Chapitre 1

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Les flocons de neige tourbillonnaient dans le vent glacial du nord. La masse sombre de la forêt croulait sous le manteau blanc de l’hiver et serpentait le long des crêtes de la région vallonnée. Nul être humain ordinaire n’aurait osé s’aventurer dans une telle tempête. Guilhem n’était pas un humain ordinaire. Loin de là.


Il était Viking.


Enfin, Normand d’origine Viking. Dans ses veines coulaient le sang des Hommes du Nord qui avaient terrorisé le royaume de France avant de devenir les défenseurs de ce même royaume en échange de terres riches et accueillantes. Il huma l’air, ses longues barbes et moustaches, à moitié gelées, bougeaient à peine sous la bourrasque. Les perles de glace accrochées aux poils s’entrechoquaient avant de s’envoler. Il ajusta son havresac et la lanière en cuir épais qui retenait le lourd bouclier dans son dos. Il reprit sa route, dépité. Guilhem tentait depuis des semaines de trouver une faille dans la muraille invisible qui le maintenait loin de sa proie. La colère rongeait peu à peu son esprit, menaçant de lui faire perdre la raison. Le duc de Normandie comptait sur lui pour mener cette mission à bien. La nuit devait être tombée à présent car il ne voyait plus le pâle soleil percer à travers les épais nuages sombres qui ne quittaient plus le ciel depuis des semaines. Guilhem bifurqua vers les bois pour y rechercher un abri relatif et attendre le jour. Hors de question de dormir par ce froid.


Le vent changea un bref instant d’orientation et porta à ses oreilles le hennissement d’un cheval.


Le Normand redoubla de prudence en avançant sous le vent, cachant ainsi les crissements de sa progression dans la neige épaisse. Guilhem rabattit sa capuche, laissant échapper de part et d’autre de son visage deux épaisses tresses blondes. Le bouclier dans une main, sa hache de guerre dans l’autre, il se courba presque à toucher le sol, évitant de respirer trop rapidement. Ses yeux gris fouillaient les bois. Il sentit l’odeur du feu avant de le voir. On faisait cuire de la nourriture. Des voyageurs ou un camp de pillards ? Le géant blond se mordilla la lèvre supérieure. Sa route discrète le mena aux abords d’un grand chêne, dont le tronc en arc de cercle fournissait un abri naturel. Deux chevaux, sous d’épaisses couvertures, mangeaient de l’avoine dans des sacoches accrochées à leur tête. Ils étaient entourés d’un grand nuage de fine vapeur. Une tente avait été dressée pour les protéger. La neige tombait moins durement ici, et les arbres réduisaient la fureur du vent. Celui qui avait choisi cet endroit pour faire halte savait survivre. L’estomac de Guilhem gargouilla. Un homme souleva un pan de la toile, scrutant le paysage. Le Normand retint sa respiration, ne bougeant plus. Un Franc. Avec un teint plutôt mat et des cheveux sombres : un méridional, certainement. On disait que les méridionaux étaient des gens qui entretenaient d’étranges rapports avec les musulmans. Guilhem n’avaient que faire des racontars. Son père avait vu le comte de Toulouse, Raymond IV de Saint-Gilles et ses hommes lors de la bataille d’Antioche : féroces et intelligents au combat. Puis à celle de Jérusalem. Le paternel se taisait toujours quand il finissait de décrire les rues jonchées de cadavres innocents. Il avait participé à ces meurtres alors que les méridionaux appelaient à la retenue, à éviter ces comportements indignes. Le regard de l’homme passa sur lui, sans le voir et regagna la chaleur de la tente. Guilhem expira de surprise quand une flèche vint se planter dans l’arbre derrière lui, à moins d’un mètre au-dessus de sa tête. Une silhouette, dissimulée derrière l’un des chevaux, le tenait sous la menace de son arc. Il ne pouvait s’agir que d’une femme, au vu de ses formes et de son beau visage brun. Une orientale. Que faisaient-donc un méridional et une Arabe au milieu d’un bois sous la neige ?

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