Résistance

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« La voie est ouverte, enfin ! »

Ces mots résonnaient dans la salle du jugement tandis que le portail luisait de mille feux, l’énergie qu’il dégageait était sans précédent, à tel point que tous les objets présent dans la salle se mirent à léviter. Un bruit sourd envahit la pièce et le ronflement qu’il causa fit vibrer l’air et tout autour de lui. Ce magnifique portail bleu de plusieurs mètres de haut et de forme parfaitement ovale était enfin là et face à lui, les esprits les plus brillants du Royaume. Un chuchotement se faisait entendre, presque assez fort pour y distinguer les mots d’une langue incompréhensible.

— Penny ! accroche toi, il faut stabiliser le passage ! cria Alford.

— Je fais ce que je peux mais dépêchez vous ! Je ne vais pas tenir longtemps !

— Marx ! Lestrate ! Lancez le sort de confinement !

Ils se mirent à réciter la formule tout en brandissant leurs mains :

« Eahus lestum reoria infligem de luminus das qualiste »

Raaah, il ne se laisse pas faire. On continue ! cria Alford.

Les incantations reprirent de plus belle mais la tension était telle que la peau des magiciens commença à se déchirer et leurs os, à bruler de l’intérieur.

— On ne peut pas le contenir, il est trop puissant ! Il faut trouver autre chose ! hurla Marx en laissant échapper un râle de douleur.

— On ne lâche rien, il faut continuer ! Quoi qu’il nous en coute, il faut absolument tenir ! s’exclama Alford en s’efforçant de ne pas perdre pied.

Le portail se défendait, il ne voulait pas être ouvert et le faisait comprendre. La salle entière subissait un véritable cataclysme magique, les tremblements et la pression était insoutenable. Les murs commencèrent à se fissurer de part en part et la belle couleur bleue pâle du portail commença à vaciller. L’air semblait se resserrer sur les magiciens qui se sentirent rapidement oppressés.

— Qu’est-ce qui se passe ? cria Penny.

— Le portail se défend, il faut simplement le contenir assez longtemps pour le calmer, lui répondit Lestrate.

Les chuchotements devinrent de plus en plus rapides et affirmés, la douce voix laissa peu à peu place à un rugissement plus féroce, comme une bête que l’on venait de réveiller.

— Ce n’est pas normal, la Source ne nous a rien dit à propos de ça ! hurla-t-elle.

Les magiciens firent face à un phénomène jusqu’alors inconnu, la salle entière semblait tourner sur elle même, les ombres se déformaient et la température ne faisait que monter puis chuter brutalement. Le portail semblait respirer et tentait de s’arracher de l’emprise du sort de confinement. Les pavés de la salle du jugement commencèrent à tournoyer de plus en plus vite et à attaquer les magiciens.

— Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Il n’était pas supposé se défendre à se point ! lança Marx.

— Lestrate, protège nous ! Je vais tenter de lui parler, répondit Alford.

— Quoi ? Tu veux communiquer avec lui ? Tu crois vraiment que c’est le moment pour ça Alford ? lui fit remarquer Lestrate, tout en déviant les rochers de leurs trajectoires.

Alford s’approcha du portail et se mit à parler, le déluge était tel que les sons devenaient difficilement audible. Penny, Marx et Lestrate s’efforcèrent de maintenir le passage ouvert tout en se protégeant des projectiles, mais la douleur et l’effort commencèrent à avoir raison d’eux.

— Alford, qu’est-ce que tu fais ? hurla Penny, on ne tient plus, il faut refermer le portail !

Il ne sembla pas l’entendre malgré ses hurlements et continua de parler au portail en espérant le calmer. Soudainement, les pavés reprirent leur place initiale et les vibrations s’adoucirent. Les magiciens échangèrent un regard de satisfaction, leur plan avait l’air de fonctionner. Alford ordonna aux autres de stopper leurs sortilèges, comme un gage de bonne foi envers l’entité. Ils s’exécutèrent dans la seconde et s’écroulèrent, anéanti par l’épreuve qu’ils venaient de subir. Penny, en reprenant son souffle, s’adressa à Alford :

— Comment as tu fait pour le calmer ?

— Je lui est parler en ancien midorien, je ne pensais pas que cela marcherait mais vu la tournure des évènements, on aurait pu y rester !

— Et qu’est-ce que tu lui as dit au juste ? lui demanda Marx.

— Je lui est dit que nous sommes venu sur ordre de la Source et que nos intentions sont pures. Je lui ai ensuite dit qu’aucun de nos sort ne lui ferait de mal.

— Par contre il ne s’est pas gêné pour nous en faire ! rétorqua Lestrate en soignant ses blessures.

— Mais ça ne s’arrête pas là, il m’a ensuite demandé de passer un pacte avec lui, et c’est à cette condition qu’il s’est calmé et nous laissera passer.

Penny eu un mouvement de recul à cette annonce, l’idée d’un pacte ne semblait pas l’enchanter.

— Un pacte ? De quel genre ?

— Et bien, vous n’êtes pas sans savoir que ce que nous faisons n’est pas autorisé par les lois magiques de Midoran, dit-il en se tournant vers le portail. Ce passage le sait mieux que quiconque, il a donc accepter de ne pas nous tuer à condition que nous lui faisions don de quelque chose. »

Les magiciens se regardèrent les uns les autres, interpellés par ce que leur disait Alford.

— Qu’on lui donne quelque chose ? Mais de quoi peut bien avoir besoin un portail magique ? fit remarquer Lestrate tout en ricanant.

— Schhh Lestrate ne l’offense pas s’il te plaît, je ne tiens pas à dépenser ce qu’il reste de mon énergie pour te recoller si il décidait de te démembrer.

Lestrate se sentit bête et regretta aussitôt d’avoir prononcé ces mots.

— Bon d’accord, dit-il en déglutissant, et alors qu’est-ce qu’il veut au juste ?

— Il nous laissera passer à la seule condition que nous renoncions ici et maintenant à l’intégralité de nos pouvoirs.

— Quoi ? s’offusqua Lestrate, vexé, nous ne sommes pas venu jusqu’ici pour perdre nos pouvoirs, c’est même le contraire de notre but je te rappelle !

— Lestrate a raison, sans nos pouvoirs nous ne pouvons pas continuer notre mission. Tu es sûr que c’est ce qu’il veut ? demanda Penny.

Alford avait l’air songeur, cette option ne lui plaisait pas plus qu’à ces compagnons. Il tendit la main et fit venir à lui la besace qu’avait apporté Marx, en sortit une médaille en argent et enlaça la chaine autour de sa main.

— Mes amis, j’ai toujours su que ce jour viendrait et que le moment venu il faudrait prendre les décisions qui s’imposent. Vous êtes tous d’excellents magiciens, les meilleurs du Royaume de Midoran et je suis fier de vous. Et aujourd’hui marque le jour ou vous aller laisser votre empreinte dans l’histoire, ce portail est une opportunité plus qu’inespérée, et il est hors de question que je perde mes pouvoirs.

Si tôt qu’il eu finit sa phrase, le médaillon se mit à luire. Il effectua un balayage de la main, envoyant des chaines bleutées enlacer ses 3 compères qui tombèrent à genou. C’est dans un râle de douleur que Penny, Marx et Lestrate sentirent leur énergie vitale aspirée.

— Alford ! cria Penny en essayant de se relever, qu’est-ce que tu fais ?

— Ne m’en voulez pas les amis, ce que je fais là je le fais uniquement pour notre bien à tous, ça a toujours été notre objectif ! dit il en concentrant l’énergie absorbée dans le médaillon.

— Espèce de… ! marmonna Marx, tu as plutôt intérêt à me tuer, auquel cas c’est moi qui m’en chargerai !

— Mais j’y compte bien mon cher, et une fois que j’aurais aspiré toute votre magie je traverserais ce portail et je sauverais notre Royaume du mal qui le ronge. Ne le prend pas personnellement Marx, c’est ce qu’on appelle un dommage collatéral.

Marx et Lestrate commencèrent à voir leur vision se troubler et ne tardèrent pas à s’écrouler. Penny tenait bon, et tenta de se relever tant bien que mal.

— Alford ! Arrête ça tout de suite ! cria-t-elle en se relevant.

Une aura verte commença à l’entourer, ses yeux scintillèrent d’un lueur aveuglante, plus claire que mille soleils et cela suffit pour troubler Alford l’espace d’une seconde. La chaine de Penny se brisa et elle en profita pour répliquer. C’est en hurlant de toutes ses forces qu'un rayon jailli de la paume de sa main, directement pointé en direction d’Alford. Ce dernier ne put éviter le sortilège qui le frappa en pleine poitrine. Le choc provoqua une onde de choc qui fit vibrer l’air telle une vague, envoyant valser tous les objets présent dans la salle. Penny maintenu son sortilège le plus longtemps possible et lâcha prise après quelques instants. Elle referma ses yeux et s’écroula au sol, laissant la salle du jugement sous un voile de poussière épais. La seule trace d’Alford encore visible après ce déluge n’était autre que le médaillon d’argent, tombé à terre devant le portail.

Penny se traina avec faiblesse jusqu’à Marx et Lestrate, craignant le pire.

— Marx ! Lestrate ! Pitié ne me faites pas ce coup là, s’écria-t-elle en laissa sentant les larmes lui monter. Elle posa ses mains sur la poitrine de Marx, inanimé et aussi pâle que la lune et murmura quelques paroles destinées à le sauver.

— Aller réveille toi ! réveille toi Marx ! hurla-t-elle en éclatant en sanglot. Elle recommença en une seconde fois, puis une troisième, mais en vain. Marx était là, étendu sur le sol, inerte, et aussi froid que la pierre qui l’entourait. Elle jeta un regard autour d’elle et contempla la scène. Elle n’arrivait pas à réaliser ce qui venait de se passer, comme frappé de plein fouet par le destin et sa brutalité. Elle entendit soudainement un gémissement, c’était Lestrate qui gisait au sol en remuant très légèrement, le teint blafard et marqué comme si plusieurs années l’avaient fauchées brutalement. Penny rampa jusqu’à lui en espérant que le sort d’Alford l’ai épargné. Elle s’agrippa à la sangle de sa veste pour se hisser jusqu’à son visage.

— Lestrate ! Lestrate ! Je t’en supplie accroche toi je vais te soigner, lui dit-elle en joignant les mains sur son torse.

— Penny, Mar…x, est-ce qu’il… est-ce qu’il…, marmonna-t-il en ne sachant plus parler et respirer correctement.

Penny ne put contenir son chagrin et lui répondit en pleurant toute les larmes de son corps.

— Il ne bouge plus Lestrate, j’ai essayé, plusieurs fois mais il… il est…

Lestrate lui saisi le bras et reprit :

— Et Al…ford, est-ce qu’il… ?

— Je crois bien, dit-elle en essuyant ses larmes, je ne sens plus sa magie.

— Est-ce qu’il… a traversé… le portail ? »

Cette question fit l’effet d’une bombe chez Penny qui pensait l’avoir purement éliminé, elle leva subitement les yeux et vit le portail se tordre et se distendre. Avec toute l’agitation elle n’avait pas remarqué l’aura noire qui était en train de se former autour de lui.

« Non, non non non, ce n’est pas possible, il n’a pas pu ! » pensa-t-elle en scrutant la salle.

L’aura noire progressait lentement sur le sol, faisant fondre les pavés, les chaises et tous ce qui se présentait sur sa route. Le portail continuait à se contorsionner comme un homme malade ne pouvant contenir une maladie. Il semblait souffrir. S’ensuit un horrible cri strident évoquant la mort, un cri accompagné d’une grande main noire fumante aux doigts crochus sortant du portail et s’agrippant à son rebord. Penny eu le souffle coupé, ses yeux s’écarquillèrent, elle était paralysé et ne sut quoi faire face à cette abomination naissante. Les cris de l’ombre commencèrent à faire trembler l’édifice tout entier, des pierres se mirent à chuter et le sol, à se déchirer de part en part.

— Mais qu’est-ce que c’est que ça bon sang ! s’écria-t-elle.

— Penny, dit Lestrate avec effort, tu dois le fermer, il le faut…

— Sans votre aide je n’y arriverais pas c’est impossible !

L’ombre continuait de sortir peu à peu, laissant maintenant presque entrevoir l’intégralité de sa tête, entièrement noire, sans visage et d’un aspect fumeux. Elle continuait de hurler et se mit à regarder en direction de Lestrate et Penny. Penny se mit à soigner Lestrate pour l’aider à se remettre sur ses jambes.

— Penny, arrête ça ne sert à rien, je suis fichu, déclara-t-il en saisissant les mains de son amie.

— Laisse moi faire tu veux ! Je refuse de t’abandonner, on sortira d’ici ensemble !

— Penny, écoute ! Oublie moi et enfuit toi, va prévenir le Conseil il faut arrêter cette chose !

Penny eu alors une idée, folle certes, mais elle se dit “pourquoi pas“. Elle saisi son ami par le bras et le traina hors de portée du tapis de fumée noire progressant sur le sol.

— Lestrate ! Comment dit-on “ferme toi“ en ancien midorien ?

— Penny ne perds pas de temps, enfuit toi je te dis !

— Répond moi, dépêche toi ! hurla-t-elle.

— Klar, dit-il en toussant, ça se prononce klar.

— Très bien, continue de te soigner, je vais tenter quelque chose.

Si tôt ces mots prononcés, Penny se leva, avança le long de l’allée centrale et fit face au portail et à l’ombre gigantesque qui en sortait. Le monstre tendit sa main vers elle en gémissant. Penny lui rendit son geste et s’écria : « KLAR ! »

Soudain, des liens sortirent du portail et se mirent à enlacer l’ombre, la stoppant dans sa course. La brume qui l’accompagnait semblait aussi réagir et commença à reculer lentement.

— Ça fonctionne ! s’écria-t-elle en laissant échapper un sourire de soulagement.

L’ombre continuait de lutter et d’hurler à la mort mais le portail se défendait de nouveau et sa magie semblait prendre le dessus. La bête entra dans un état de rage, elle se débattait avec fureur, se mit à marteler le sol et à tout détruire d’un revers de main. Les pierres se mirent à chuter de plus belle et l’édifice tout entier semblait sur le point de s’écrouler.

— Penny, il faut partir ! La salle est en train de s’écrouler !

— Tu as raison, le portail à l’air de bien se défendre. Fichons le camp d’ici !

Penny prit son ami sous son bras et l’aida à se relever, ils partirent en direction de la sortie de la salle lorsqu’un tentacule de fumée noire se saisit de Penny, la souleva du sol et l’attira en plein dans l’écran de fumée que dégageait l’ombre. Penny disparut, absorbée par l’entité qui hurla de nouveau à plein poumon.

— Penny ! hurla Lestrate resté au sol, désoeuvré et prit de cours.

Le portail maintenait son emprise sur la bête et elle était presque entièrement rentrée. L’immense porte se mit à rétrécir en laissa de nouveau échapper un doux murmure. Sa couleur se mit à changer et vacilla du bleu au vert en scintillant de plus en plus fort. L’ombre finit rapidement par se faire engloutir et laissa échapper un dernier râle qui s’atténua petit à petit. Le scintillement du portail cessa, comme pour marquer la fin du combat.

Le calme reprit vite sa place. Les cris et l’agitation présent quelques minutes auparavant ne sont désormais qu’un souvenir. Lestrate était seul, au milieu de cette immense salle à contempler le portail. Il tomba à genou, hurla le nom de son amie engloutie par la créature en espérant qu’elle l’entende. Il continua d’appeler Penny pendant plusieurs minutes jusqu’à faire face à l’évidence : son amie venait de mourir ce soir.

Lestrate joignit ses mains et entama une prière en hommage à Marx et Penny.

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