Panne d'essence

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Cela fait maintenant plusieurs minutes qu'il marche. Un bidon d'essence à la main, il avance dans la nuit, froide en ce mois de septembre.

Comment s'était-il retrouvé à déambuler le long de l'autoroute ?

Tout cela à cause d'une foutue voiture. Puis un foutu portable qui tombe en panne à son tour. Et bien sûr, il n'avait pas vu passer un seul autre véhicule depuis plusieurs minutes.

Profitant du calme ambiant, il repensa à l'année qui venait de s'écouler. Ces derniers mois, son patron ne l'avait pas laché une seule fois. Il n'avait que très peu eu l'occasion de voir sa famille. C'est d'ailleurs à cause de cela qu'il se retrouvait à marcher seul dans le noir, à cause de son travail. Sa femme et sa fille était partie la veille pour rejoindre ses parents dans le Nord. Lui n'était parti que ce soir, alors que le repas de Noël était prévu pour demain. Et maintenant, il doutait même de pouvoir arriver à temps.

Il repensait également à tous ces moments auxquels il n'avait pas assisté, toujours à cause de son travail. La dernière Saint Valentin. Les vacances de sa famille. Et même le dernier anniversaire de sa fille. Et au finale, ce travail n'en valait même pas le sacrifice qu'il y consacrait.

Il s'arrêta pour changer de main, le bidon lui semblait lourd, puis il reprit sa marche. La prochaine station ne devrait pas être bien loin.

Il se remit à réflechir. Il se souvient de ses années universitaires. Il s'y était découvert un certain talent pour l'écriture. Pourquoi n'avait-il jamais continué ? Sans doute à cause de son travail, encore.

Et s'il s'y remettait ? S'il abandonnait son travail pour devenir écrivain ? Sa femme serait sans doute d'accord, revoir son mari à la maison lui ferait tellement plaisir. Et puis, il écrirait des histoires pour sa fille, il la ferait rêver. Mais est ce que ce serait la bonne solution ? Son boulot actuel était, certes, exigeant mais il payait bien, très bien même. Sa famille ne pouvait se permettre de se passer de cela.

Il s'arrêta à nouveau, le bidon lui semblait encore plus lourd. Il le prit à deux mains et continua son chemin. La station allait bien finir par apparaitre.

Il réfléchit de plus belle à sa situation. Son emploi le bouffait lentement et il ne sais pas s'il pourrait continuer longtemps comme cela. Sa fille était née il y a cinq ans et il n'avait assisté à quasiment aucun moment important jusqu'ici. Son premier mot, il était au travail. Ses premiers pas, il était en déplacement. Sa premier rentrée scolaire, il était en réunion avec des clients. Quelle tristesse.

Soudain, il fut sorti de sa réflexion par un camion de pompiers qui passa à vive allure dans le sens opposé.

"Encore un qui n'a pas été prudent, pensa-t-il."

Et puis, au bout de cette longue marche, il aperçut enfin la station service. Tout était allumé, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur, mais personne ne semblait être de garde. Il fit le tour, entra dans la petite superette, qui servait aussi de comptoir de paiements, puis ressorti inquiet.

Et là, à cet instant, il vit une personne attendre au milieu du parking de la station. Grande, mince presque squelettique, vêtue d'une longue cape noire encapuchonnée et brandissant une faux. La silhouette souleva sa cape et laissa apparaitre un doigt dépourvu de chair, de muscles ou de nerfs. Il senti un malaise mais ce n'était pas lui que la chose montrait du doigt. Il tourna la tête à gauche, puis à droite et vit un bac avec une pancarte.

"Déposez vos regrets ici."

Le bidon était de plus en plus lourd, trop pour qu'il le garde en mains. Il le déposa et se dirigea vers l'inconnue.

Arrivé à sa hauteur, elle pointa du doigt l'autoroute. Il se retourna et vit des flammes jaillirent en continue au loin. Un épais nuage de fumée noire s'élevait dans le ciel, tandis que des girophares éclairaient la nuit.

Et là, il comprit. Il comprit ce qu'il s'était passé. Il comprit qui était cette personne. Et il comprit ce qu'il lui restait à faire.

Il prit la main de l'encapuchonnée et disparut, laissant la station service à nouveau déserte.

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