Chapitre 15

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Tip... Tip... Tip...

Mes paupières lourdes s'entrouvrirent et malgré les volets légèrement tirés, je m'accommodais difficilement à la lumière artificielle. Combien de temps s'était écoulé ? Je n'en savais rien. Mais ça n'avait pas d'importance : ma mère et mon petit frère étaient tous deux à mes côtés. Des larmes - de joie cette fois - dégringolèrent sur mon visage encore engourdi par l'anesthésie. Mon frère se jeta dans mes bras et je grimaçais de douleur.

  • Paul ! Ton frère vient de se faire opérer !
  • Laisse maman, dis-je, trop content de les avoirs auprès de moi.

On resta un moment en se tenant les mains tous les trois, j'avais besoin de leur contact. Ma mère avait les yeux rougis et même si ce n'était pas de ma faute, je m'en voulais de la mettre dans cet état. Elle ne montrait que rarement ses émotions et la voir ainsi me bouleversait.

La médecin frappa à la porte, restée entrouverte, et entra. Elle s'entretint brièvement avec ma mère. Je restais avec mon petit frère, essayant de trouver une discussion mieux adapté à son jeune âge. Je voyais bien dans ses yeux qu'il n'avait pas tout saisi, ma mère avait dû édulcorer l'histoire. Il s'agrippait néanmoins à moi, bien conscient de mes importantes blessures.

L'expression du docteur, qui gardait un sourire impeccable et professionnel, ne me trompa pas : quelque chose n'allait pas. J'interrogeai ma mère du regard qui secoua affectueusement la tête.

  • Ne t'en fais pas mon poussin, je dois juste remplir de la paperasse et je reviens vers toi après.

Mme Wilfried Catherine, j'avais retenu le nom du médecin, la coupa, gênée :

  • Il vaudrait mieux que votre fils se repose avant les prochains examens, madame.
  • Les prochains examens ? Je croyais que tout était bon ?
  • C'est juste le protocole, tout ira bien. Quelques vérifications de routine.

Elle se tourna vers moi, un grand sourire, dénué de sincérité, aux lèvres :

  • Votre fils est entre de bonnes mains !

Son clin d'œil à chaque fin de phrase devenait particulièrement agaçant. Ma mère parut quelque peu troublée mais acquiesça.

Une infirmière me reprit à nouveau la tension et me fit boire de l'eau. Quel délice ! L'intraveineuse ne rivalisait pas avec cette sensation de satiété. La médecin s'éclipsa, tandis que l'infirmière s'afférait toujours dans la chambre. Elle releva ma manche pour révéler mes veines et, choisissant la plus apparente, enfonça une fiche reliée à une énième perfusion. La petite pochette transparente était légèrement colorée. Allait-on à nouveau m'anesthésier ? Ce n'était pas possible : je venais d'être opéré ! Légèrement paranoïaque, je demandais à quoi servait ce produit.

  • C'est pour que tu puisses te reposer. Ton corps est encore engourdi par la morphine, cependant ses effets vont diminuer. Ça t'évitera de trop souffrir.

Je fis la moue : en fait, des douleurs sourdes remontaient le long de ma colonne vertébrale depuis un moment.

  • Il y a aussi un médicament contre les nausées qui surviennent après ce genre d'opérations.

Elle rangea son matériel et avant de sortir, s'adressa à nous :

  • Si tu as l'impression d'avoir des hallucinations, c'est tout à fait normal. Le dosage est plutôt corsé. Je reviendrais m'assurer que tout va bien cette nuit, d'accord ? Bonne soirée.

Ma mère lui sourit et referma la porte derrière elle pour plus d'intimité. Je regardais d'un air lointain les gouttes tomber une à une dans le tube, glissant insidieusement jusqu'à mon avant-bras. Ce n'était certes pas du poison, mais je détestais l'idée d'être alité, sans pouvoir contrôler ce que l'on me mettait dans le sang !

Mon petit frère regardait un dessin animé à la télé et je chérissais son innocence. Ma mère avait l'air de penser la même chose et nous nous regardâmes en souriant. Nous n'avions pas vraiment eu le temps de parler, et je ne savais pas par où commencer. Très respectueuse, ma mère attendait que j'aborde le sujet en premier. La seule chose qui me vint à l'esprit fut Jack. D'un ton angoissé et la voix pâteuse depuis l'opération, je demandais :

  • Jack s'est échappé, c'est ça ?

Elle ne devait pas s'attendre à ce que j'aborde directement le sujet, car elle prit le temps de choisir ses mots :

  • Oui. Il s'est enfui juste avant que les secours et les professeurs te découvrent... gisant sur le sol.

Ses ongles s'enfoncèrent dans les plis de sa robe, pour mieux maitriser ses émotions.

  • La police ne l'a toujours pas retrouvé ?
  • Non, cela ne fait qu'un jour...

Un jour ? Je ne comprenais pas. Ma mère, remarquant mon air ahuri, renchérit :

  • Ils t'ont opéré de suite, par chance ! Tu es passé en priorité. Tu... tu étais mal en point tu sais, j'ai eu si peur !

Elle marqua une pause pour contenir les sanglots qui menaçaient de la submerger à nouveau.

  • Tu as beaucoup dormi. L'opération a duré environ deux heures. Mais tout va bien maintenant, mon poussin !

Ma mère parlait doucement pour ne pas déranger mon petit frère, toujours plongé dans son dessin animé. Assise à côté de moi, elle tenait ma main gauche affectueusement, tout en la caressant. Je savais qu'au-delà de son amour inconditionnel, elle avait besoin de faire passer son stress.

Je ne me sentais pas à l'aise dans cet hôpital et je voulais à tout prix rentrer chez moi. Mais la médecin souhaitait que je reste trois jours de plus, juste au cas où.

Après avoir dégusté le plateau repas infecte, ma mère et mon petit frère me laissèrent.

  • On revient demain à la première heure, promis !

Je fis mine que tout allait bien alors que mon oppression reprenait déjà. Leur visite avait été une bouffée d'air frais et je ne souhaitais en aucun cas les voir partir.

Une fois seul, dans cette chambre déshumanisée, la réalité me frappa en pleine face. Je revivais toutes ces horreurs, sans pouvoir les arrêter. Le lendemain j'avais une visite prévue avec un psychologue pour m'aider à traverser ce traumatisme. Mais l'unique personne à qui je voulais parler, c'était Tania. Elle seule savait réellement ce que l'on avait vécu.

Pour me changer les idées, j'allumais la télé. Encore les infos ! Cette fois, c'était celles du soir et, bien que le titre ait changé, le contenu était globalement le même. On n'avait toujours pas arrêté Jack et l'enterrement de Mike était prévu dans une semaine, le temps que l'équipe criminelle examine le corps.

J'allais changer de chaîne, quand une image me frappa. L'écran montrait le même journaliste que tout à l'heure, cette fois devant l'hôpital. Mon nom était inscrit en grosses lettres et bien qu'on ne montra pas ma photo, j'étais sous le choc. Tétanisé, je fis le parallèle avec Jack, toujours en fuite. Il voudrait sûrement d'autant plus se venger, maintenant qu'on l'avait balancé !

Par instinct, je baissais le store grâce à la télécommande, en laissant tout de même un mince filet d'air circuler. L'air de ce mois d'octobre était encore chargé de l'orage de la veille et j'avais expressément demandé de laisser ma fenêtre ouverte.

Soudain, l'ombre créée par le porte manteau de l'entrée avec ma lampe de chevet, sembla bouger. Je clignais des yeux, mais ce que je vis m'effraya : Jack fonçait sur moi en brandissant sa machette !

Je criai à l'aide d'une voix suraiguë.

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