66. Les bisous du petit con

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Lyana

Je sors de la douche et m’enroule dans une serviette en entendant Guizmo aboyer. Je suis sûre que René doit jouer avec lui, si j’en crois son excitation, chose confirmée lorsque je jette un œil par la fenêtre. Le barbecue est allumé et je vois qu’Yvette est en train de mettre la table sur la terrasse. Ils m’ont tous deux invitée à dîner avec eux, et j’avoue que cela me permettra de ne pas broyer du noir, alors j’ai volontiers accepté. J’adore écouter Yvette me raconter ses anecdotes d’enseignante retraitée. Elle a travaillé en Normandie pendant des années, quelle était la probabilité pour que le hasard soit ainsi fait ? Ils ont tous deux vécu près de Bernay, c’est dingue. Et il faut croire que les Normands aiment la Bretagne, parce que René m’a dit qu’ils étaient amis avec un couple qui venait de là-bas aussi.

Je file dans ma chambre et m’habille rapidement devant le miroir. J’ai l’air vraiment fatigué, il faut dire que les nuits ne sont pas vraiment reposantes. Henri a beau m’avoir dit que Théo allait bien, je crois que je ne serai pas cent pourcent rassurée tant que je ne l’aurai pas vu de mes propres yeux. Et puis, il y a les souvenirs de cette nuit qui me hantent. Je ne suis pas une tueuse. Enfin… si, mais là, je n’étais pas en mission, ce n’étais pas un acte effectué froidement et auquel je m’étais préparée mentalement. Je culpabilise et je n’arrive pas à passer outre, même si je l’ai fait pour nous sauver la vie.

Toutes ces pensées me font grimacer et je me secoue pour aller filer un coup de main à Yvette en cuisine. S’occuper les mains et l’esprit, rien de mieux. D’ordinaire, j’imagine que je serais sortie, que j’aurais pris une cuite et trouvé un mec avec qui passer la nuit… C’est en fait ce que j’ai fait les deux premières fois. Plusieurs soirs d’affilée. Mais maintenant qu’il y a Théo, tout ce que je veux, ce sont ses bras, ses câlins, ses baisers… et tout ce qui va avec. S’il veut toujours de moi. Et honnêtement, je commence à avoir des doutes. Impossible qu’il n’ait pas vu mon petit mot dans son sac… sauf si Henri l’a vu avant lui et l’a jeté.

— Je peux faire quelque chose, Yvette ? Besoin d’aide pour la salade ?

— Si tu veux, oui. Tu n’as qu’à… couper les tomates, puisque tu ne sais pas ne rien faire.

— J’aime m’occuper, et puis, vous m’invitez, c’est la moindre des choses.

— Je t’ai dit que tu n’avais pas besoin de donner un coup de main tout le temps. Tu paies un loyer, c’est tout ce qu’on demande.

— On n’a pas le droit d’être serviable en Bretagne ? lui demandé-je en riant. J’ai pourtant souvenir que les bretons sont cools.

— Tu as raison, mais ils ne sont pas non plus impotents, ma jolie, me surprend René en entrant dans la cuisine.

— J’ai vu ça, vous avez la pêche, mais faites attention, Guizmo est infatigable.

Je sursaute en entendant la musique de mon téléphone et le récupère dans la poche de mon jean. Mon cœur fait un saut périlleux en voyant le nom de Suzie, et je m’excuse auprès de mes logeurs en sortant précipitamment sur la terrasse.

— Il a appelé ? Dis-moi que tu ne me téléphones pas pour me parler d’un mec que tu as croisé dans la rue et qui t’aurait fait un clin d'œil.

— Ah, tu es déjà au courant ? Il ne m’a pas fait qu’un clin d'œil, rit-elle. Et il est beau ! Et en plus, continue-t-elle alors que je vais l’interrompre, il ne pense qu’à toi, le beau barbu.

Le sourire qui se dessine sur mon visage me ferait presque mal aux zygomatiques, et je glousse bêtement.

— Alors il a enfin appelé… J’ai eu peur qu’il prenne la fuite. Désolée pour toi, Suzie chérie. Il arrive quand, mon beau voisin ?

— Oh, je le garde un peu pour moi, tu te doutes bien qu’un spécimen comme ça, on ne le laisse pas filer n’importe comment. Il n’a pas appelé, il a débarqué chez moi et rencontré Maman. On va fêter ça ensemble et il viendra te voir après.

— Fêter ça ? Sérieusement ? bougonné-je en donnant un coup de pied dans la balle de Guizmo. Vous faites chier… Je suis toute seule dans un coin paumé et vous allez faire la bringue ? Vous abusez vraiment. Très bien, alors appelle-moi quand il se décidera à me rejoindre. Bonne fête.

Je raccroche, vexée et déçue. Quand je ne désespérais pas de l’imaginer me fuir, j’avais dans l’idée qu’il serait pressé de me retrouver. Pourquoi aller faire la fête avec Suzie et Véro ? Tu parles d’un truc à fêter… Il n’y a rien du tout à honorer tant que nous ne sommes pas tranquilles, débarrassés de la mafia et de ce procès qui le met en danger.

— Quoi, Suzie ? grogné-je en décrochant à nouveau.

— Non mais je rêve, là ! Tu me raccroches au nez alors que j’ai encore plein de bonnes nouvelles à t’annoncer ? C’est quoi, ça ?

— Des bonnes nouvelles ? Tu trouves que c’est une bonne nouvelle que je me retrouve à me faire chier comme un rat mort en attendant que mon mec se pointe et que lui préfère faire la fiesta avec ma sœur ?

— Mais lui n’y est pour rien, ma Puce. C’est moi qui l’ai kidnappé. Il a essayé de résister, je te jure, mais quand je lui ai dit où tu étais, il s’est totalement laissé faire. Un vrai petit ange, n’est-ce pas mon chou ?

J’entends un grognement derrière elle et me demande ce qu’ils sont en train de faire tous les deux.

— Suze, je suis vraiment pas d’humeur pour ce genre de conversation. Donc, les vraies bonnes nouvelles, s’il te plaît ?

— Alors, la première, c’est que Théo est vraiment fou de toi. Il a encore refusé toutes mes avances, et pourtant, j’essaie. Je te jure, j’ai jamais vu un gars me repousser comme ça. Tu lui as fait quoi pour le rendre aussi accro ? Franchement, entre toi et moi, le choix devrait être vite fait, non ?

C’est une question que je me pose quotidiennement… Et qu’est-ce que lui m’a fait, au juste ? Peut-être que c’est ça, la vraie grande question. Comment la Lyana que j’ai toujours connue peut-elle être devenue aussi… ordinaire ? Je ne sais pas, qu’est-ce que je suis ? Simplement heureuse avec un homme, et ça me fait bizarre.

— Sans doute qu’il aime les femmes moins excentriques et folles, que veux-tu. D’autres bonnes nouvelles ?

— Ouais, j’en ai une deuxième et tu vas pas me croire. Tu ne sais pas ce que ce petit con m’a contrainte de faire ?

— Je t’écoute, je ne fais que ça, soupiré-je. Et ne parle pas de lui comme ça, vilaine.

— Ah si, il mérite que je parle de lui comme ça. Il m’a menacée de me découper en morceaux si je ne l’emmenais pas immédiatement là où tu es ! Et moi, la vilaine que je suis selon toi, eh bien, j’ai fait la bêtise de lui dire oui ! Et donc, si tu n’en veux pas trop à ta sœur qui est si méchante, je te conseille de venir nous ouvrir la porte, sinon, je te jure que je le déshabille, ton Roméo, et que j’en fais mon dîner !

Je mets un petit temps à comprendre, je crois, et c’est finalement Guizmo qui aboie au loin qui me fait intégrer les mots de Suzie. Je me précipite à l’intérieur et ouvre la porte d’entrée pour tomber sur le tableau le plus attendrissant possible : Théo accroupi, mon Husky à ses pieds, tous deux en train de se câliner. Guizmo qui me boude depuis des jours et qui refile sa dose de tendresse à mon beau voisin alors que c’est lui qui n’était pas là.

— Est-ce que je peux m’immiscer entre vous deux et avoir moi aussi droit à un câlin ? souris-je en approchant, me retenant clairement de courir comme une gamine à la vue du Père Noël.

Théo se relève tout de suite et c’est lui qui me saute dessus et me soulève dans ses bras en me faisant tourner en l’air autour de lui.

— Lyana ! Enfin ! s’écrie-t-il avant de me reposer rapidement en faisant une grimace et en portant sa main à son ventre. Je te jure que je ne voulais pas te faire cette blague en arrivant, mais Suzie a accepté de m’amener ici malgré l’heure tardive et je ne pouvais pas lui refuser cette petite provocation… Tu m’as tellement manqué…

Je lance un regard noir à ma frangine qui semble toute fière d’elle et me love contre Théo en faisant attention à ne pas lui faire mal. Si, ça, ce n’est pas le paradis… J’ai l’impression d’être une droguée qui prend sa dose après des jours de manque.

— J’ai cru que tu ne viendrais jamais, soupiré-je en nichant mon nez dans son cou tandis que Guizmo se glisse entre nos jambes. Tu lui as manqué aussi, apparemment.

— J’ai fait comme j’ai pu, je n’aurais dû sortir que demain, mais Henri voulait me remettre dans un village paumé, loin de toi. Je me suis enfui… J’avais trop besoin de ça.

Il prend mon visage entre ses mains et m’embrasse alors que j’entends Suzie derrière moi se présenter à Yvette et son mari. Tant pis pour la bienséance, voilà une chose qui m’avait trop manqué pour que je n’en profite pas et ne fasse pas durer le plaisir. Moi aussi, j’en avais trop besoin.

— Contente de te voir en vie et en forme, chuchoté-je avant de me tourner vers nos hôtes. Je te présente Yvette et René, les propriétaires de la maison, et voici Théo.

— Voilà donc le fameux Théo, rit Yvette en venant faire la bise à mon beau voisin comme si elle le connaissait déjà. Contente de te rencontrer, Lyana a déjà retrouvé le sourire.

— Oui, il était temps, rit son époux en lui serrant la main. Quelle idée de se faire autant désirer, jeune homme !

— Bonsoir… Je… j’ai fait au plus vite, vous savez. Pour une femme comme Lyana, je vous assure qu’on ne perd pas son temps à la rejoindre dès qu’on peut le faire !

Je souris niaisement et me retiens de l’attirer dans ma chambre pour le déshabiller et vraiment profiter de nos retrouvailles. Sauf que je sens que ça va être bien compliqué avec Suzie dans les parages, je doute qu’elle reparte ce soir… Bon, je vais la coller d’office dans le canapé pour la nuit, hors de question que ça se passe autrement. J’ai trop envie d’un tête à tête avec Théo. Avec ou sans sexe, je m’en fiche, tout ce que je veux, c’est m’endormir contre lui.

— Bien, j’imagine que vous vous joignez à nous pour le dîner, tous les deux ? Venez donc vous asseoir, c’est prêt.

— Oh, c’est bien gentil de votre part, répond Suzie alors que Théo exprime en même temps sa gêne à s’imposer ainsi.

— On ne va pas s’imposer chez vous, quand même…

— Pas de discussion, jeune homme, le réprime Yvette, ça nous fait plaisir. Allez, à table !

Je souris en la voyant repartir avec René en direction de la terrasse, comme si la maîtresse sonnait la fin de la récré et que, forcément, les élèves n’avaient pas d’autre choix que de retourner en classe. Cependant, je retiens Théo qui se met en marche à la suite de Suzie et l’attire un peu plus loin pour profiter encore un instant de nos retrouvailles. J’ai envie de ne plus jamais me défaire de son étreinte et j’espère ne plus jamais vivre une telle séparation.

— Il va falloir que je joue l’infirmière ? lui demandé-je en soulevant délicatement son tee-shirt pour tomber sur un pansement.

— Oh oui, je crois bien. Tu as la tenue, j’espère ? J’ai hâte de pouvoir te l’enlever ! me répond-il en déposant à nouveau ses lèvres sur les miennes.

Malgré la chaleur, un frisson me traverse en sentant ses mains glisser sous mon tee-shirt pour se poser sur ma peau. Une vraie droguée, accro à cet homme… Ça me fait bizarre, mais je crois que je suis prête à assumer les choses. Je suis curieuse de voir ce que Véronique pense de mon beau voisin. Mais, peu importe, dans tous les cas, je sais ce que je veux, et aujourd’hui, je suis prête à tout pour avoir une petite vie tranquille, main dans la main avec lui.

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