Spiderwoman

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Je ne pouvais pas débarquer dans la chambre ça aurait paru trop louche. Mais ce n'était pas moins louche que de sortir après la séance de bécotage en règle.. D'autant plus que je connaissais le gars.  C'était l'un des meilleurs amis de Brian. Un naze comme lui quoi. J'allais sortir lorsque je vis que la fille avait retiré son haut et de toute évidence, le soutien-gorge allait suivre dans quelques secondes. Ma vie ne pouvait pas être pire. Elle ne le pouvait pas. J'allais assister à des ébats de camarades de classe. Ce n'était juste pas possible. Il ne me restait que deux solutions. Ramper vers la sortie en espérant qu'ils seraient trop occupés pour me voir ou alors passer par la fenêtre de la salle de bain. Si je réussissais ce coup de maître, personne ne me traiterait de voyeuse ou de perverse. Il me restait à peu près deux ans de lycée et je ne pouvais pas me permettre de passer de "pas de réputation" à "réputation de perverse". Ce n'était pas possible. 

J'ouvris grand la fenêtre. Et j'examinai mes possibilités. Il y avait une branche assez épaisse juste devant moi mais si je me loupais, je finirais tétraplégique dans le pire des cas. Je tournai la tête à droite. Il y avait un balcon. Cela ne me paraissait pas plus compliqué. Aussi je retirai mes ballerines, les coinçai dans ma ceinture et je passai pas la fenêtre. Il y avait un petit rebord. Et je posai mes pieds dessus. Je ne devais pas regarder en bas ou penser à ce que je faisais. Sinon je pouvais tomber. Je fermai les yeux et m'élançai. Un pas, puis un autre pas. Il fallait y aller en douceur. Mon cœur battait la chamade. J'avais chaud. C'était sûrement l'adrénaline qui faisait ça. J'ouvris de nouveau les yeux. Plus qu'un pas et je pouvais atteindre le balcon. Un pied, puis l'autre. J'inspirai, j'expirai et je passai par dessus le balcon. Je tombai à genou sur la terre ferme. J'étais une grande malade. Quand je me redressai, je vis deux jambes. Je relevai les yeux et je tombai des nues. Il y avait Marc, juste devant moi, les yeux grands ouverts ! 

-Salut.. Maa Mmaaa.. Mmaaaaarc, balbutiais-je en me maudissant de ne pas réussir à parler normalement.
-Salut Sarah.. Ou alors je devrais t'appeler Spiderwoman, vu ce que tu viens de faire non ? 
-Je.. je..
-Allez viens avec moi. On ne va pas rester sur le perron trop longtemps. Ça va ? Tu as l'air pâle.
-Non.. enfin oui. Je vais bien. 
Il était encore plus beau que dans mon souvenir et il se souvenait de moi en plus. Je ne comprenais pas comment. Il me prit par le bras et me mena à l'intérieur. La chambre de Marc.. je ne pensais pas y remettre les pieds de si tôt.
-Rien a changé.. 
-Ouais, c'est vrai. La dernière fois que tu es venue là, tu étais une gosse et maintenant.. tu es un peu plus grande. 
-Beaucoup plus grande.
-Beaucoup plus grande, murmura-t-il en posant délicatement ses yeux sur mon décolleté. 
Je remerciai le soutien-gorge rembourré et je le maudis en même temps. S'il lui venait l'envie de retirer ma robe, il serait plus que dégoûté. 
-J'avais bien cru te voir tout à l'heure mais quand j'ai retourné les yeux, tu avais disparu... Tu vas m'expliquer la raison pour laquelle tu as joué à Spiderman ?
-Séance de bécotage plus dans la chambre de ton frère, je ne savais plus comment sortir de la salle de bain. 
-Ah ok. C'est vrai que si je n'avais pas fermé à clef ma chambre, je crois que j'aurais eu droit à des ados avec des hormones en délire dedans. En même temps, je me suis pas privé à cet âge là. 
-Oui c'est vrai ? Pourquoi se priver ? 
Je me sentis sotte de dire ça. Qu'est-ce que cela voulait dire de moi ? Il me regardait d'un air étonné. Il se balança sur son lit et me fit signe de m'assoir juste à côté de lui. Je me sentais spéciale et je le fis. 
-Comment ça se fait que tu te rappelles de mon nom ? On ne s'est pas parlé depuis.. des années lumières ! 
-Tu crois que je ne me souviendrais pas de la pote de mon petit frère ? Tu passais du temps ici. Je me souviens même d'une fois quand tu avais 4 ou 5 ans, tu avais couru toute nue dans le jardin pour te jeter dans la piscine. Et mon abruti de frère t'avait suivie.

J'avais envie de mourir. J'avais fait ça ? Mais je n'avais aucun souvenir de cette action. Lui, il était mort de rire. D'ailleurs, son rire était grave, viril. Mon cœur papillonnait.
-Je ne m'en souviens pas vraiment. 
Je regardai la porte, parce que j'avais cru entendre quelqu'un dans le couloir. 
-Tu es pressée de partir ? 
-Non ! m'exclamai-je avec un peu trop de véhémence. Enfin je veux dire que non, je ne suis pas pressée, j'ai cru entendre du bruit c'est tout. 
-On est à une fête, c'est normal qu'il y ait du bruit. 
Il se redressa. Il sentait l'eau de Cologne et je pouvais voir ses yeux verts encore plus clairement qu'avant. 
-Tu n'as pas l'air à l'aise. C'est moi qui te fait cet effet là ? 
-Non, je n'ai pas l'habitude des fêtes. Sinon, c'est bien la fac ? Qu'est-ce que tu fais là ? 
-Je suis en permission. J'avais envie de respirer loin du campus. Loin des fêtes étudiantes... j'ai mal choisi mon week-end pour revenir apparemment, rit-il de nouveau. 
Il avait une façon de mettre sa bouche qui était sexy. Il sentait bon. J'avais envie qu'il me prenne dans ses bras et qu'il m'embrasse. 
-C'est vrai. C'est vrai. 
Il se redressa tout à coup et il posa une main sur ma joue pour remettre derrière mon oreille une mèche de cheveux qui s'était enlevée de ma queue de cheval. Ce geste me fit frissonner. Il avait les mains si douces et chaudes ! Je baissai instinctivement les yeux, notamment parce que le rouge me montait aux joues. 
-Je me disais que tu étais un peu givrée d'avoir escaladé la fenêtre, tu aurais pu te faire hyper mal.. je ne pensais pas que tu étais aussi.. souple. 
-Moi non plus, je ne le savais pas. J'ai juste agi sans réfléchir. 

Il allait m'embrasser. Je le savais. C'était d'une évidence telle que je ne pouvais pas empêcher mes lèvres de légèrement s'écarter. Mais il s'éloigna de moi. Ce n'était pas possible. Pourquoi ? 

Il se leva et se rendit dans son bureau. Il sortit une bouteille de tequila et retourna vers moi. 
-Tu en veux ? 
-Oui.
Je n'avais jamais bu de tequila et j'étais sûre que j'allais détester mais c'était Marc qui me le proposait alors.. Pourquoi pas ? Le liquide glissa dans ma gorge et me brûla l'œsophage, je toussai après avoir avalé et cela le fit sourire. 
-Toi c'est clair que tu es pas fête. 
-Je n'y suis jamais allée en fait. 
-Tu as loupé des tas de choses alors.
Il porta la bouteille à ses lèvres et avala une grande gorgée d'alcool. Avant de me la tendre. Mes idées commençaient à être un peu floue. 
-Alors écoute Spiderwoman, il faut que tu saches un truc.. on ne s'habille pas aussi sexy que toi pour une minable fête de lycéen, garde tout ça pour la fac. Parce que là.. tu es vraiment trop hot pour eux

Je ricanai, j'avais la tête qui tournait. C'est pour ça que quand il attrapa ma lèvre avec ses dents et qu'il m'embrassa, je ne le vis même pas venir. Mais mon cœur battait à tout rompre, comme s'il ne pouvait pas contenir autant de bonheur. Marc m'embrassait !! Il reconnaissait enfin que j'étais son âme sœur ! Il me renversa sur le lit et continua de m'embrasser. 

C'était mon tout premier baiser. Et j'avais imaginé qu'il serait avec Marc. C'était comme si un rêve se réalisait. Bon bien sûr, dans ma tête, les circonstances n'étaient pas tout à fait les mêmes : nous étions sobres, et selon l'endroit, dans un coin sombre à l'orée d'une forêt, sous la pluie ou encore devant tout le lycée. Mais c'était pas mal ici aussi. Il m'embrassa le cou. C'était sensuel. 

-Si tu ne veux pas, on ne le fait pas. 

De quoi parlait-il ? Je mis un certain temps avant de percuter ce qu'il me demandait et j'ouvris grand les yeux. Il venait vraiment de me demander ça ? C'était possible ? J'allais répondre quand on ouvrit la porte en grand.

-Putain Marc, je te cherchais partout, y'a les... flics, ajouta Paul en me fixant. 
Je ne savais pas vraiment de quoi j'avais l'air, allongée sous son frère en travers de son lit mais vu sa tête, ça ne devait pas être glorieux. Les yeux de mon ancien ami s'étaient agrandis de manière exponentielle. Il n'en croyait pas ses yeux. Son frère me regarda, se leva et poussa son petit frère en lui disant qu'il était con. Paul continuait de me fixer. Je repris mes ballerines au sol, le bousculai et repartis en courant dans les escaliers. La musique était éteinte et je cherchais Sophie dans la foule. Ce fut elle qui me trouva. 
-Viens, on passe par derrière, marmonna-t-elle. Tu pues l'alcool, tu vas te faire embarquer, c'est clair et net. 

Elle me prit par le bras et recula jusqu'à la cuisine. Je vis mon abruti de quasi-frère. Je mourrais d'envie de lui faire un bras d'honneur mais je me contentais d'un : sayonara trouduc ! murmuré à son oreille. Il ouvrit grand les yeux et nous suivit du regard alors que nous passions par la réserve de la cuisine qui menait directement vers la cave et le jardin. La voiture de Sophie était garée à l'extérieur de la propriété, si nous arrivions à la rejoindre, nous étions bonnes. Sinon, c'était le poste de police pour moi. 
Sortir en douce aurait dû être facile mais je ne pouvais pas m'empêcher de rire,et Sophie aussi. Nous étions deux cruches à marcher à pas de loup mais à rire comme des bécasses dans le jardin. 

-C'était le meilleur jour de ma vie, dis-je à Sophie alors que nous venions d'atteindre sa voiture. Si tu savais, mais SI TU SAVAIS !! 
Je mourrais d'envie de tout lui raconter mais la vie ne se déroulait pas comme prévu. Mon abruti de demi-frère apparut juste devant la voiture de Sophie. 
-Écrase-le. 
-Sarah ! s'exclama Sophie en fronçant des sourcils. 
-Tu sais ce que j'en pense de ta morale ? 
Brian se pencha à la vitre ouverte de Sophie. 
-Si tu me ramènes, je te roule une pelle, tu t'en remettras jamais. 
Il était encore plus éméché que moi, c'était pour dire. Ce n'était juste pas possible. Sophie déverrouilla les  portières de derrière et Brian lui colla un bisou sur la joue. Il me révulsait. 
-Oh en fait, ça te dérange pas de ramener un autre pote ? Il est censé dormir chez moi ce soir. 
-Mais pour qui tu te prends l'abruti ? m'exclamai-je. So' c'est pas un fucking taxi ! 
-Plus on est de fou plus on rit l'attardée, tu devrais le savoir et en plus je te parle pas, je parle à ta sexy copine. Alors ma belle, tu es ok ? 
-Oui, bien sûr mais pas de chahut, faut pas qu'on se fasse remarquer. 

Son ami, c'était Jake. Il était dans l'équipe de basket. C'était le gars que j'avais surpris avec la fille dans la chambre. Je ne pensais pas me retrouver un jour dans une voiture avec lui. Il était comme Brian, c'est à dire, imbibé comme baba au rhum. Ils se mirent à chanter comme des casseroles dans la voiture la chanson Get Lucky. Le problème je crois, c'est que ça me faisait rire intérieurement mais je ne voulais pas leur montrer à quel point c'était drôle de voir Brian chanter aigu. Quand Sophie commença à se lâcher et à hurler de rire je ne pouvais plus être la seule à ne rien dire et des larmes de rire coulèrent de mes yeux. 

On arriva à la maison en faisant du bruit. Ce n'était pas volontaire. Je n'arrêtais pas d'essayer de les faire taire tous les trois mais ce n'était pas gagné. Plus je disais chut, plus ils pouffaient de rire. La porte d'entrée était ouverte, je les laissai entrer avant de la refermer. Il n'y avait pas un bruit dans la maison.. jusqu'à ce que Brian rate une marche et s'éclate dans les escaliers, ce qui déclencha un irrémédiable fou rire de ma part et de celle de son ami. Sophie l'aida à se relever à mon grand désarroi.

Alors que j'étais affalée sur mon lit avec Sophie je me redressai et la regardai sérieusement.
-Tu sais quoi Sophie.. On devrait aller plus souvent à des fêtes.. 
-Ouais c'est vrai, fit la voix endormie de mon amie à travers mes oreillers.
-J'ai embrassé Marc.
-QUOOOI ?
Sophie n'avait plus du tout envie de dormir. Elle se redressa et ses grands yeux me fixèrent d'un air curieux. Elle avait retiré ses lunettes pour les poser sur la table de chevet. J'étais obligée de tout lui dire et je ne me fis pas prier deux fois. Elle était estomaquée, choquée et ravie à la fois. Curieux mélange. 
-Je suis follement et désespérément amoureuse de Marc McDust.
-C'est un.. comment on dit déjà ? Good kisser ? 
Je gloussais et Sophie fit la même chose. J'aurais bien crié comme une groupie mais il était 4h du matin. Mon père n'aurait pas du tout aimé, mais pas du tout. 
-Tu as pas idée. 
Je ne sais pas quand nous nous sommes endormies toutes les deux cette nuit là mais le peu d'heure où je me reposais , je fis un rêve fabuleux où les lèvres de Marc m'obnubilaient et faisaient battre mon cœur. J'étais sa Spiderwoman et je comptais bien le devenir officiellement.


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