XXXV [corrigé]

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Anna ne s’était pas trompée : la falaise légèrement incurvée offrait un abri parfait. Le ruisseau coulait à quelques encablures de là et prodiguait une source d’eau douce intarissable. Et qui disait eau douce, disait souvent gibier.

Mais pas ce soir. Ce soir, elles se contenteraient des dernières provisions glanées dans le garde manger de Mawhiba.

Sélène, silencieuse, s’occupa d’allumer le feu. Elle avait également rassemblé deux tas de feuilles orangées cueillies sur les immenses arbres afin de confectionner deux couchages bien distincts. Et distant de plusieurs mètres l’un de l’autre.

Anna ne se formalisa pas. Elle ôta sa magnifique robe et la plia soigneusement. Pour tout habit, elle se coucha enveloppée dans la cape que lui avait offerte Tarld. Tout cela lui paraissait si lointain maintenant. Même Mär-völ semblait diffus dans son esprit. Elle revoyait encore une fois le visage déformé de son frère lors de la Bataille des champs de maïs et de colza, le sourire de l’Étranger, la douleur d’Estelle. Tous ces souvenirs avaient-ils encore réellement une place dans son esprit ? Devait-elle s’encombrer de tant de cauchemars et de regrets ? Puis le rire de Sélène résonna comme un écho. Oui. Elle devait chérir ces souvenirs.

L’Échosiane se retourna dans sa couche. Elle n’arrivait pas à dormir. Elle devina que Sélène non plus, puisque celle-ci la fixait à travers le feu qui les séparait, sans cligner des paupières. Mais finalement, au plus profond de la nuit, le sommeil finit par les rattraper.

Au petit matin, Anna fut réveillée par une odeur qu’elle n’avait pas sentie depuis une éternité : celle de la viande qui rôtit.

En effet, au-dessus du feu plus vivace que jamais, deux rongeurs indéfinissables grillaient au bout d’une broche improvisée.

D’un air ravi, Sélène accueillit le réveil de son amie :

J’ai choppé ça pendant que tu pionçais. Il faudra peut-être retirer des fragments d’os parce qu’un carreau, ça n’est pas une flèche, mais au moins on aura un petit-déj !

Anna la regarda avec insistance. Avait-elle rêvé les événements de la veille ? Le filament cristallin au-dessus de la tête de sa compagne lui indiqua que non.

Comme si la jeune fille était capable de lire ses pensées, elle reprit :

Ne t’en fais pas pour hier. Je crois que je suis un peu jalouse. Tu as plein de supers pouvoirs, pendant que moi je sursaute à la vue d’une moufette à six pattes et que je me trimbale dans un sari déchiré. Pas que j’ai peur d’un quelconque voyeur, mais ils ont des insectes qui piquent et ça me gratte affreusement les fesses.

L’Échosiane se leva, sourit et s’approcha de son amie. Elle saisit la tête de Sélène entre ses mains et planta son regard dans le sien. Au fond de ses yeux, elle voyait encore trembler la lueur de la peur.

Sélène, commença-t-elle avec un sérieux inhabituel, tant que je serai maîtresse de mes pouvoirs, je m’en servirais pour te protéger, jamais pour te nuire. Je. Te. Le. Promets.

Voilà. Elle l’avait dit. Ces quatre mots, elle les honnissait. Mais cette fois il s’agissait d’une promesse qu’elle ne pouvait rompre.

Tant mieux, répondit Sélène, car tes pouvoirs tu risques de devoir t’en servir encore une fois ou deux.

Que veux-tu dire ?

En allant chasser, je suis tombée sur un truc… intéressant. Mais mangeons, d’abord, ensuite je t’amène voir ça.

Sélène, raconte-moi…

Mangeons, s’il te plaît, l’interrompit la jeune fille.

Anna soupira. Elle devait lui faire confiance. Quoique ce fut, si son amie jugeait que ça pouvait attendre le temps de déguster un animal non identifié, c’est que c’était le cas.

Sans pour autant s’empêcher d’y penser, elle croqua à pleines dents dans la chair blanche de l’animal. Ça n’avait ni plus ni moins le goût d’un lapin de Kär-feld. Elle s’en délecta jusqu’au dernier morceau de viande.

Une fois qu’elles eurent toutes deux fini leur festin, Sélène se mit sur ses deux jambes et attrapa son arbalète et son carquois.

Prends ton sabre, il se pourrait que tu en aies besoin, dit-elle.

Tu m’inquiètes, mon amie, répondit Anna avec un regard en coin.

Je sais. En route. Ça n’est pas très loin.

En effet, elles n’eurent qu’à gravir le coteau au pied duquel elles avaient bivouaqué pour apercevoir à quelques centaines de mètres les ruines d’une bâtisse dont l’architecture ne laissait place à aucun doute. Coincée entre deux cours d’eau au milieu d’une vallée d’herbes jaunes, la structure dominait la région sans égal.

Un bâtiment Tän-agyd ? questionna Anna tant pour Sélène que pour elle-même.

Une tour de guet, je crois, confirma la jeune fille. Mais ça n’est pas le plus intéressant. Regarde l’entrée ouest.

En plissant les yeux, l’Échosiane distingua quatre silhouettes aux proportions familières. Elles gardaient une porte dont l’arche était depuis bien longtemps éboulée.

Des Templiers, souffla-t-elle.

Précisément.

Que fait l’Église ici ? pensa-t-elle à haute voix.

L’Étranger n’avait-il pas parlé de ça ? se rappela Sélène. Chez Smaël, à Ain Salah. Il avait dit que l’Église avait encore des forces armées qui attendaient à l’Extérieur. Il ne mentait pas.

De toute évidence… Mais pourquoi ici ? Que fabriquent-ils ?

Mais avant qu’elle ne pût terminer sa phrase, un élément de réponse s’offrit au duo. Anna n’en croyait pas ses yeux : quatre créatures terriblement familières s’extirpèrent de la forêt de l’ouest qui recouvrait les contreforts des montagnes. Quatre créatures avançant sur six pattes, recouvertes d’une carapace dont les reflets bleutés lui parvenaient avec un éclat particulier. Quatre créatures qui, malgré la distance, ressemblaient farouchement à celles de Felerive.

C’est impossible, lâcha-t-elle dans un souffle.

Qu’est-ce qu’elles tiennent dans leur gueule moche ?

Des enfants…

La jeune fille eut un mouvement de recul, les yeux exorbités.

Des quoi ? hoqueta-t-elle.

Des enfants. J’ai déjà affronté ces créatures. Dans un village du nord, avant de rejoindre Cyclone. Elles enlèvent les plus jeunes des villages en tuant ceux qui leur résistent.

Témoins silencieuses, elles observèrent l’étrange convoi se faufiler entre les Templiers, placides, et les gravats de la ruine jusqu’à disparaître dans la tour.

Anna ne dit pas un mot. Elle se redressa et contempla un moment la plaine qui s’étendait sous elle. Une brise souleva ses cheveux noir de jais, et dans ses yeux brillait une fureur intense. Sans rien dire, elle avança d’un pas déterminé vers l’édifice.

Noiraude, attend !

Mais l’Échosiane n’écoutait plus. Tout son esprit était déjà focalisé sur cet endroit. Elle décrocha son sabre de sa ceinture et jeta le fourreau au sol.

Sélène la suivit, empoignant son arbalète et ramassant le fourreau sur le chemin. Elle essayait tant bien que mal d’armer un carreau sans s’arrêter.

Lorsqu’elles arrivèrent dans le champ de vision des Templiers, ceux-ci se mirent en position de garde, leur imposante hallebarde brandie vers l’avant.

Anna leva la main et quatre éclairs s’abattirent du ciel, frappant les soldats sans merci. Ils s’écroulèrent, morts, alors qu’une fumée répugnante s’échappait de leur armure d’or.

L’Échosiane passa sans ralentir sous l’arche en ruine. La végétation avait envahi les lieux, mais les traces au sol témoignaient de va-et-vient réguliers.

Elle suivit son instinct et s’engouffra dans la tour où brillaient quelques torches en fin de vie. Dans le vaste hall d’entrée au milieu duquel partait un escalier en colimaçon, cinq autres Templiers attendaient, parfaitement immobiles. Devant l’intrusion de la jeune femme, ils firent face à la menace, toutes armes dehors.

Mais Anna coupa sans force les cinq lignes d’argent qui brillaient au-dessus des silhouettes sans âme de ses opposants. Les cinq armures heurtèrent le sol pavé dans un vacarme retentissant.

Elle ne ralentit pas non plus lorsqu’elle s’engagea dans l’escalier étroit. Elle en gravit implacablement les marches, et arriva au deuxième étage. Une dizaine de créatures identiques à celles de Felerive se jetèrent sur elle d’un bond, abandonnant leur repas auséabond.

Il y eut un flash aveuglant, une odeur de chitine brûlée, puis une épaisse fumée bleue laissa place à dix cristaux posés sur le sol.

Elle continua jusqu’à l’étage suivant, bien plus haut, et y découvrit l’horreur : un jeune garçon, inconscient, gisait sur une vaste table de pierre sombre. Enchaînés contre un mur, une dizaine d’autres se tenaient droit, le regard vitreux, émaciés et malades. À l’opposé ceux qui devaient être les nouveaux arrivants pleuraient et criaient. Ils étaient enfermés dans une cage aux barreaux de fer, recouverte par un linceul brodé de l’étoile à onze branches.

Dos à elle, un homme vêtu d’une simple bure noire et blanche se saisit d’un marteau et d’une tige, et sans hésiter, enfonça d’un geste sec cette dernière dans l’orbite du pauvre enfant.

Anna, cette fois, s’arrêta net.

L’homme se retourna doucement.

Morald. dit-elle équanime.

L’homme ouvrit grand les yeux.

A… Anna ? Mais que fais-tu là ?

La vingtaine de prêtres et de moines qui travaillaient dans la mezzanine au-dessus d’eux s’arrêtèrent comme un seul homme. Dans l’escalier derrière elle, la jeune femme entendait les bruits de pas lourds des Templiers qui arrivaient en renfort.

L’homme regarda tout autour de lui. Il eut un rictus.

Même une armée ne saurait te vaincre, n’est-ce pas ? J’ignore ce que tu crois savoir, mais laisse-moi une chance de t’expliquer ce qu’il se passe ici.

Anna ne dit rien. Son regard fixait tour à tour le matériel et les livres de la mezzanine, son ancien mentor, l’enfant inanimé, les prisonniers et ceux qui avaient déjà été trépanés. Elle ignorait pourquoi, mais elle fit signe au prélat de parler.

Je dirige une branche scientifique de l’Église, commença-t-il en s’asseyant sur le rebord de la table d’opération. Et ici nous cherchons des solutions.

» Tu n’es pas sans connaître les Agides. Cette race nous est immensément supérieure ; il y a bien longtemps, ils vécurent parmi nous, simples humains. Ils foulaient comme nous les terres de Karfeld. Ils nous ont tant et tant appris ; nous leur devons la plupart de nos connaissances et de notre Histoire. Ils nous aimaient. Plus que tout. Plus que leur propre survie, ils nous aimaient. Mais cet amour les menaçait et une caste menée par un prince ne put le tolérer : il nous maudit, nous tous, humains. Dès lors, sitôt qu’un Agide entrait en contact avec Karfeld, il mourrait, et si un humain tentait d’en sortir, il mourrait également.

» Seulement les autres Agides ne pouvaient renoncer à cet amour. Ils ont puni le renégat et sa caste et ont cherché un moyen de lever la malédiction, sans succès. Ils ont continué à veiller sur nous depuis les monastères des montagnes de la bordure, mais même ici, trop près de Karfeld, ils agonisaient.

Il se leva et s’approcha des enfants silencieux et enchaînés.

Alors ils ont eu une idée, et cette idée ils l’ont instillée en nous : l’Église. Elle permettait de réunir les tribus humaines en une seule. À sa tête ils ont nommé un pape, lui-même descendant d’une union entre une Agide et un homme, un Échosiane, comme toi. Son but était d’unir les hommes autour d’un objectif commun : trouver un remède à la maladie qui nous empêchait de nous lier à eux. Les Templiers sont nés de ces recherches. Des hommes, capables de vivre à l’Extérieur. Mais ils sont privés de leur libre arbitre et même de leur conscience.

» Ces guerriers ont remplacé les Agides aux frontières, protégeant à leur place Karfeld et ses habitants.

» L’État fut instauré peu après, et dès lors, chaque roi était mis dans la confidence. En bonne intelligence, les deux institutions œuvraient pour retrouver ce que nous avions perdu : l’amour des anges, Anna. Et puis vint le règne de Edmond III de Célune. Un vieil humaniste qui, avec le poids des âges, ne supportait plus ces recherches. Il a cherché à nous empêcher de continuer, alors il a… disparu. Disparu sans pouvoir révéler son secret.

» Notre Pape vénéré (il embrassa son index) a alors jugé qu’il était temps de passer à la vitesse supérieure. Cela fait plusieurs siècles maintenant qu’aucun progrès ne nous permet de nous rapprocher des anges, il fallait que cela cesse.

Le prélat prit une longue inspiration. Au-dessus, les prêtres et les moines écoutaient avec attention. Il était à parier que la plupart n’avaient jamais entendu cette histoire.

Alors il a été décidé de nous passer de l’État, reprit Morald. Nous avons continué nos recherches sur des enf… nous avons continué, mais avec plus de moyens, et aujourd’hui, nous touchons presque au but ! Bientôt nous pourrons sortir de Karfeld en toute sécurité, bientôt les Agides pourront revenir. Il nous faut ramener le peuple de Karfeld dans la lumière, il nous faut être dignes des Agides lorsqu’ils reviendront.

Il marqua une pause pendant laquelle il toisa Anna un instant, le regard plein de compassion.

Je suis désolé pour tes amis à Ain Salah, où ceux qui habitent dans les montagnes, loin de la civilisation, loin de la foi. Vraiment, je suis navré. Mais c’est le prix à payer pour retrouver nos anges ! J’ai dû moi-même tant sacrifier.

Il ferma les yeux un instant et posa sur la table ses instruments de torture. Lorsqu’il rouvrit ses paupières, Anna sentit peser sur elle un regard plein de fierté, de satisfaction. Elle eut envie de vomir.

Regarde-toi ! hurla-t-il soudain le visage euphorique. Tu es toi-même une Échosiane ! Tu descends directement des anges ! Leur sang coule dans tes veines, tu es une bénédiction, un être supérieur. Ne souhaites-tu pas retrouver les tiens ? Tes créateurs ?


« Vous ne nous connaissez pas. »


La voix de la jeune femme sembla briser les pierres déjà branlantes de la tour. Son intonation froide paralysa chaque personne douée de conscience présente dans la pièce, pourtant il n’y eut aucun son. Tel Zeäl-maïem à Mär-völ, elle leur avait parlé directement dans leur crâne en langue Tän-agyd. Elle savait que Morald ne comprendrait pas le sens de cette phrase, mais il pouvait lire au fond de son âme sa pensée exacte.

Mais… pourquoi ainsi ? Pourquoi des enfants ? reprit-elle en langue commune.

Depuis des siècles, l’Église a chercher d’autres solutions. Plus humaines, moins barbares, mais à chaque fois, nos enchantements ne fonctionnaient que sur les enfants. Juste avant l’adolescence. C’est à ce moment là que notre magie opère le mieux ! Certains Templiers créés récemment sont même capables de prononcer des phrases simples ! Nous sommes proche, si proche de trouver la formules parfaites, celle qui donnera naissance à une génération capable d’explorer, d’exploiter et de coloniser l’Extérieur. D’aller chercher les Anges et leur dire que nous sommes prêts à retourner auprès d’eux. Peux-tu seulement imaginer ?

Vous faites tant erreur que c’en est navrant, cracha Anna. Vous n’êtes pas sur le point de trouver de remède à la malédiction, car vous êtes la malédiction. Vous servez un Échosiane depuis longtemps rendu fou par celle-ci. Vous enlevez des enfants à leurs parents dans l’indifférence générale, sur des prétextes arbitraires qui servent votre cause. Mais la vie du moindre de ces enfants vaut mille fois la vôtre, ou celle de n’importe quel Cardinal ou Pape de cette Église imbécile. Je comprends maintenant ce qui m’a poussée à venir ici, en Väl-rina.

» Je devais voir ça de mes yeux. Je devais me souvenir de Felerive, du regard de Sebastian, ou celui de Cassandre. Je devais comprendre pourquoi je suis celle que je suis. Je vais retourner en Kär-feld, une dernière fois. Je vais détruire l’Église, anéantir ce Pape et démanteler brique par brique cette Cathédrale.

Le prélat voulut s’indigner, mais elle le coupa :

Les Tän-agyd voulaient notre amour jusqu’à nous pousser à tuer nos propres enfants. Mais leurs valeurs ne sont pas les nôtres et ne devront jamais l’être. Le but de l’Église était de nous apprendre à penser comme eux, à vouloir ce qu’ils veulent. Mais demain j’offrirai aux Hommes le droit de choisir. Et vous, Morald, ne m’en empêcherez pas.

L’homme d’Église voulut lancer un sort, mais l’Échosiane ne lui en laissa pas le temps. D’un mouvement nonchalant, elle coupa net le filin iridescent qui le tenait en vie. Avant même qu’il ait heurté le sol, les pseudo-scientifiques se mirent à crier et les Templiers passèrent à l’assaut.

Mais toute puissante qu’elle était, les forces en présence la submergèrent. Elle en tua deux, trois, puis un coup de masse l’atteint à l’épaule. Sa vision se brouilla, mais elle put invoquer une bourrasque qui envoya rouler une demi-douzaine de ses adversaires dans les escaliers.

Du haut de la mezzanine, les scribes avaient repris contenance et faisait pleuvoir sur la jeune femme une avalanche de livres, d’outils ou de pierres.

Soudain, depuis l’ouverture d’une fenêtre, un carreau vint perforer le heaume du Templier le plus menaçant, laissant un peu de répit à Anna. Elle en profita pour courir vers l’étage inférieur où elle serait à l’abri des projectiles. Sur le chemin, elle sectionna le fil de vie d’une paire d’autres guerriers. Anna s’engagea dans une vaste salle vide dans laquelle les soldats du clergé s’étaient remis sur pieds et avançaient vers elle d’un pas cadencé. Anna se recroquevilla sur elle-même, prête à se défendre.

Un autre carreau surgit de nulle part et envoya à la mort le plus grand des colosses.

L’Échosiane respira un grand coup et ferma les yeux. Le trait venait de derrière elle, aussi pouvait-elle frapper vers l’avant sans retenue. Elle rassembla toute sa rage, tous ses démons dans la lame de son sabre et tailla l’air devant elle d’un coup ample. Par magie, la frappe fut portée sur plusieurs mètres, et, comme touchés par une lame invisible, tous les liens de vie cédèrent en même temps. Il y eut un vacarme assourdissant, puis plus rien. Le silence.

Sélène profita de ce moment pour se glisser à l’intérieur depuis une meurtrière en partie effondrée. Sans un mot, elle retira son carreau du crâne de sa victime, seulement pour constater que la pointe avait volé en éclat.

Il en reste ? demanda-t-elle en réarmant l’arbalète.

Je ne crois pas, répondit Anna à bout de souffle. Mais reste sur tes gardes.

J’ai pas tout entendu ce que disait le bonhomme, mais ça n’avait pas l’air réjouissant. Tu me fais un résumé ?

Anna lui expliqua tout, y compris l’identité du fameux bonhomme. Et sa décision de mettre fin au règne du Pape.

Et la maîtrise de ton pouvoir ? Ton exil à l’Extérieur, c’est déjà caduc ? s’enquit la jeune fille se frottant son œil marqué.

Non. Mais je suis la seule à pouvoir mettre un terme à cette folie. J’ai vu de mes yeux ces créatures (elle désigna les cristaux qui jonchaient encore le sol) enlever les enfants de mes amis. Je ne veux pas que cela continue pour l’objectif égoïste d’une race qui n’est pas la nôtre. Et mon exil vient de se transformer en quête. J’ai quelques questions à poser aux Tän-agyd. Allons-y.

Elle se dirigea vers la sortie, mais Sélène resta plantée sur place. Anna se retourna vers son amie, intriguée.

Hé bien ? Qu’attends-tu ?

Tu veux renverser l’Église pour ces enfants que tu as vu partir. Mais que fais-tu de ceux qui sont là-haut ?

La jeune femme rougit de honte. Elle n’avait pas de réponse. Ces pauvres êtres sans défense étaient encore au dernier étage, dans leur cage, en compagnie d’une tripotée d’hommes soumis à l’Église. Elle se gratta machinalement la nuque et essaya de cacher son malaise.

Oui. Tu as raison, allons les libérer.

Nous allons tous les libérer, insista Sélène.

Lorsqu’elles pénétrèrent dans la salle d’étude, le calme était revenu. Les deux femmes sentaient se poser sur elle le regard des occupants de la mezzanine, mais elles les ignorèrent.

Anna trouva dans les poches de la bure de les clés de la cage et s’empressa de libérer les enfants. Dans le même temps, Sélène soustrayait ceux déjà affligés du traitement de l’Église à leurs chaînes.

Suivez-moi, leur dit-elle d’une voix douce et apaisante. C’est terminé maintenant, vous êtes en sécurité avec moi.

Ce dernier mot avait sonné d’une drôle de manière aux oreilles de l’Échosiane. Mais son amie avait raison. Ils n’étaient en sécurité qu’avec Sélène.

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