XXXX [corrigé]

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Il fallut plusieurs secondes aux yeux d’Anna à se faire aux ténèbres environnantes.

Elle entendit plus qu’elle ne vit l’Étranger la rejoindre dans l’immense nef de la Cathédrale. Comme elle le pressentait, c’est ici que tout se jouerait. Le Pape devait attendre quelque part dans les étages supérieurs, bien protégé par une cohorte de Templiers.

Plus ses pupilles s’élargissaient, plus elle distinguait des formes de moins en moins abstraites tout autour d’elle : l’endroit n’avait rien des églises que l’on pouvait croiser en Karfeld. Des herbes, des bosquets, des arbres qu’elle ne reconnaissait pas poussaient là où auraient dû se trouver bancs et pupitres. Chacune de ces plantes venait de l’Extérieur.

Alors seulement, elle remarqua cette odeur si particulière de pétrichor ainsi que d’humus, et cette moiteur semblable au jardin hydroponique traversé sur la route vers Mär-völ.

Ses pieds foulaient une herbe aux larges bords mauves d’où s’échappaient d’étranges scarabées au corps nitescent.

Sous sa peau, des milliers de fourmis se mirent à s’agiter. Anna pouvait presque entendre leurs pattes gratter contre ses os, comme elle avait pu les entendre dans cette clairière en descendant de Val-de-Seuil.

Or elle savait qu’aucun insecte ne grouillait dans ses chairs. Elle tenta de résister, mais chaque parcelle de son corps l’irritait déjà. Elle tomba à genoux.

L’Étranger ne la remarqua pas tout de suite, tout ébahi qu’il était par l’incongruité des lieux.

Mais lorsque son regard croisa celui de la jeune femme, il se précipita auprès d’elle.

Anna, mon amie, que se passe-t-il ?

Ça… va passer, geignit-elle.

Alors elle se réfugia dans ses souvenirs. Elle oublia tout ce qui l’entourait, tout ce qui crissait sous son tégument. Elle replongea dans les souvenirs heureux de sa vie d’antan.

Elle vit ses parents la consoler alors que la flèche qu’elle venait de tirer avait manqué sa cible dans une large mesure. Mais sa mère était déjà si fière.

Elle vit Esther, bien sûr, souriante, vêtue de la même tenue que le jour de son départ. Elle riait à une blague de mauvais goût racontée par Valian, tout aussi hilare. Ce dernier avait les yeux humides de larmes joyeuses.

Elle vit Hector, Cassandre, Sebastian, Anton, Milton.

Elle vit Sélène.

Puis Anna rouvrit les yeux. Elle était allongée sur le côté, recroquevillée, l’Étranger accroupi près d’elle. Au-dessus de lui brillait un filin iridescent qui traversait le toit du bâtiment.

Elle se redressa, sans douleur. Tout était fini.

Et tout pouvait enfin commencer.

Soudain surgit une voix familière :

Ha, voici enfin que se montre la fameuse Échosiane !

Depuis le sommet d’un escalier en colimaçon niché dans le transept ouest, le Pape, flanqué de ses trois cardinaux restants et d’autant de Templiers, descendait les marches une par une, d’un pas aussi lent qu’implacable.

Anna inspira longuement en fermant les yeux. Sur l’expiration, elle passa sa langue sur ses lèvres, se délectant de la quantité folle d’énergie qui grésillait dans l’air. Elle retrouvait enfin ce sentiment de toute-puissance, cette exaltation à laquelle elle avait goûté en Väl-rina.

J’ai pu sentir votre aura depuis mon balcon. Vous empestez la magie, très chère, reprit le Pape.

Votre règne touche à sa fin, brailla l’Étranger en embrasant son épée d’un geste ample. Nous ne sommes pas venus ici en paix.

J’en suis certain.

Nous savons tout, poursuivit le jeune homme. Tous vos secrets, et vos manigances. Vos expériences sur les enfants. C’est terminé. Le peuple saura.

Peu importe...

Plus il descendait les marches de l’escalier, plus Anna parvenait à détailler l’homme qui devenait en cet instant sa némésis.

Il avait l’air âgé d’une cinquantaine d’années, guère plus. Une barbe blanche couvrait sa mâchoire inférieure, surmontée d’une moustache en guidon bien entretenue. Mais le détail que la jeune femme releva entre tous fut ces cristaux apparents noyés dans ses sourcils broussailleux et au-dessus de ses lèvres.

Le doute n’était donc plus permis : elle se trouvait face à un autre Échosiane.

L’Étranger et son vis-à-vis continuaient à se parler, l’un menaçant l’autre tandis que le second raillait le premier. Mais ces paroles n’avaient plus aucun sens. Ni lieu d’être. Le Pape se montra de cet avis.

Sitôt qu’il posa son pied dans l’herbe mauve, il fit un geste négligent vers l’Étranger. Sans un mot, les trois Templiers se précipitèrent sur lui et engagèrent le combat. Le Pape susurra quelques ordres à l’oreille d’une cardinale aussi âgée que voûtée, qu’Anna reconnut immédiatement, et elle disparut, accompagnée de ses deux acolytes, dans un autre escalier vers les entrailles de la bâtisse.

Puis ils se firent face. Anna et le Pape. Enfin.

Leurs regards se croisèrent. Une communion étrange se forma alors. Une union pure et parfaite, hors de ce monde, hors de cette réalité.

Elle le sentait fouiller dans son esprit, dans sa mémoire, tandis qu’elle découvrait ses secrets les mieux enfouis.

Du mépris, de la colère et de la peur empoisonnaient les méandres spirituels du pontife. Elle perçut son attrait pour le sang, la violence et le pouvoir. Il avait lui-même éliminé son prédécesseur, car il le jugeait trop faible, trop paresseux, refusant de faire ce pour quoi il avait été nommé : vaincre la malédiction. Alors il avait pris sa place. Le fanatisme avait remplacé la foi.

Il avait sur les mains le sang de centaines d’enfants, sacrifiés au nom d’une cause étrangère. Sacrifiés pour l’amour des Agides.


« Tes agissements s’en vont vers leur fin »


Adressa-t-elle mentalement au Pape. Elle n’eut qu’un froncement de sourcil pour toute réponse. Son expression trahit un bref sentiment de peur, d’incompréhension. Qu’avait-il trouvé dans l’esprit d’Anna qui puisse le déstabiliser ainsi ? Ou peut-être… peut-être ne comprenait-il pas la langue des Tän-agyd ?

Oh, alors c’est cela, soupira le pontife, l’air véritablement vexé. Tu penses que je suis un monstre. Un tyran rendu fou par son pouvoir. C’est uniquement pour cela que tu as juré ma perte, Anna ?

Comment justifier l’enlèvement et le sacrifice de tant d’enfants si ce n’est par folie et monstruosité ?

Par espoir bien sûr ! Par espoir de guérir ce royaume ! Je sais ce que tu comptes faire, je l’ai vu en toi. Tu souhaites m’anéantir pour mes crimes, avant de prendre la fuite. T’échapper de cette réalité en gagnant l’Extérieur.

Il leva les deux mains dans un geste compatissant.

Je comprends, je comprends… mais est-ce vraiment moins monstrueux que ce que je souhaite accomplir ? Tu ne seras plus là. Soit. Mais que se passera-t-il le jour ou un être véritablement cruel naîtra Échosiane ? Combien d’enfants mourront ? Je ne fais rien d’autre que chercher une solution, Anna. Alors que toi tu abandonnes. Tu t’enfuis.

Une solution digne de ce nom ne passe pas par l’enlèvement et le meurtre ! Vous avez brûlé une ville entière parce qu’elle refusait de se soumettre. L’Échosiane cruel dont vous parlez existe déjà ! Si une solution doit être trouvée, ça sera par la volonté du peuple, en connaissance de cause. Vous êtes un monstre. De la pire espèce puisque vous ne vous en rendez même pas compte.

Son adversaire eut une moue désolée que remplaça vite un sourire pincé. Dans le même temps, la vieille cardinale revint des souterrains. Elle tenait dans les mains un fourreau contenant une épée faite du même métal blanc que le sabre d’Anna.

Le Pape s’en saisit et tira au clair la lame d’une immense claymore. Son sourire se fit plus sinistre.

La jeune femme profita de cet instant pour s’assurer de la situation de son compagnon, lequel s’était déjà défait de deux des molosses de l’Église.

Bien, trancha le hiérarque. Il n’y a plus aucune raison de discuter. Peut-être sommes-nous seulement deux idiots trop noyés dans nos croyances pour voir la vaine vérité.

Il raffermit sa prise sur la garde de son arme.

Que le moins idiot des deux gagne.

Il tendit une main devant lui. D’abord il ne se passa rien. Anna voulut mettre cet échec à profit et se rapprocha de son ennemi, bien décidée à rompre ce filin argenté qui dansait au-dessus de sa mitre. Elle se sentait si bien, si puissante, si vivante. Rien ne pourrait l’arrêter. Chacun de ses pas la dirigeait vers l’anéantissement de cet être, de ce rival. Elle jubilait.

Mais son élan se stoppa net.

Une brûlure intense s’empara soudain de tout son être. Une brûlure horrible, indistincte, qui perçait à travers sa peau et ses habits jusqu’au plus profond de ses entrailles. Du sang se mit à couler du moindre de ses orifices : oreilles, nez, bouche. Même de ses yeux. La douleur irradiait chacun de ses organes.

Un cri inhumain sur sa droite lui apprit que l’Étranger subissait le même sort.

Anna tomba à genoux. Cette flaveur ferreuse et ce vrombissement incessant empêchaient toute riposte.

Trop sûre d’elle, enivrée par la puissance, la jeune femme avait sous-estimé le pouvoir du Pape.

Dans un sursaut, elle parvint à porter son regard sur son vis-à-vis à travers le voile vermeil qui couvrait ses yeux. Il lui restait une chance. Une seule. Elle projeta une vague d’énergie brute nourrie de tout son courage et tout son désespoir contre son bourreau.

L’homme encaissa le coup sans broncher.

Tout était perdu.

Une erreur. C’était tout ce qu’il avait fallu pour échouer. La vie s’en allait petit à petit de son corps pourtant robuste de montagnarde. La flaque de sang dans laquelle elle baignait grandissait chaque seconde un peu plus. Anna était prête à s’y noyer.

Soudain une voix reconnaissable entre mille perça les hurlements de l’Étranger.

Touche pas à mon apprentie, vieux dégueulasse.

Un flash bleu éblouit la jeune femme et la douleur s’estompa.

Elle profita de ce répit inespéré pour faire faire tomber un voile de réjuvénation salvateur. Une saine chaleur se diffusa jusqu’au plus profond de ses organes ainsi que ceux de l’Étranger, soignant brisures et déchirures. Ils ne mourraient pas. Pas encore.

Ce faisant, Anna se redressa péniblement. Dans l’encadrement d’une fenêtre béante, Estelle se tenait droite, glorieuse comme toujours, invoquant une série d’éclairs azurés sur la silhouette au fond de la nef.

Un bref instant, le regard de la clergesse croisa celui d’Anna et son cœur se fendit. Car ce regard, c’était celui du sacrifié. Derrière les iris émeraude brillait l’éclat fugace de la mort. Estelle se savait condamnée. Elle savait qu’elle ne l’emporterait pas. Était-ce une rédemption ? Une quête de pardon ? Peu importait finalement, car elle offrait à Anna un répit salvateur.

Hélas, encore affaiblie par l’affliction de l’ennemi, celle-ci assista, impuissante, au châtiment de ce dernier. La claymore fendit l’air dans un sifflement sinistre. Estelle s’écroula, inanimée, un sourire figé sur ses lèvres carminées.

Plus aucun lien ne brillait au-dessus de la forme inerte de son ancienne mentore. Anna proféra un juron à voix basse qu’une larme vint noyer.

L’Étranger, lui, ne put garder sa peine silencieuse. Il poussa un cri guttural qui fit trembler la végétation de la Cathédrale. Un hurlement de rage et d’impuissance qui résonna longuement.

Tandis qu’Anna récupérait encore ses forces, elle vit le jeune homme au pourpoint bleu piétiner le cadavre du dernier Templier qui, à l’instar de la cardinale, n’avait pas survécu au sortilège du Pape. Il avança d’un pas lent, épée ardente en main, vers son ennemi juré.

Allons mon garçon, se moqua ce dernier. Que penses-tu pouvoir me faire avec ça ? Si une Échosiane ne peut me résister…

Il laissa sa phrase en suspend, puis son expression se durcie, sa voix se fit amère :

Pose ton arme. Rends-toi.

Un roi ne se rend pas.

Un roi ? Un roi ! Florial ? Florial de Célune ! s’amusa le Pape alors qu’il se fendait d’une révérence exagérée. Mon seigneur, ravi de vous retrouver. Mais peut-être m’avez-vous mal entendu dehors ? Je disais que l’État n’existe plus. Vous n’êtes le roi de rien du tout. Mettez votre honneur de côté, il ne vous sauvera pas. Posez votre arme, retournez à l’anonymat, c’est votre seule chance.

Or l’Étranger avança encore, réponse silencieuse aux injonctions du Pape. Ses mouvements étaient saccadés, brouillons. Ils trahissaient la terreur qui coulait dans ses veines. Le souverain se retourna vers Anna, les yeux embués. Celle-ci devina l’intention de son compagnon : lui aussi comptait se sacrifier. L’ascendant de l’Échosiane face à lui était sans commune mesure. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était offrir un peu de temps à Anna. Un nouveau sacrifice, un nouveau pardon...

... que la jeune femme n’accepta pas : elle tendit sa main vers le plafond et tira vers elle. Un éclair traversa la voûte de la nef et s’abattit sur le Pape. Il eut tout juste le temps de se protéger que la lame embrasée de Florial lui entama le flanc dans un geste désespéré.

Par réflexe, le hiérarque lui asséna une gifle du revers de la main qui envoya le pauvre roi se briser contre les moellons de la Cathédrale.

Blessé, mais pas vaincu, le pontife porta une main à son ventre. L’expression sur son visage changea. La haine et la colère brûlaient maintenant au fond de ses yeux comme un brasier que rien ne pourrait étouffer. Son attention se reporta sur Anna.

Restez à votre misérable place, grinça-t-il.

Mais la jeune femme refusait de l’écouter davantage. Elle voulait laisser la magie l’envahir et libérer toute sa hargne, sa rancœur, sa vengeance, sur sa cible. Elle n’en eut pas le temps : même meurtri, le hiérarque fut plus rapide.

Une force implacable la fit décoller du sol avant de l’écraser sur la terre humide de la nef. Elle essaya de se relever, en vain. Il lui était impossible de lutter. Une main invisible l’entravait, elle ne pouvait même plus en appeler à son pouvoir.

La pression sur son torse s’accentua encore. Elle ne parvenait à respirer qu’au prix d’efforts considérables.

Quel dommage... reprit l’homme sous la mitre. Quel dommage que vous ne partagiez pas cette dévotion qui nous anime. Pourtant vous, plus que les autres, devriez comprendre. Sans les Agides vous ne seriez rien. Une minuscule villageoise luttant à l’hiver pour survivre, regardant mourir vos proches, impuissante.

Le Pape soupira et s’accroupit auprès de sa suppliciée.

Enfin, j’imagine que c’est trop tard pour vous. Cela me peine de vous ôter la vie, croyez-le. Aucun être béni ne devrait tourner le dos à un si beau destin. Vous ne me laissez guère le choix.

Il lâcha sa gigantesque épée, empoigna le lien de vie d’Anna à pleine main, et tira.

Elle put le sentir : dès lors que les doigts de l’homme se refermèrent sur le fil de son âme, celle-ci voulut s’échapper. Comme lorsque l’on s’endort. Elle eut un instant l’impression de quitter son corps et de flotter parmi les étoiles. Sa vision se brouilla en un tourbillon de couleurs éclatantes. Le moindre de ses sens était exalté. La mort se présentait à elle sous la forme d’un rêve abscons, baigné dans une lumière iridescente et parcourue de mille odeurs, mille saveurs, mille harmoniques. Tout était si beau, si parfait, si accueillant.

Anna voyagea ainsi parmi les siècles et les mondes, témoin de paysages aussi irréels que fantasmagoriques, sans repère, jusqu’à se retrouver debout sur une place pavée.

Elle prit une longue inspiration. Le froid lui mordait les joues et le nez d’une caresse mélancolique. Devant elle, le puits de Val-de-Seuil se dressait, solitaire, au milieu de l’agora du village désert. C’était l’hiver. La neige tombait dru sur les toits ardoisés et recouvrait le sol d’un manteau immaculé. Au loin, la silhouette du Pic Noir se faisait plus menaçante que jamais.

Anna avança. Accompagnée seulement par le silence, elle laissa derrière elle le puits, l’entrée nord, puis la forge, jusqu’à se tenir devant une maisonnée familière dont l’unique cheminée se coiffait d’une mince fumée blanche. Seul signe de vie autour d’elle.

Sans hésiter, elle poussa la lourde porte en bois et entra.

La chaleur sèche de la pièce à vivre l’accueillit sur un fumet de feu de bois. L’âtre crépitait gaiement à sa gauche tandis que, à sa droite, ses parents dormaient paisiblement.

La jeune femme se rapprocha de la couche et s’accroupit près de sa mère, Gin. Elle repoussa une mèche de son front et lui caressa la joue. Sa peau si douce lui réchauffa le cœur. Elle imita son geste sur le visage de son père, Vidàl, qui grogna doucement avant de se retourner.

Anna sourit. Son cœur battait à tout rompre et des larmes de mélancolie remplirent ses yeux.

Elle se redressa et se dirigea vers le fond de la pièce où trônait, contre le mur, le sempiternel arc de son père. La corde en crin de cheval brilla d’une fugace lueur dorée, comme s’il l’appelait.

Elle fit courir un doigt précautionneux sur le bois d’ébène de l’arme avant de s’en saisir. Sitôt que ses doigts de refermèrent sur la poignée de l’arc, elle rouvrit les yeux.

Elle était toujours allongée sur le sol moite de la Cathédrale. Toujours suffocante, toujours immobile.

Mais son lien de vie ne se brisait pas.

Le Pape baissa un regard empli d’incompréhension sur la jeune femme. Pourquoi la ligne ne cédait-elle pas ?

Dans un élan de colère, il lâcha prise et tendit la main afin de récupérer son arme. Une opportunité qu’Anna saisit. Par un effort de volonté surhumain, elle se libéra de son entrave invisible, repoussant le patriarche contre un arbre au tronc blanc.

Les rôles venaient de s’inverser : par la seule force de sa volonté, elle maintenait la désormais misérable silhouette du pape contre le pilier de sa sentence. Il lui sembla un instant entendre la voix de Gin, de Vidàl, d’Estelle et de Florial. Leur sacrifice avait été le battement d’aile de papillon à l’origine de l’ouragan qui se déchaînait maintenant.

Elle se sentait baver. La sphère, jadis blottie dans le creux de son ventre s’agitait dans tous ses membres comme un torrent furieux. Ensemble, elles exultaient.

Dans sa main gauche, Anna sentit le contact du bois noir de l’arc de son père. Une flèche aussi sombre que l’arme apparut au creux de sa main droite.

Mets tes pieds parallèles. Saisis ton arc. Encoche ta flèche juste au-dessus du petit nœud dans la corde. Aligne ta cible et la pointe de la flèche avec ton œil. Expire à fond, et quand tu te sens prête, décoche.

Le timbre de Gin, maternel, apaisant, résonna dans la Cathédrale à la manière d’une douce berceuse. Anna sourit. Le trait partit.

D’une voix mauvaise, elle susurra :

Pas de mort glorieuse pour le Pape, pas de fil d’argent brisé, par de magie, pas de chanson. Juste une flèche plantée dans le cœur d’un homme.

Elle tituba, recula de quelques pas et observa son œuvre un moment : un mince filet de sang coulait aux commissures des lèvres du pontife.

Une violente quinte de toux secoua la jeune femme et lui arracha un crachat sanguinolent.

Anna avait vaincu, elle l’avait toujours su. Puisqu’elle était invincible.

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