Chapitre 17

7 minutes de lecture

La nuit a été courte, en ce jour maussade, tout comme le temps et mon humeur. À la fenêtre, je regarde les gouttes de pluie glisser sur cette paroi froide et lisse. Célébrant l'événement funèbre, qui ne tardera pas à se dérouler toute cette journée.

J'ai revêtu ma plus belle robe noire, celle qu'affectionnait tant Noah. Noire, une couleur que j'aimais porter à une époque, mais que je déteste aujourd'hui. Ce noir représentant la mort et la tristesse visible dans les yeux de chaque humain vivant sur cette terre.

Je suis interrompue dans mes pensées funestes par Cameron.

— Mon ange tu es prête ? questionne t-il à voix basse.

— Ai-je, le choix, dis moi ? demandé-je d'un ton morne.

— Non, mais tu n'imagines même pas à quel point, j'aimerais tant changer les événements. Ne serait-ce que pour apercevoir un instant, se dessiner sur tes lèvres ton magnifique sourire qui me manque tant. Je t'aime Blanche ne l'oublie jamais.

Ses paroles me touchent en plein cœur. Je détaille l'homme face à moi pour graver ses traits dans ma mémoire. J'acquiesce d'un hochement de tête, avant qu'une vague d'émotions ne me submerge à nouveau. Cameron me caresse le visage de ses doigts rugueux, tout en chassant les gouttes d'eau salée qui dévalent mes joues. Il me prend dans ses bras, me rapprochant le plus possible de lui.

Comment cet homme a pu s'attacher à une femme telle que moi, dépressive, craintive..?

— Blanche, nous devons descendre, c'est l'heure, murmure-t-il avant de se détacher de moi.

Je me décolle de son torse à contre cœur, ancre mes yeux à deux perles grises étincelantes d'amour. Cameron me retient à la dernière minute pour déposer un bisou sur mon front avant de prendre possession de mes lèvres. Ce baiser m'apporte la force nécessaire pour affronter ce que je redoute le plus: l'enterrement de mon frère.

Après ce moment réconfortant, il est tant pour nous de sortir de l'hôtel. Les amis, collègues de travail de Noah et la famille, doivent nous attendre sur le parking des pompes funèbres. Arrivée sur les lieux, je salue le monde présent et pars voir mon frère une dernière fois dans la chambre funéraire. Un dernier au revoir et un dernier baiser puis le cercueil se refermera, emportant avec lui mon pilier, mon ami, mon frère, l'homme qui a su être présent dans ma vie. Je cligne des yeux à plusieurs reprises, pour tenter d'endiguer le raz de marée de larmes, qui menace d'emporter avec lui l'ultime barrière érigé en ce jour de deuil.

Installée dans le premier véhicule suivant le corbillard, Cameron se saisit de ma main, me collant contre son torse dans lequel je me blottis, cherchant le réconfort qu'il m'apporte. Malgré tout mon regard, n'arrive pas à se détourner du fourgon noir qui roule devant nous, prenant la direction de l'église. Une fois arrivée devant le monument, mon corps, mon cerveau et mon cœur se fige, plus aucun de mes organes ne sont connectés entre eux.

— Blanche, tu es avec moi? nous devons sortir de la voiture, prononce Cameron en me fixant peiné.

— Je n'y arrive pas murmuré-je d'une voix tressautante à travers mes yeux vitreux.

— Regarde moi mon ange, tu en es capable, tu peux le faire pour Noah, penses à lui qui t'observe tout là-haut à travers les nuages.

— Je ne peux pas, je ne suis qu'une lâche Cameron.

– Non ! Écoute moi, la vie ne t'a tout simplement pas gâtée. C'est uniquement une épreuve de plus que l'on t'inflige, tu dois te relever et avancer. Je sais que cette journée est éprouvante, mais tu en es capable mon ange.

Je détourne mon regard, mais Cameron en décide autrement, il me force à le fixer tandis que je me noie dans ses prunelles. Il entrouvre ses lèvres et continue de m'encourager.

— Pense à Swanne et Louis qui ont perdu leur père et mère. Veux-tu qu'Ingrid obtienne la garde à ta place ? Blanche, tu dois te montrer forte pour eux. Finit-il de dire en me serrant contre lui, essuyant de son pouce une larme qui vient de s'échapper.

Il a raison, me souffle une petite voix. Tu dois être forte.

Je me détache de lui, lorsque Gareth et Thomas s'approchent du véhicule, Cameron m'observe attendant une réaction de ma part.

— Elle n'aura pas la garde, prononcé je en détachant la ceinture de sécurité.

— D'accord, alors ouvre cette portière et lutte comme une lionne défendant ses petits. Tu en es capable et nous serons là avec les gars, pour te le prouver chaque jour.

Ma main tremble lorsque je la pose sur la poignée, je soupire, ferme les yeux et essaye de réguler ma respiration.

— Blanche ? M'interpelle t-il suspicieux.

— Je vais descendre, laisse moi juste le temps de reprendre mes esprits.

Cameron quitte le véhicule et quelques secondes plus tard je le rejoins. J'observe cette scène inimaginable à travers mes yeux embués. Les personnes présentes se sont déplacées en nombre. Beaucoup d'entre eux pleurent, d'autres ont la mine attristée et compatissante. Je m'avance à l'intérieur de cette foule venue me soutenir et saluer une dernière fois mon frère.

Devant le parvis, les gars m'attendent, Cameron lui est à mes côtés. Nous, nous avançons ensemble pour nous diriger vers l'autel, où trône des gerbes de fleurs blanches et des rubans noir attachés aux bancs. Une fois la foule installée, le cercueil de Noah entre dans l'église. Les hommes des pompes funèbres le déposent avec délicatesse sur le socle. Mon estomac se lève, je veux sortir de ce putain de cauchemar, qui malheureusement n'en est pas un.

La cérémonie débute, le prêtre fait son discours et l'éloge de mon aîné. Il invite les convives qui le souhaitent, à venir prononcer une dernière parole. J'observe le va-et-vient de ses collègues et amis qui viennent chacun leur tour parler au micro. Le spectacle qui se produit devant mes yeux est impensable. Noah était apprécié et aimé par tous. Je suis la dernière personne à me lever et intervenir pour cette fin de cérémonie.

– Je.. je.. tenais.. à vous.. vous.. remercier pour votre présence. Noah, tu.. tu vas énormément me.. me manquer. Je sais que tu seras tou.. toujours présent ici dans mon cœur. Je t'aime, déclaré je en levant ma tête vers les cieux.

Sur mes dernières paroles, mes larmes surgissent tel un torrent. L'ensemble de mon corps tremble et mon cœur éclate, poignardé par la douleur que je ressens. Cameron et Gareth accourent pour m'aider à me maintenir et à me rasseoir.

Le paroissien clôture la cérémonie en bénissant le cercueil avant de nous inviter à quitter l'enceinte religieuse.

Je suis la première à vouloir sortir, j'ai besoin d'air pour atténuer cette sensation d'étouffement, qui me prend à la gorge et au thorax. Les gens sortent par petit groupe, venant me prendre dans leurs bras ou me serrer la main, prononçant les mots qu'en ce début d'après-midi je déteste le plus entendre :"Toutes nos condoléances."

Pourtant le plus dur reste encore à venir, le cimetière. En y pensant j'en ai des sueurs froides. Cette étape va être la plus douloureuse. Imaginer s'enfoncer dans la terre le cercueil de mon frère, dans le caveau familial, me provoque des vertiges et accélère les battements de mon cœur.

— Mon ange, viens avec moi, tu as besoin de t'éloigner de tout ça quelques minutes.

Cameron passe un de ses bras autour de mes épaules, me rapproche de lui et entame une petite marche loin de tout. Je le suis comme une poupée sans vie.

— Maintenant Blanche, relève la tête vers le ciel gris qui t'accompagne dans ta tristesse et respire. Absorbe avec tes poumons, l'air tout autour de toi et ferme tes yeux, dicte Cameron en montrant l'exemple.

Je clos mes paupières et reprends plusieurs inspirations, comme il vient de le faire.

— C'est bien, ma beauté, évacue toute cette souffrance et cette pression en toi.

Après quelques secondes ou minutes, je ne saurais le dire, Cameron me donne l'ordre d'ouvrir mes yeux et me demande si je vais mieux. J'acquiesce d'un hochement de tête et esquisse un léger sourire. Il dépose un baiser sur ma tempe et nous retournons auprès de Gareth et Thomas, qui patientent devant les voitures pour reprendre la route direction le cimetière. Tout le long du trajet, je m'attelle à exécuter les conseils de mon homme.

Mais, je m'arrête de l'appliquer lorsque le recouvrement du tombeau avec la terre a lieu. Mon cœur s'est arrêté d'émettre des battements un instant, je m'effondre à terre, les mains devant les yeux, hurlant ma colère, ma rage et ma tristesse.

Cameron essaye de me soutenir comme il le peut se mettant dans la même position. Mais, je le repousse cette fois-ci. Ne voulant pas voir la pitié et la peine dans ses yeux. J'ai besoin d'être seule, de ne plus faire face à toutes ses personnes qui pour la plupart me sont inconnues. Je leur demande à tous de quitter les lieux.

Les genoux à terre dans la boue, je redresse mon buste, observant la plaque ou les noms inscrits de ma famille sont gravés sur la pierre. Je les frôle du bout des doigts avant de me lancer dans une discussion avec eux.

— Papa, maman, aujourd'hui votre fils vous a rejoint, je suis persuadée que vous l'avez accueilli les bras ouverts. J'espère que là où vous vous trouvez tous les trois accompagnés de Louanne , est un sacré paradis de toute beauté pour m'avoir abandonné et laissé seule dans ce monde où l'injustice règne. Je tiens à vous faire à tous une promesse, en particulier à vous Noah et Louanne. Je vais tout faire pour obtenir la garde de vos enfants, ah et encore une dernière chose avant de tous vous quitter, sachez que je vous aime du plus profond de mon âme et que vous me manquez déjà énormément.

Sur ces dernières paroles, j'essuie mes larmes, me lève avec difficulté, tremblante mais le cœur un peu moins cabossé.

Maintenant une autre épreuve m'attends, redonner la force et la joie de vivre à deux jeunes enfants orphelins de leurs parents.

En fermant cette vieille grille en fer forgé, ma tristesse s'atténue légèrement. Je redresse la tête tout en reprenant mes esprits.

J'ai une bataille à remporter et je compte bien l'achever avec succès.

Mon adversaire, Ingrid, la grand-mère des enfants.

Je ne la laisserais en aucun cas devenir la tutrice légale, même si pour ça, je dois tout perdre pour y arriver.

Fin de chapitre.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Valente Sandra ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0