Confession

de Image de profil de Rine KamoseRine Kamose

Avec le soutien de  Dragon Fire, Feelzor 
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Dimitri,

Seulement deux ans se sont écoulés. Pourtant, j'ai l'impression que notre histoire remonte à une dizaine d'années. Ce n'est presque qu'un souvenir lointain et parfois, j'avoue avoir du mal à me remémorer ce que c'était, d'être avec toi.

Je ne saurai pas vraiment t'expliquer ce qui me pousse à t'écrire ces quelques mots. Je ne suis d'ailleurs même pas certaine que tu les liras un jour. Mais je crois que le moi d'aujourd'hui avait simplement besoin de coucher sur papier le chemin qu'il a parcouru, durant ces derniers mois.

Parfois, je repense à tout ce que j'ai ressenti, le jour où j'ai découvert le pot aux roses. Et puis je réalise que cela n'avait rien de si surprenant. Tu étais un menteur né, et ton besoin de plaire surpassait de loin tous tes principes moraux. Je n'aurais pas dû tomber de si haut, en apprenant ta trahison. J'aurais dû le voir venir, cela paraissait évident. Nous allions si mal.. Rien ne pouvait t'en empêcher : ni l'affection que tu me portais, ni même le respect ou la loyauté. On ne faisait que se déchirer. Nous ne parvenions même plus à parler calmement : tout se terminait toujours en cris. Au fil des jours, nous nous blessions un peu plus encore. Finalement, ce n'était là que le bouquet final de notre combat acharné. Tu sais, je n'ai jamais pensé que tu ne pourrais jamais me tromper. Au final, je ne t'en voulais pas plus que ça : de nous deux, il était évident que ce serait toi qui finirait par fauter. Tu étais celui qui manquait le plus d'attention. En revanche, je ne m'attendais pas à ce que tu parviennes à me le cacher si longtemps. Et finalement, c'est cette trahison-là, qui m'a le plus blessé : le mensonge, quotidien, perpétuel. La trahison morale n'était rien, face à la trahison psychologique que tu m'avais infligé. Non seulement tu me mentais mais en plus, tu me répétais à longueur de journée que j'inventais tout. Qu'il n'y avait rien entre elle et toi, et qu'il n'y aurait jamais rien. C'est cette trahison-là, qui m'a brisée. Tu avais osé me faire croire que j'étais parano, quand tu allais te glisser dans ses draps dès que j'avais le dos tourné. Pire encore, tu parvenais à me toucher, à m'embrasser et à me faire l'amour comme si de rien était. Je crois que c'est en réalisant tout cela, que j'ai touché le fond. Parce que tout le mal qu'on s'était infligé n'était rien, en comparaison. Tu comprends ? Certes, notre histoire avait tourné au fiasco mais je me consolais en pensant que les bases de notre relation demeuraient intactes : confiance, intégrité, loyauté, sincérité. Et que notre amitié pouvait survivre à tout ce que nous avions traversé. C'est ainsi que je me réconfortais et que je pansais les blessures que tes mots assassins avaient causées. Mais en réalisant que tu avais bafoué toutes mes certitudes, brutalement, plus rien n'avait de sens.

J'ai essayé de m'accrocher. J'ai essayé de sauver notre amitié. J'ai essayé de cloisonner mes sentiments, mais c'était au-dessus de mes forces. Je te détestais pour ce que tu m'avais fait, et je ne parvenais pas à me reconstruire en ta présence. Chaque instant passé avec toi, à rire ou simplement à discuter avec toi, ne faisait que me ramener à l'échec absolu de notre relation. Dans tous les sens du terme. À mon erreur de jugement à ton égard. À ma part de responsabilité dans ce fiasco. Et à l'inutilité de tout ce que j'avais enduré pour toi, pour en arriver là.

C'est à ce moment-là que j'ai compris à quel point notre histoire m'avait bousillée; que j'étais au fond du gouffre et que je ne saurai pas remonter seule. C'est donc aussi ce jour-là, que j'ai débuté une thérapie. Je n'aurais jamais soupçonné tout ce qu'elle allait m'apporter. Le jour de la première séance, je pensais simplement me rendre au psy pour parler de mon manque de confiance en moi maladif et de tout le stress et l'anxiété que cela générait. En l'espace d'une heure, j'ai compris que le problème était mille fois plus profond que ça et que je ne pourrais pas remonter la pente si tu faisais toujours partie de ma vie. J'ai réalisé que m'attacher à toi revenait à m'attacher à une image de moi qui n'était plus en accord avec ce que j'étais devenue, et que cela générait, au moins en partie, mon mal-être.

Te rayer de ma vie a été la chose la plus difficile que j'ai eu à faire de toute ma vie. Par fierté, je n'ai jamais voulu admettre à quel point cela avait été dur. Combien de fois j'ai pleuré, seule, chez moi, avec l'irrépressible envie de t'appeler. Au fil des années, tu étais devenu le pilier le plus solide et le plus stable de ma vie : l'éternelle épaule sur laquelle me reposer. Et puis soudain, je devais me passer de toi. Pour mon bien. Et c'était affreusement dur de penser sur du long terme, quand le court terme me semblait déjà être une éternité.

Et puis finalement, le manque s'est estompé. Au fil des jours, des semaines, des mois… ton absence pesait de moins en moins lourd dans la balance. Jusqu'à ne plus se faire ressentir du tout. Et c'est ainsi que j'ai réalisé que je n'avais pas besoin de toi pour exister. J'ai commencé à m'aimer pour ce que j'étais et à m'épanouir auprès de celles et ceux qui m'entouraient, et m'aimaient également pour ce que j'étais et non pour ce que j'avais été, par le passé.

Tu sais, je crois que j'ai plus appris sur moi-même au cours des derniers mois que durant ces vingt dernières années. J'ai découvert que j'étais étonnament fêtarde et extravertie, quand l'essentiel de mon existence se résumait à camper sur mon canapé pendant mon temps libre. J'ai également appris que ce que je prenais pour des défauts n'étaient autre que des traits de caractères on ne peut plus sains. Moi qui refusais en bloc d'être taxée d'égoïste, accepte aujourd'hui cet aspect de ma personnalité avec fierté. L'égoïsme est naturel, raisonnable et équilibré car il permet de se préserver — que sans lui, on avance de blessure en blessure car on demeure incapable de faire passer son bien-être avant celui de qui que ce soit. J'ai ainsi pris conscience que je confondais trop souvent altruisme et sacrifice personnel et que le bonheur d'autrui ne devait jamais engendrer mon malheur.

Mais le plus important dans tout cela, c'est que j'ai appris à m'aimer. Physiquement, moralement et psychologiquement. Chaque jour, mon reflet dans le miroir me satisfaisait un peu plus. Avec un peu de temps, j'ai appris à aimer mon corps et à en être fière, à aimer mon cœur et à en être fière, à aimer mon âme et à en être fière. J'ai appris à assumer mes défauts et à valoriser mes qualités. Je pense que tu serais heureux de savoir que le doute, l'anxiété et mes questionnements existentiels ne me tiennent plus éveillée la nuit. Finalement, j'ai appris à être plus sereine. Mieux encore, j'ai appris à gérer moi-même mon anxiété. À me rassurer seule. À prendre suffisamment de recul pour relativiser. Et je crois que cet aspect de mon travail sur moi est ma plus grande fierté.

Ça, mais également une autre leçon de vie importante : je n'ai besoin de personne pour exister. Si ma thérapie m'a appris une chose essentielle, c'est bien cella-là. Exister pour soi, et non pas pour quelqu'un d'autre, et encore moins à travers quelqu'un d'autre. Et c'est de là, que naît le second axe de mon travail sur moi.

Ces derniers mois, je pensais avoir déjà traité ce problème. Mais il s'avère que je l'ai si bien traité, que j'ai basculé dans le parfait opposé : j'ai fini par refuser en bloc que qui que ce soit prenne trop d'importance dans ma vie. Et je sais désormais sur quoi me concentrer.

Tu vois, cela fait maintenant deux ans (approximativement) que nos chemins se sont séparés en tant que couple. Tout juste un an, en tant qu'amis (ou quoi que ce soit d'autre). Pourtant, je n'ai pas pansé le tiers des blessures que notre histoire m'a infligées. Que ce soit par ta négligence, ton indifférence ou tes mots parfois assassins. Sache que je n'ai même pas pris le temps de lister les mécanismes de défense que tu as déclenché chez moi et que je m'évertue de combattre aujourd'hui. Je travailles encore sur moi; petit à petit je me reconstruis. Mais je ne baisse pas les bras. Un jour, je ne ressentirai plus l'impact que tu as eu dans ma vie.

Ne te méprends pas : je n'oublie rien de ce que nous avons vécu ; le mal et encore moins le bien. Et je ne dénigre pas la beauté et la puissance de nos sentiments. Je crois juste qu'avec le temps, j'ai appris à poser un regard plus pragmatique sur notre histoire : elle était vouée à l'échec, dès le début. À l'instant même où nos regards se sont croisés, ce jour de rentrée scolaire en seconde, nous étions voués à l'échec. Parce que je suis tombée amoureuse du regard que tu posais sur moi avant de tomber amoureuse de toi. Et que tu es tombé amoureux de l'image du futur toi auprès de moi, avant de tomber amoureux de moi. D'aussi loin que je me souvienne, au lycée, tu n'avais de cesse de m'admirer. Tu me voyais comme la solution à tous tes maux : comme ta chance d'accéder à une vie meilleure. Quant à moi, je me délectais de ton admiration. Pour une fois dans ma vie, j'étais le centre d'un univers. Tu n'avais d'yeux que pour moi, et c'était une sensation grisante. Et avec un peu de recul, je crois que c'est ce qui a causé notre perte.

Une fois de plus, ne te méprends pas. Je t'ai aimé. Bon sang, oui, je t'ai aimé. Si fort que j'aurais pu mourir pour toi. Si passionnément que je voyais ma vie à tes côtés. Et je crois même, en toute honnêteté, qu'une part de moi ne cessera jamais de t'aimer. D'aduler ce que fût notre relation, et de fantasmer sur tout ce que nous aurions pu bâtir. Et je ne remet pas une seule seconde en doute la sincérité de tes sentiments non plus. On s'est aimé. Intensément. Follement. Passionnément. Mais terriblement mal. Pas comme il fallait, et pas pour les bonnes raisons. Nous ne nous sommes jamais aimé pour ce que nous étions : tu m'aimais pour ce que tu croyais que j'étais, je t'aimais pour ce que je croyais que tu étais. Tu m'aimais car tu pensais que je t'offrirais un avenir plus doux que celui que tu te croyais prédit, et je t'aimais car je pensais qu'il n'y avait qu'avec toi que je serais si spéciale.

Pardonne cette longue lettre, je crois que j'avais simplement besoin de coucher mon parcours sur papier. Et de te montrer, aussi, que ma vie ne s'est pas arrêtée le jour où tu en es sorti. Bien au contraire, sans chercher à te blesser. Je suis plus qu'heureuse de dire que ma vie est plus belle aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été.

Je ne sais pas si un jour, cette lettre te parviendra. Mais si c'est le cas, je te demanderai de ne pas y répondre. Vois cela comme une confession, et non pas pour une invitation à renouer. Le fait est que malgré tout ce qu'il me reste à reconstruire, je te souhaite sincèrement le meilleur. Mais je ne souhaite pas connaître les détails de ta vie pour autant. Il n'y a rien de méchant, ni de mesquin là-dedans. Simplement, je n'en ressens ni le besoin, ni l'envie. J'espère que tes projets se concrétisent, que tu es heureux et qu'aucune ombre ne vient ternir ton horizon. Mais je ne me sens tout simplement plus concernée par ton quotidien, tout comme je ne t'estime plus concerné par le mien. J'espère que tu le comprendras.

Je te souhaite de mener une belle vie, et d'être heureux. J'espère que tu auras su vaincre tes propres démons, et que tu seras parvenu à panser les blessures que je t'ai causées.

Affectueusement,

Rine

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ConfessionChapitre5 messages | 4 ans

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