L'opération

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Le même scénario se déroula de façon identique plusieurs jours de suite, jusqu'au moment où l'on nous annonça : demain, ne venez pas, les chirurgiens vont tenter sur elle l'opération de la dernière chance.

On injecte aux bons endroits un nouveau produit qui peut détruire ses cellules cancéreuses, mais aussi, éventuellement d'autres cellules vitales. Ce produit n'a jamais été testé sur l'homme et a donné des résultats mitigés sur des rats. Comme elle n'est pas curable, les médecins ont donc décidé de tenter l'expérience.

Cette décision semblait sage, mais nous inquiétait fortement.

Le curé suggéra de réunir son groupe pour une soirée prière, et nous demanda d'y participer.

La rumeur de cette prière collective enfla, l'église fut bientôt pleine, et les gens qui ne trouvaient pas de place à l'intérieur priaient sur le parvis et sur la grande place.

Pour ma part, je n'avais jamais vu une telle ferveur, une telle spontanéité ni même pensé qu'elles soient possibles dans le monde religieux froid dans lequel nous évoluons.

Après la prière, je rentrais chez moi, sachant que j'aurais bien du mal à m'endormir.

J'allais me coucher quand on sonna à la porte d'entrée.

C'était Joséphine. ( Joséphine était un ange qui était intervenu dans un chapitre précédent.)

Elle me dit que Dieu avait tenu compte de notre demande, et allait faire le nécessaire pour que l'opération de la jeune fille se termine favorablement.

J'ai eu du mal à m'endormir, mais cette fois pour la raison opposée.

Dés le matin, je me précipitais au presbytère pour rendre des comptes au curé.

Dans notre petit groupe, c'était l'euphorie.

Nous attendions confiants dans le résultat de l'opération, quand bien même les résultats définitifs ne puissent être connus avant plusieurs jours.



Les jours passèrent.

On nous avait permis de rester dans la chambre vide de la jeune malade.

Les sœurs priaient, l'attente était insupportable, même si nous en connaissions à l'avance le dénouement.

L’infirmière entra dans la chambre et fit signe aux deux sœurs de l'accompagner dans son bureau.

Quand elles sont revenues, elles pleuraient.

J'ai tout de suite compris, et j'ai éclaté en sanglots.

Je découvrais les sanglots, c'était comme un gros fou rire, mais avec des pleurs incontrôlables.

Antoine dût m'accompagner vers la sortie de l’hôpital, et même jusque chez moi en voiture, tant j'étais incapable de me diriger.

Je me couchais tout habillé, espérant que Joséphine daignerait passer pour me donner quelques explications.

Mais personne ne sonnât à la porte et je finis par m'endormir.



Le lendemain fut une journée difficile pour notre petit groupe.

De nombreuses personnes entraient dans l'église pour se tenir informées. Elles en repartaient pleines de tristesse.

La date et l'heure de l'enterrement étaient affichées sur la porte d'entrée de l'église. Nous avions bien sûr décidé d'y assister.



Le jour venu, le curé célébra la messe, l'église était comme le soir de la prière, pleine à craquer.

Après la messe, nous rejoignîmes ma voiture dans le but de suivre le corbillard jusqu'au cimetière.

À ma grande stupéfaction, Joséphine avait pu y pénétrer, et s'était installée sur le siège passager.

Les deux sœurs et Antoine prirent place à l’arrière de la voiture.

C'était la première fois que Joséphine se montrait à des personnes autres que moi.

Je l'ai donc présentée à mes amis.

Elle prit la parole :

- Dieu vous présente ses condoléances, il partage votre tristesse, et s'excuse du mauvais déroulement de l'opération.

Joséphine nous expliqua que si là-haut, le monde des hommes était scruté de près en continu, de manière précise, il n'en était pas de même du vocabulaire concernant les interventions terrestres qui n'avait pas été mis à jour depuis longtemps.

En l’occurrence, Dieu avait donné l'ordre de faire de l'opération une réussite, et de sauver la malade.

Cela a été en partie mal interprété par les exécutants.

L'opération a effectivement réussi, mais les intervenants ont traduis sauver la malade par sauver son âme, ce qui revenait naturellement à la transférer au ciel.

Les anges chargés de la surveillance de la mission ne sont pas intervenus, car ils partageaient les mêmes concepts et le même vocabulaire que les exécutants.

Après, il était trop tard pour faire marche arrière.

J'ai été envoyée pour vous porter ce message. Dieu est bien conscient que c'est le deuxième échec consécutif qui se produit lors de ses interventions dans votre région.

Il va actualiser les procédures, le vocabulaire utilisé, et former de nouvelles équipes nous dit-elle.

À un feu rouge, elle quitta la voiture, et nous la perdîmes de vue.



Le cimetière était bondé, les gens priaient, certains pleuraient.

Le miracle n'avait pas eu lieu.

C'était le signe que la vie continuait, dans la tristesse et la douleur.

Comme avant.

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