi c’est Phit.

??? 4 : Et moi, c’est Wiwaz.

Glu-glu : Mais tout le monde l’appelle Wiz-waz. C’est plus facile à prononcer.

Vito, montrant un tatouage sur son avant-bras : Et ensemble, on est les bosos !

    A sa suite, les trois autres soulevèrent leur manche pour laisser apparaître leur tatouage respectif. Glu-glu contracta ses muscles afin de mettre en valeur un « g » au centre d’une ellipse. Phit avait un « y » au centre de la sienne, Wiwaz deux « w » et un « z » et Vito un « G ». Après quelques instants d’exposition, ils redescendirent leur manche en même temps.

Léa : Cool ! Moi c’est Léa, et le serpent, c’est Noll.

Phit : Enchanté de faire votre connaissance.

Vito, donnant un coup de coude à Wiwaz : Je dirais même… charmé !

Wiwaz, dans un éclat de rire : Mais qu’il est bête !

Glu-glu : C’est pour ça qu’on l’aime bien !

Léa : On peut venir regarder ?

Wiwaz : Bien sûr !

Vito : Phit, c’est ton tour !

Noll : Vous jouez à deux contre deux ?

Glu-glu : Vito et moi contre Wiz-waz et Phit !

Léa, s’asseyant sur un grand canapé : Et qui gagne ?

Wiwaz : Nous !

Vito : Pour le moment.

    Phit se mit alors en position de visée en s’appuyant sur le rebord de la table.

Léa, désignant le pack de bières : Je peux ?

Wiwaz : Bien sûr !

Noll : Tu aimes la bière, toi ?

Léa, attrapant une bouteille : J’ai le droit d’essayer, non ?

Noll : Et ainsi se conclut la probe et honnête vie de Léa…

Léa : C’est bon. C’est une bière. Ça va pas changer ma vie.

    Tout en disant cela, elle tendit la main pour prendre un briquet posé sur un guéridon non loin d’elle. Puis, elle décapsula sa bouteille avec.

Noll : Et tu dis que tu n’as jamais bu ?

Léa : J’ai des amis qui boivent. Du coup, j’ai appris deux-trois trucs au passage.

    Elle porta alors la bouteille à ses lèvres et avala une gorgée.

Noll : Alors ?

Léa : Infect.

    Puis elle reprit une gorgée.

Noll : Mais si t’aimes pas, pourquoi tu continues ?!

Léa : Je l’ai entamé, je la fini. C’est tout.

    Noll pensa très fort le mot « contradictoire ». Pendant ce temps, Phit avait raté son coup, s’attirant ainsi les quolibets de Vito.

Vito : C’est pas brillant !

Phit : Vas-y, moque-toi. Et puisque tu es si fort, éclaire-nous.

    Phit tendit la queue à Vito, qui la prit avec un air bravache.

Vito : Je vais vous montrer ! Vous allez en tomber dans les pommes !

    Léa but une nouvelle gorgée en faisant la moue.

Noll : Arrête de te forcer !

Léa : Je vais pas en mourir, je te dis…

Noll : Reste un peu sobre, histoire de demander des informations à ces « bosos », là.

Léa : Effectivement.

    Glu-glu et Vito émirent un cri de joie quand la boule 8 tomba enfin dans le trou. Vito tira une bouffée de son cigare.

Vito, à Phit : Alors ?

Phit : Humph.

    C’est ce moment que choisi Léa pour poser ses questions.

Léa : Euh… Je me demandais si vous saviez où se trouve la réception…

Glu-glu : Ce serait pas à l’entrée de l’hôtel ?

Phit : Si.

Léa : Et comment on trouve l’entrée ?

Wiwaz : Il faut prendre l’ascenseur, si je me souviens bien…

Noll : C’est ce qu’on nous a dit.

Phit : Vous avez croisé quelqu’un ?

Léa : Un type dans la trentaine avec un accent anglais.

Vito : Un accent anglais ?

Léa : Oui. Il nous a dit qu’il s’appelait Enn.

    Le silence qui s’installa dans la pièce prouva mieux que n’importe quelle parole que Enn n’était pas étranger aux bosos.

Léa : Vous savez qui c’est ?

Wiwaz : He bien, pour ainsi dire…

Glu-glu : Disons que physiquement, on ne le croise quasiment jamais.

Noll : Mais vous l’avez déjà vu ?

Phit : Comment l’avez-vous rencontré ?

Léa : La porte de sa chambre était ouverte…

    Les bosos échangèrent un regard.

Vito, aux autres bosos : Est-ce que Tris et Anne aurait…

Glu-glu : Pas déjà ?

Wiwaz : Est-ce qu’il vous a parlé de quelqu’un d’autre ?

Noll : Comme qui ?

    Wiwaz tourna la tête vers ses camarades pour recevoir leur approbation.

Wiwaz : Est-ce qu’il aurait évoqué le nom… Are.

Léa : Pas que je me souvienne…

Phit : Ah…

Vito : Il ne s’est rien passé, alors ?

Léa : Pas vraiment… Il est sorti de sa douche, puis on lui a montré notre clé, et il nous a mis dehors.

Glu-glu : Vous avez une clé ?

    Noll commença à paniquer tandis que Léa se relevait légèrement le temps de sortir la clé au numéro effacé de sa poche. Elle la regarda rapidement. Les traces de sang étaient encore sur le porteclé.

Léa : Oui… C’est un peu bizarre, comme histoire, en fait.

Phit : Je peux la voir ?

    Noll fit discrètement non de la tête.

Léa : Hum… Je n’y tiens pas vraiment… Il y a déjà eu des problèmes avec certaines personnes.

Vito : Des problèmes ?

    Léa jeta de nouveau un regard sur les marques rouges du porte-clé.

Léa : Oui. Des problèmes.

    Glu-glu fit un pas en avant.

Wiwaz : Cette clé attirerait-elle les convoitises ?

    A ce moment-là, Léa senti Noll lui donner de petites tapes dans le dos. Il fallait partir. Ellemême ne voulait pas rester un instant de plus dans cette pièce. Elle avait une bouteille dans sa main. Elle pouvait la lancer sur l’un des quatre. Ensuite, sur son chemin vers la porte, elle pourrait renverser le guéridon ou envoyer la lampe dans le tas. Elle se força à ne pas regarder la porte en réfléchissant son plan afin de ne pas attirer l’attention.

Noll : Il semblerait.

    A ce moment, Léa bondit du canapé, envoyant la bouteille de bière encore à moitié pleine sur Phit qui la reçu en pleine face. Glu-glu fut le plus prompt à réagir et s’élança pour attraper le bras de Léa. Celle-ci, enjambant soudainement une table basse, évita de justesse la poigne d’acier du colosse qui s’étala sur le sol.

    Léa sauta par-dessus le canapé, ce qui hélas ralenti sa course, laissant le temps à Wiwaz de lui bloquer le passage.

Wiwaz : On ne bou…

    Il fut interrompu par Noll qui fusa tel un ressort droit sur son visage. Dans un cri de frayeur, Wiwaz tomba à la renverse en se protégeant la tête avec les mains. Léa franchit les quelques pas qui la séparaient de la porte et l’ouvrit à la volée. Noll retira ses crocs de la main droite de Wiwaz et fila tout droit dans le couloir avant que Phit, à peine remis du coup, ne l’attrape.

    La dernière chose que vit Léa avant de refermer la porte fur Glu-glu, courant vers elle tandis que Vito tirait une nouvelle bouffée de son cigare, toujours accoudé au billard.

* * *

    Glu-glu ouvrit la porte. Ouvrir est un terme un peu faible puisque les gonds manquèrent de peu de sauter. Il déboula sans attendre dans le couloir, prêt à écraser la fillette et son ver de terre. Au lieu de cela, il vit le corridor s’étendre à l’infini, sans personne de quelque côté que ce soit.

    A peine quelques secondes plus tard, il fut rejoint par Phit qui se tenait le nez d’où s’écoulait un peu de sang, puis par Wiwaz qui secouait sa main.

Wiwaz : Le serpent m’a mordu ! Qu’est-ce qui va m’arriver ?

Phit : Ce n’était pas une espèce venimeuse, alors arrête de crier.

Glu-glu : Où elle est ?

Phit : Elle ne serait pas entrée dans une chambre ?

Glu-glu : Elle aurait pas eu le temps. Même pour aller en face. Et j’aurais entendu la porte se fermer.

Wiwaz, tenant sa main : Ça pique !

Phit : Oh, toi, arrête de te plaindre.

    Phit fit quelques pas dans le couloir en reniflant. Il passa sa main sur le mur au papier-peint pourpre.

Phit : Est-ce que tu as vu quelque chose quand elle a ouvert la porte ?

    Glu-glu se donna une tape sur le front.

Glu-glu : Le couloir était vert !

Phit : Elle a changé d’étage…

Wiwaz : Mais comment c’est possible ?

Vito : Le hasard, sans doute…

    Les trois bosos présents dans le couloir se tournèrent à l’unisson vers le quatrième membre.

Glu-glu, pointant un index accusateur : Et toi ! T’as rien fait ! Tu l’as laissé partir

Vito, soufflant un rond de fumée : On la reverra…

Phit, plissant les yeux : Comment peux-tu en être aussi sûr ?

Vito : On ne s’échappe pas une fois l’horizon des évènements passé.

    Glu-glu, Phit et Wiwaz haussèrent le sourcil de concert, puis Phit retourna dans la salle de billard, pris la queue et la tendit à Wiwaz.

Phit, serrant les dents : Ton tour. Et Vito, tu te souviens de ce qu’on a dit à propos du hasard ?

Vito : « Le hasard n’existe pas », je sais.

Phit : Merci.

    Glu-glu entra en dernier dans la pièce, refermant la porte derrière lui. Il prit sa bouteille de bière, et avant d’en prendre une gorgée, jeta un regard par la fenêtre.

Glu-glu : Et c’était quoi, sa clé ?

Phit : Je ne sais pas… Je n’en avais jamais vu comme ça avant.

Wiwaz : Elle avait pourtant l’air normale.

Vito : Elle ne l’est pas. Et cette gamine non plus, d’ailleurs.

Glu-glu : Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

Vito : Elle voyage avec un serpent qui parle. Je doute que ce soit le cas de n’importe qui.

Phit : Mouais.

Wiwaz, à Glu-glu : Ton tour.

* * *

    Léa s’attendait à ce qu’elle n’ait même pas le temps de faire trois pas avant que les bosos n’ouvrent la porte. Elle avait peine à entendre Noll qui lui criait de courir le plus loin possible, son attention étant focalisée sur la porte. Elle n’aurait de toute façon pas pu courir, ses jambes paralysées par l’émotion. Elle put à peine faire un pas en arrière avant de s’effondrer sur la moquette smaragdine.

    Elle attendit dans cette position pendant une dizaine de secondes, mais rien ne vint. Elle constata alors que la porte était différente. Bien moins belle et décorée. Elle était à présent encore plus standard que les autres portes de l’hôtel.

    Malgré les protestations de Noll dans le brouillard de sa conscience, Léa se redressa pour ouvrir la porte. Avec appréhension, elle appuya sur la poignée et tira le bâtant vers elle. Derrière, un placard à balais.

Noll : Quoi ?!

    Léa se rendit compte qu’elle entendait enfin Noll, et que la confusion qui régnait dans son esprit commençait à s’estomper. C’est alors qu’elle remarqua que le couloir n’était plus de la même couleur. Les tons pourpres avaient cédé à un vert émeraude dont les teintes variaient sur le papier peint, le tapis et les décorations.

Léa : On a changé de couloir…

Noll, tournant la tête autour de lui : Mais… Comment c’est possible ?

Léa : Toto, we’re not in Kansas anymore…

Noll : Je crois… qu’on a changé d’étage…

Léa : Parce qu’il y a des étages dans cet hôtel ?

Noll : S’il y a un ascenseur…

Léa : Effectivement…

    Elle leva alors les yeux vers le plafond, puis se frotta le menton.

Léa : Attends !

    Elle se dirigea alors vers la porte la plus proche et en regarda le numéro.

Léa : Les numéros de chambre sont à sept chiffres ici. Il y en avait combien avant ?

Noll : Onze, je crois.

Léa : Qu’est-ce que ça veut dire ? Les numéros fonctionnent comment ?

Noll : Aucune idée. J’ai pas conçu cet hôtel.

Léa, à elle-même : L’infini n’a pas de fin…

Noll : Tu disais ?

Léa : Rien… Je repensais à ce que nous a dit Enn… A propos de l’infini et tout ça…

Noll : L’infini est un concept abstrait. Pas une méthode pour construire un hôtel.

Léa : En fait, ça m’avait fait penser à quelque chose qu’on voit en maths… Justement une histoire d’hôtel avec un nombre de chambre infini.

Noll : Je ne suis pas au fait de ce qui se raconte en cours de mathématiques.

Léa : Tu as un hôtel avec un nombre infini de chambre. Et toutes tes chambres sont occupées.

Noll : Mis à part le fait que ça va à l’encontre du concept même d’infini, est-ce que c’est seulement possible d’avoir autant de clients ?

Léa : Admettons que oui. Et là, il y a une autre infinité de clients qui arrive. Comment tous les loger ?

Noll : On les fait dormir dehors ?

Léa : Très drôle… Tu demandes à chaque client déjà présent d’aller dans la chambre dont le numéro est le double du sien. Et paf ! Une infinité de chambre se libère ! Et on peut même refaire le coup plusieurs fois !

Noll : Amusant… Sauf que je ne vois pas notre infinité de clients dans cet hôtel. Et on est même pas sûr qu’il soit infini lui non plus.

Léa : Rabat-joie, va !

Noll : Et ils les rangent où, leurs clés, dans ton hôtel ? Ils doivent avoir un sacré tableau à la réception.

Léa : C’est moi qui fait ce type de remarques, d’habitude.

Noll : Ça ne veut pas dire que tu en a l’exclusivité.

Léa : Ah oui ? Dans quoi on boit une hypersoupe ?

Noll : On est reparti chez les devinettes ?

    Léa prit Noll pour le poser sur ses épaules, puis se mit en marche.

Léa : On est reparti tout court…

    Elle fit quelques mètres, puis un sourire narquois vint se ficher sur son visage.

Léa : Sur mes illustres épaules d’alabâââtre !

Noll : Hurf !

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