Le trésor de la Sainte

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Domenico Scribus écoute discrètement l’homme qui lui parle. Il est grassouillet, signe de sa richesse. Et il est ennuyeux au possible… Mais l’Italien l’écoute avec un intérêt feint. Il a besoin de son interlocuteur, un riche marchand vénitien pour retrouver une œuvre d’art, une peinture activement recherchée par la curie. Leurs sources leur ont indiqué qu’elle pouvait les mener à une relique de Sainte Marthe. Comment ? Domenico n’en a aucune idée, mais il sait que le riche vénitien l’a achetée récemment et qu’elle est quelque part chez lui.

L’attention de Domenico est distraite par la présence de la fille du marchand, Lorena. Une jeune femme, brune, qui porte une toge d’un bleu flamboyant qui laisse peu de place à l’imagination quant à ses attraits peu dissimulés. Il ne peut s’empêcher de lui jeter des regards intéressés tout en essayant de ramener le marchand sur le thème de l’art et de la peinture. Celui-ci est parti sur une diatribe qui compare les coutumes du mariage romain au vénitien. Qui est assez fou pour se demander si le perdreau doit venir avant ou après le porcelet ? Domenico ne peut retenir un soupir d’exaspération.

« Vous êtes fatigué, Messire Domenico ? » lui demande Lorena qui semble aussi peu intéressée que lui par les élucubrations de son père.

« Oui, je pense que je vais me retirer dans mes appartements, chère Lorena. »

« Oh, c’est dommage. J’aurais tellement aimé échanger avec vous sur le thème de la peinture dont vous parliez tout à l’heure. C’est tellement rare ici d’avoir des visiteurs qui s’y intéressent plus qu’au prix des poulets sur le marché de Vintimiglia ! »

Le marchand s’est enfin tu, et il somnole à sa place. Domenico se dit que c’est peut-être le moment de saisir sa chance.

« Vous aimez donc l’art ? Ce goût pour la peinture doit venir de votre mère car votre père n’a pas l’air intéressé le moins du monde ! »

Lorena émet un petit rire amusé.

« Lui, ce qui l’intéresse, c’est le prix auquel il pourra revendre la peinture. Si elle n’a pas de potentiel, il ne va pas l’acheter. Mais des fois, il fait de belles trouvailles… »

« Il arrive à acheter de belles peintures ? »

Domenico essaie de s’enfoncer par la porte ouverte par la jolie jeune femme.

« Oh oui ! C’est incroyable comme parfois nous avons ici des œuvres magnifiques ! En ce moment, d’ailleurs, nous avons une peinture sublime de Sainte Marthe qui porte une robe d’un bleu encore plus pur que celui de mon vêtement ! »

L’œil de Domenico brille et ce n’est pas seulement parce que Lorena a mis la main sur sa poitrine en désignant son vêtement.

« Oh vraiment ? Serait-il possible de la voir, cette magnifique peinture ? Votre toge est déjà tellement envoutante que s’il existe un bleu plus pur, il me faut le voir ! »

Lorena sourit et, voyant que son père s’est endormi et ronfle sur sa chaise, elle fait un signe discret à Domenico de la suivre. L’enquêteur italien l'accompagne et admire l’élégance naturelle de la jeune femme ainsi que ses jolis cheveux bruns qui descendent de manière gracieuse jusqu’à ses jolies fesses rebondies.

Tout à son observation des attributs de sa jeune hôtesse, il ne remarque pas qu’ils sont arrivés en haut de l’escalier qui mène à l’étage de la maison.

« Alors, Messire Domenico, qu’en pensez-vous ? »

Et elle éclate de rire quand il rougit, gêné d’avoir été surpris à la déshabiller du regard.

« Pour l’instant, rien, je l’avoue. Il va falloir vous écarter un peu pour ne pas que mon attention soit distraite par le joli spectacle que vous offrez, digne des plus belles peintures ! »

Elle rougit à son tour devant le compliment et s’écarte un peu, permettant ainsi à Domenico de lever le regard sur la superbe peinture de Sainte Marthe.

L’Italien est subjugué par ce qu’il découvre. Son regard se porte d’abord sur le dragon qui a la gueule grande ouverte, apparemment en train de dévorer un homme. Le détail des écailles, ses dents pointues, dégagent une aura de terreur qui le fait frissonner. Le jeu des lumières entre le dragon et l’obscurité de la grotte où il s’était caché est merveilleux et rehausse encore le sentiment de puissance et de force majestueuse qui se dégagent de cet animal fantastique.

Mais ce dragon a une corde autour du cou. Domenico suit des yeux la corde et son regard se porte sur la sainte. Il se dit que l’artiste a vraiment exagéré tous les signes de sainteté, entre l’eau bénite à la main et l’auréole autour de la tête. Mais il comprend ce que Lorena a voulu dire en parlant du bleu de sa robe.

A ce moment-là, un rayon du soleil couchant traverse la fenêtre et vient éclairer la scène d’une manière surréaliste. Domenico en a le souffle coupé car ce rayon vient se porter sur la coiffe du soldat qui assiste la sainte. Le jaune orangé de ce chapeau brille de mille feux et il remarque alors que le soldat est en train d’achever la créature mystique à la gueule ouverte. Le miracle est en train d’avoir lieu.

« Eh bien, Messire Domenico. Je ne pensais pas que cette peinture vous ferait cet effet ! Voilà que vous m’avez totalement oubliée !

L’intervention de Lorena ramène l’Italien dans le monde réel. Il a une mission à accomplir… Découvrir comment cette peinture peut l’amener à la relique de la sainte…

« Je ne vous ai pas oubliée, chère Lorena. Votre beauté, vous le savez bien, surpasse de loin celle de n’importe quelle peinture, mais je ne peux m’empêcher de trouver cette œuvre exceptionnelle. J’ai l’impression qu’elle cache un secret en son sein, mais je n’arrive pas à mettre le doigt dessus… »

« Un secret ? C’est aussi ce que disait le vendeur… Que celui-qui saurait où chercher le trésor y trouverait la source de tous les miracles. C’est ce qui explique que mon père ait acheté cette peinture d’ailleurs… Dès qu’on parle de trésor, il ne peut résister… »

Domenico reste un moment en silence devant la peinture qu’il admire tout en s’interrogeant sur comment elle peut l’aider à trouver la relique… Tout à coup, une petite voix lui parle. Il reconnait que c’est celle de l’anneau bavard de sa grand-mère et espère qu’il va faire court cette fois :

« Domenico, ne perds donc pas trop de temps. La jeune Lorena n’attend qu’un mot de ta part pour tomber dans tes bras et t’inviter dans son lit ! Ne sois pas stupide ! La solution à la question que tu te poses est pourtant simple ! Où un homme trouve-t-il les plus riches trésors de sa vie ? Réfléchis deux secondes ! Tu sais bien que vous, les hommes, vous êtes tous lubriques à souhait ! »

Lorena observe Domenico qui reste bouche ouverte devant la peinture. Il a l’air de discuter dans sa tête avec lui-même.

« Messire Domenico, je vous laisse. Je me retire à mes appartements. Venez-donc me saluer quand vous en aurez terminé avec l’observation de cette peinture. Je vous promets : si vous le désirez, un spectacle beaucoup plus intéressant dans ma chambre ! »

Et, sans attendre sa réponse, elle s’échappe d’un pas léger, laissant la porte de sa chambre entrouverte. Domenico imagine sans peine ce qu’elle a à lui offrir… Et c’est là qu’un déclic se produit dans sa tête !

Il s’approche de la peinture et fait glisser ses doigts délicatement sur la robe de la sainte. Et là, Eureka ! Il découvre un petit mécanisme dissimulé dans le seau d’eau bénite. Il appuie sur le petit bouton et une trappe s’ouvre juste à la hauteur de l’entre-jambe de la sainte. Domenico ne peut s’empêcher de sourire à l’ingéniosité de l’artiste… Il glisse sa main dans la petite ouverture et en ressort un petit bijou qu’il glisse rapidement dans sa poche avant de refermer la trappe.

Sans plus tarder, il se dirige à son tour vers la chambre de Lorena pour profiter d’un autre trésor, plus vivant et beaucoup plus à l’écoute de ses propres désirs ! Il pousse la porte doucement et vient rejoindre la jeune femme pour y passer une nuit sensuelle et pleine de plaisirs.

Encore une mission réussie pour Domenico Scribus !


(L'image de la peinture est sur la couverture de l'oeuvre, en page de garde ! N'hésitez pas à aller voir !)

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