Quelques années plus tard...

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Rome, villa des Publius

 Caligina sortit dans le jardin et s'arrêta à l'ombre d'une arche de roses, une cruche de vin au miel à la main. Tout en écoutant la troupe de musiciens qui animaient ce jour de fêtes, elle observait Andronicus, allongé sur son lit de table, soulever une grappe de raisin et renverser sa tête en arrière.

 Elle admirait la veine qui palpitait sur sa tempe chaque fois qu'il éclatait de rire et ne pouvait s'empêcher de s'attarder sur cette main et ce bras, davantage habitués au maniement du javelot et de l'épée qu'à l'art délicat de la table.

 Adossé à l'une des colonnes du péristyle, l'esclave Porcus admirait cette rose au milieu des roses. La délicatesse de ses traits le mettait toujours en émoi, sans doute parce qu'il était lui-même privé de toutes ces grâces dont se parent bien souvent les jeunes filles. Ces femmes à peine écloses, dont la beauté juvénile annonçait leur splendeur future, une fois leurs appâts mûris par le temps.

 Elle avait beau n'être qu'à quelques mètres de lui, la proximité physique n'y changeait rien, elle lui semblait toujours loin et inaccessible. Dans les regards qu'il laissait couler sur elle, à l'admiration se mêlait d'ailleurs bien souvent une forme de rage.

- Tu nous as tellement manqué, Andronicus, s'exclamait sa mère, assise sur son lit de table et en admiration devant lui.

- Mon retour ne méritait pourtant pas de telles réjouissances, mère.

- Trois ans d'absence et ne pas fêter ton retour ? s'écria-t-elle en riant. 

- À mon avis, mère, ses trois années d'étude en Grèce ont été une orgie, alors, dis-toi bien que ce n'est pas ton joueur d'aulos et de tambourin qui le consoleront d'en être parti, répliqua la facétieuse Publia.

 Andronicus partit dans un grand éclat de rire. S'arrachant avec effort à sa contemplation, Caligina rejoignit la famille attablée et versa du vin dans la coupe de chacun. Arrivée à celle d'Andronicus, elle n'osa d'abord le regarder. Puis, n'y tenant plus, elle leva vers lui ses yeux brillants dont ses pommettes rosies de gêne rehaussaient l'éclat. Andronicus esquissa un sourire qui marqua ses joues d'une fossette ravageant de beauté. Alors que, dans sa poitrine, explosa la joie, elle remarqua sa lèvre pâle, ses joues creuses et ses yeux cernés. Il avait la clarté de la lune, lui qu'elle avait connu si solaire.

 Tandis qu'elle s'en allait pour retourner en cuisine, elle entendit distinctement Iulia, la mère d'Andronicus lui dire : "Mon fils, ne t'avise pas de t'enticher d'une esclave ...". Porcus saisit au vol l'expression qui se dessina sur le visage de Caligina, comme un oiseau de proie saisirait dans ses serres une mésange. Il cacha le sourire irrépréssible qui déformait ses traits porcins en passant sa main sous son nez et en reniflant grassement. Caligina, celle qu'il croyait aussi insaisissable que la brume , pourrait bien devenir sienne.

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