30. L’appel du Russe et de la mer

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Lyana

Je referme le clapet de mon ordinateur en soupirant. Si j’avais su que cette fleuriste serait aussi emmerdante, j’aurais fait demi-tour avant de prendre le contrat. Elle commence à grandement me courir sur le haricot, celle-là. Je ne suis pas loin de claquer la porte, mais malheureusement pour ma santé mentale, je déteste abandonner et j’aime aller au bout des choses.

Je tapote le canapé à mes côtés et Guizmo ne se fait pas prier. Il vient s’y coucher et pose sa tête sur ma cuisse. Je caresse son doux pelage en me demandant comment je vais bien pouvoir récupérer les infos nécessaires auprès de Théo… Une semaine que je passe mes nuits chez lui, et une semaine que je dors comme un bébé plutôt que de profiter qu’il roupille pour fouiner un peu dans ses papiers. C’est n’importe quoi.

Mon téléphone me sort de mes pensées, et mon humeur continue sa descente vers les tréfonds. Aucune envie de l’entendre maintenant, mais je n’ai d’autre choix que de décrocher.

— Salut, Pavelito. Que puis-je pour toi, boss ?

— Salut la Môme. Tu ne m’appelles pas, tu ne me donnes pas de nouvelles, je fais donc le premier pas. Tu vas bien ? Des infos à me communiquer ?

— Oh je vais bien, oui, merci. La boulangère vient d’adopter un troisième chat, le facteur a chopé une insolation, et je crois que le barman se tape la pharmacienne dans le dos de leurs époux respectifs. Voilà pour les infos.

— Madame a décidé de faire de l’humour, je vois. Et le troisième chat, il va s’appeler comment ? “Jememoquedemonchef” ? “Jepassemontempsàbaiser” ? Ou alors “Jaioubliéquejavaisunemissionenjouissant” ? Tu fais quoi, là, bordel ? Il me faut le nom du contact et savoir où il se trouve. Tu n’as rien découvert encore ? Nos employeurs me mettent une pression de fou, tu sais !

— Désolée, il m’embrouille le cerveau. Il est vraiment doué, tu sais ? Je n’avais jamais autant joui, c’est fou, souris-je. Bref. Pour le chat, elle pensait à Croquette, mais c’est un peu… basique, non ? Tu en penses quoi ?

— Doué ? Tu te fous de moi ou quoi ? me crie-t-il à l’oreille. Depuis quand le plaisir passe avant la mission ? Tu sais que ta liberté dépend de tes résultats, ne l’oublie pas ! Ene plus, l’autre gugusse a encore réussi à chopper des infos sur le serveur, un vrai pro, et donc les gars de Ruspharma sont en rogne. J’ai besoin de résultats. Et vite sinon je serais obligé de t’offrir à eux pour calmer un peu leur énervemement.

— Ça ne fait pas partie de ma mission. Tu ne peux pas m’offrir à tout le monde et n’importe qui, putain, je ne suis pas ton jouet sexuel, grogné-je. Et je ne peux pas aller plus vite que la musique, Pavel. Théo n’a rien chez lui, c’est pas comme s’il y avait marqué le nom de son indic en gros sur son mur.

— Pourquoi tu le baises alors ? Fais le parler ! Les confidences sur l’oreiller, ça marche, souvent. J’ai besoin de résultats, la Môme. Alors, tu fais comme tu en as l’habitude. Tu réussis. Je ne tolèrerai pas l’échec. Je suis clair ?

— Très clair, Boss. T’es quand même bien moins chiant quand tu baises, soupiré-je. Je te manque à ce point-là ?

— Ouais, et d’ailleurs on se fera une petite dernière nuit avant ta liberté. Tu es une bombe au lit. A très vite, la Môme.

Je raccroche sans lui répondre et renverse la tête sur le canapé en grimaçant. Je n’ai aucune envie de coucher à nouveau avec lui. Si, plus jeune, ça me flattait que le grand patron s’intéresse à moi et fasse de moi sa favorite, je m’en passerais bien, aujourd’hui. Ce n’est pas un mauvais coup, mais il me paraît bien fade, aujourd’hui. Surtout si je le compare à mon voisin.

Je me décide à travailler à nouveau sur le logo de la fleuriste, ce qui gêne Guizmo qui m’abandonne pour sortir dans notre courette. Je suis à peu près satisfaite de mon travail quand on frappe à ma porte. Je me lève et vais ouvrir.

— Tiens donc, un charmant voisin, souris-je en me surprenant à déposer un baiser sur ses lèvres. Ça va ?

— J’ai connu mieux, répond-il en jetant un œil derrière son épaule, comme si quelqu’un le suivait.

— Entre, l’invité-je en attrapant sa main pour l’attirer à l’intérieur. Qu’est-ce qui t’arrive ?

— Rien, une ancienne connaissance qui m’a appelé et ramené à un passé que je préfère oublier. Ça te dirait qu’on aille faire un peu de sport ? Cela me changerait les idées.

— Du sport, avec cette température ? Je… Je ne sais pas, je n’ai pas super envie d’aller transpirer, là, grimacé-je alors que Guizmo débarque pour le saluer et réclamer sa caresse.

— Je te proposerais bien du sport en chambre, mais ça serait hors contrat, non ?

Il se penche et caresse mon Husky qui l’a totalement adopté. C’est fou comme il a pris une place toute particulière auprès de mon chien. Et auprès de moi aussi, si je veux être honnête.

— A ce train-là, tu vas m’achever, ris-je. Et si on allait plutôt se promener ? Je n’ai pas le même genre de soucis que toi, il semblerait, mais j’ai envie de me changer les idées, j’ai une cliente absolument insupportable que je suis à deux doigts d’aller l’étriper.

— Se promener ? Tu voudrais aller où ? me demande-t-il en se rapprochant de moi.

— Surprise ? Prends ton maillot de bain et une serviette de… plage, énoncé-je en soulevant son tee-shirt, le sourire aux lèvres. Il faut faire bronzer ce corps, beau voisin !

— J’ai vraiment besoin d’un maillot ? Ce n’est pas un endroit pour nudistes excités ?

— Pas que je sache, mais je ne connais pas bien le coin, sait-on jamais ! Allez, on se retrouve à la voiture dans… dix minutes, c’est bon pour toi ?

— Oui, une petite aventure me fera du bien, répond-il après une légère hésitation. Fais vite, jolie voisine, je suis déjà presque prêt !

Je monte à l’étage me changer et enfile mon maillot sous une petite robe de plage fleurie. Après un rapide passage à la salle de bain, je redescends et sors des bouteilles d’eau du réfrigérateur que je glisse dans mon sac, ainsi que l’habituelle gamelle du monstre poilu qui a semble-t-il déserté notre chez-nous. Je ferme la porte vitrée et sors de la maison, tombant sur les deux mâles de la maison en train de jouer à la balle.

— Je suis prête, messieurs. En voiture, si c’est bon pour vous.

Théo me regarde un petit instant avant de répondre. J’ai l’impression qu’il me déshabille des yeux et qu’il admire chaque centimètre de mon corps. S’il continue comme ça pendant toute notre petite virée, je vais avoir du mal à contenir mes hormones !

— En voiture, ma Belle. Tu as vu comme ta maîtresse est jolie, Guizmo ? Tu en as de la chance de passer ta vie à ses côtés !

Nous prenons rapidement la route et profitons du trajet pour papoter un peu. Je lui raconte ce qu’il se passe avec ma fleuriste contrariante, m’attarde sur les détails de mon boulot et monopolise la conversation pendant un petit moment, même s’il ne m’aide pas en me posant pas mal de questions. De mon côté, je me dis que lui parler de tout ça me permet de le mettre en confiance et de lui faire relâcher son attention, pour aborder ce qui n’est pas passé dans l’oreille d’une sourde.

— Bref, j’adore ce que je fais, mais j’ai l’impression de travailler dans le vent, en fait. Rien ne lui plaît, c’est fatiguant, à force.

— Il faudra que tu me montres ce que tu fais. Je suis sûr que c’est très bien, moi. Pourquoi elle est si difficile, cette fleuriste ?

— Je ne sais pas trop… Elle doit manquer de confiance en elle, elle a l’air de douter tout le temps. Pourtant, sa boutique est vraiment superbe, elle est douée, soupiré-je. Et toi, alors, tu peux m’en dire plus sur cette connaissance qui t’a poussé à venir me voir ? Il faudra que je la remercie, depuis le temps que j’ai envie d’aller à la plage.

— Oh tu sais, juste un mec que je connais et qui avait besoin de parler. Mais ça m’a rappelé des mauvais souvenirs. Du genre de ceux qui gâcheraient cette belle journée si j’en parlais… Et jamais je ne le laisserai te rencontrer, il te sauterait dessus s’il voyait comme tu es belle !

Je lui souris et profite de cette longue ligne droite pour attraper sa main et y déposer un baiser. Je masque mon agacement avec ce geste qui me paraît un peu trop naturel pour moi. Il ne se dévoile pas facilement et je ne suis pas sûre qu’une folle nuit de sexe y changerait quoi que ce soit.

— Eh bien, j’ai une bonne droite, s’il me saute dessus, je saurai me défendre, tu sais ? plaisanté-je.

— Ouais, sa vie est encore plus compliquée que ce que tu pourrais imaginer. Bref, ce qui est bien, c’est qu’on fait une sortie entre voisins. Et que je peux passer tout ce temps à te regarder.

Sa réplique romantique me fait sourire. J’ai envie de sortir un violon en me moquant de lui, mais une partie de moi adore ça malgré tout. Lyana romantique, c’est la meilleure, celle-là !

— Mets tes lunettes de soleil, j’ai l’impression de t‘éblouir, c’est inquiétant ! Et fais attention, Guizmo risquerait d’être jaloux.

— Guizmo et moi, on partage tout maintenant, tu sais ? C’est mon pote.

— Tu sais que je me suis demandée s’il te mordrait les fesses, si je lui demandais ? ris-je. Je crois qu’il me fait des infidélités.

— Je crois que si moi, je te faisais des infidélités, c’est là qu’il s’énerverait, sourit mon voisin. Il a vu que je tenais beaucoup à toi et compris que je ne te voulais que du bien.

Je suis le GPS qui m’indique une petite route sur la droite au beau milieu du centre de Honfleur et poursuis ma route à petite allure étant donné le monde qui se promène. J’espère qu’il n’y aura pas trop de visiteurs sur la plage, et suis rassurée en m’engageant sur le parking. Il n’y a pas tant de voitures que ça.

— Tu es déjà venu ici ? lui demandé-je en jetant un œil à travers la vitre en direction du phare sur le bord de la colline.

— Non. Tu sais, j’évite les endroits où il y a du monde habituellement. Je… Bref, non, je ne suis jamais venu ici, mais ça a l’air très joli, me répond-il avant de se pencher vers moi.

Je sens sa main étreindre ma cuisse alors qu’il m’embrasse avec une gourmandise à laquelle je ne peux que répondre.

— Eh bien, voilà qui n’est pas très sérieux, cher voisin. Comment tu fais pour te mettre en maillot si tu bandes comme un âne ? me moqué-je en effleurant son entrejambe avant de sortir de la voiture.

— Tu sais, ça ne me dérange pas que tout le monde voie dans quel état tu me mets. Cela refroidira peut-être les ardeurs de quelques mecs en chaleur du coin.

Je lève les yeux au ciel, le sourire aux lèvres, en sortant Guizmo du coffre. Nous traversons la route bras dessus, bras dessous avec Théo, et je soupire de contentement en enlevant mes sandales pour poser mes pieds dans le sable. La plage est légèrement en contrebas et je ne tarde pas à ôter ma robe sous ses yeux appréciateurs avant de descendre en courant, pourchassée par ma boule de poils qui adore se retrouver en pleine nature. Théo nous rejoint rapidement et nous nous éloignons un peu de tout ce petit monde venu en famille en longeant la plage, les pieds dans l’eau.

Je sens que cette journée va être chaude, et pas seulement à cause du soleil qui cogne fort. A défaut de récolter des informations, je ne dis pas non à des orgasmes, moi. Tant pis pour Pavel.

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